Politique / Économie

Pour Macron, la question de la croissance est plus explosive que l'affaire Benalla

Les résultats moins bons qu'anticipés en matière de chômage et de croissance risquent de sérieusement compliquer la rentrée du président de la République.

Emmanuel Macron à Lisbonne (Portugal), le 27 juillet 2018 | Patricia de Melo Moreira / AFP
Emmanuel Macron à Lisbonne (Portugal), le 27 juillet 2018 | Patricia de Melo Moreira / AFP

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L’affaire Benalla revigore l’opposition sur les apparences du pouvoir, et seulement sur elles. Tant qu’il ne s’agit que de cela, tant que la droite comme la gauche restent incapables de présenter le début du commencement d’une alternative programmatique sérieuse et crédible, Emmanuel Macron n’a pas véritablement à s’en faire. Il peut, comme il le fait, en rester sur le terrain –pas facile mais retournable– de la communication.

Entre-temps, sur le champ du sérieux, sont tombées deux statistiques, qui elles peuvent porter un préjudice certain à Emmanuel Macron. Les chiffres du chômage d’abord, ceux de la croissance ensuite.

Trop lente baisse du chômage

Le nombre de personnes sans activité (catégorie A) en France métropolitaine a augmenté de 4.600 (+0,1 %) au deuxième trimestre 2018, pour stagner à 3,44 millions. Il avait baissé d'un peu plus de 33.000 sur les trois premiers mois de l'année. Les résultats mensuels ne valent rien, et les résultats trimestriels n’ont pas non plus un sens tendanciel. Sur un an, les chômeurs et chômeuses de catégorie A ont vu leur nombre reculer de près de 45.000.

Le chômage continue donc de baisser en France, mais il baisse lentement. Le gouvernement peut expliquer qu’il y a eu en 2017 340.000 créations d’emplois, un chiffre très élevé qui montre le dynamisme retrouvé de l’économie. La lenteur des statistiques d’emplois serait due à des retours sur le marché du travail de personnes qui avaient perdu espoir et s’en étaient détournées; désormais, elles se réinscriraient à Pôle Emploi. Quand ce réservoir des personnes «sorties du cadre» se sera vidé, alors la machine à création d’emplois se traduira par autant de baisse du chômage. Ce raisonnement est juste, mais on ne connaît pas le volume du réservoir.

Beaucoup d’entreprises ne trouvent pas les salariées ou salariés qu’elles cherchent. La France bute déjà sur le seuil du chômage «structurel», soit le niveau en dessous duquel il ne pourra descendre que lorsque l’appareil de formation fournira les compétences aujourd’hui introuvables. Autrement dit, le recul des statistiques du chômage –le résultat que voudrait vanter le président de la République– prendra du temps, beaucoup de temps. Sans doute deux ans.

Or, et là est la source d’inquiétude la plus justifiée, ce schéma de baisse du chômage ne peut se dérouler positivement que si la croissance reste bonne. Plus celle-ci ralentit, plus la baisse du chômage se fera attendre.

Croissance médiocre

La deuxième statistique importante qui vient de paraître est celle d’une hausse du PIB au deuxième trimestre 2018 de 0,2% seulement, après 0,2% également au premier trimestre. Ce n’est pas un bon chiffre: il signifie que le gouvernement ne peut pas atteindre son objectif de 2% cette année et devra sans doute se contenter de 1,8%.

Pour la communication d’Emmanuel Macron, la séquence est dure: après 2,2% en 2017, la croissance tombe à 1,8%, malgré tous les efforts, les réformes et les discours sur la redynamisation du pays.

L’explication est là aussi dans l’ordre de la chronologie. En ce début d’année, la croissance a été ralentie par la CSG, la hausse du prix du tabac et de l’essence, qui ont pesé sur la consommation. La grève de la SNCF a dû ajouter à la baisse. Mais en fin d’année, l’économie devrait sortir de ce trou d’air grâce à la première tranche de la suppression de la taxe d’habitation et la deuxième de la suppression des cotisations salariées. La perspective de tenir le 1,8% est solide –au pire, ce serait 1,7%.

N’empêche, ce chiffre médiocre montre que «l’effet Macron», s’il s’est fait sentir sur l’image de la France à l’étranger, ne change pas le jeu en France même. Les consommateurs et consommatrices comptent leurs sous, les entreprises restent sur leurs gardes pour embaucher et pour investir massivement.

Terrain économique chaotique

Du coup, l’équation budgétaire se complique sérieusement. Pour remplir les objectifs de réduction du déficit, promis à Bruxelles et fondamentaux pour essayer de convaincre l’Allemagne de suivre la France dans la relance de l’Europe, ces objectifs –déficit de 2,3% du PIB en 2018 puis en 2019– vont devenir ardus à atteindre.

Il faudra pour cela couper plus sèchement dans les dépenses, ce qu’Emmanuel Macron avait réussi jusque-là à éviter, pour deux raisons: les coupes porteront inéluctablement sur les aides sociales, amenant des renforts aux critiques contre le «président des riches», et de plus faibles dépenses publiques viendront encore accentuer la baisse de la croissance.

Le terrain de l’économie est devenu avant l’été beaucoup plus chaotique pour Emmanuel Macron. Il n’y a pas encore là matière à s’alarmer –le chômage va continuer de baisser et la croissance reste porteuse– mais le ciel s’est couvert. Et si Donald Trump continue de casser le commerce mondial, les nuages risquent encore de s'alourdir.

Le président aura une rentrée chargée: faire le ménage dans ses services de protection et redéfinir sa politique économique dans un contexte mondial très préoccupant.

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