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L'iPad, je l'ai vu, je le veux

La nouvelle tablette d'Apple est l'ordinateur dont j'ai toujours rêvé.

Temps de lecture: 6 minutes

A chaque fois qu'Apple dévoile un nouveau produit, c'est un peu la déception. Sans doute le revers de la médaille quand on a un tel culte du secret: les médias se montent tellement la tête sur des rumeurs, qu'au final la réalité semble toujours un peu fade. (Le MacBook Air, par exemple.) Mais en toute honnêteté, cette tablette Apple, je l'attendais depuis longtemps. Mercredi matin, juste avant que Steve Jobs ne monte sur scène, j'étais dans un incroyable état d'excitation. Les premières rumeurs de cette tablette remontent à 2002, et pendant tout ce temps, Apple n'avait pas pipé mot sur le sujet. Alors, quand Jobs a finalement craché le morceau au bout de 10 minutes, j'étais atterré. iPad? Vraiment? Vous avez eu des années pour y réfléchir, et c'est comme ça que vous l'avez appelé? (Ndt: un des sens de «pad» en anglais est «serviette hygiénique».)

Une interface incroyablement intuitive

Et puis je l'ai vu. Je l'ai touché. Et j'ai immédiatement oublié à quel point je trouvais ce nom ridicule. Cela fait plus d'un an que je suis à la recherche du parfait «deuxième ordinateur». Je le voulais mince, portable, facile à utiliser; une machine pour recevoir et envoyer des mails, et surfer sur le Web. L'iPad réunit toutes ces caractéristiques. Jobs l'a décrit comme un hybride parfait entre ordinateur portable et téléphone et je suis tout-à-fait d'accord avec lui. Tout, absolument tout est parfait: sa taille, sa forme, son poids, et son interface incroyablement intuitive.

D'abord, ses caractéristiques techniques: l'iPad est en aluminium et en verre, possède un écran tactile, d'une taille comparable à celle d'un Kindle. Il est ultra-plat et pèse 680 grammes. Son microprocesseur propriétaire peut stocker entre 16 et 64 GB de données (selon le modèle), et sa batterie a une autonomie (supposée) de 10 heures. L'iPad sera commercialisé dès le mois de mars -Apple n'a cependant pas donné de date exacte- à partir de 499$ pour un modèle Wifi 16 GB, et jusqu'à 829$ pour 64 GB et un modem intégré. Pour surfer sur le Net, il vous faudra souscrire à un forfait auprès d'un opérateur, AT&T propose des abonnements à 15$ par mois pour 250 MB de bande-passante, ou 30$ pour de l'illimité. Pas de contrat; vous pouvez vous désabonner quand bon vous semble, et sans frais. (Quand j'ai demandé à un commercial de chez Apple si les possesseurs d'iPhone pourront utiliser le même forfait pour leur iPad, il n'a pas su me répondre.)

Le premier ordinateur tous publics

Comme la plupart des spécialistes Apple l'avaient prédit, l'iPad tourne sous une variante du système d'exploitation de l'iPhone. Et ça, c'est une première. Apple a décidé de se séparer petit à petit -si ce n'est de carrément supprimer- le concept multi-fenêtres inventé avec le Mac, et qu'on retrouve aujourd'hui sur tous les PC équipés de Windows. Pas de fenêtres sur l'iPad, donc. Comme sur l'iPhone, les programmes occupent la totalité de l'écran, mobilisant toute l'attention de l'utilisateur.

Cela présente certains avantages par rapport au PC traditionnel, notamment en termes de simplicité d'utilisation. Plus tôt cette semaine, je suppliai Apple de fabriquer le premier ordinateur aussi intuitif qu'un appareil électroménager; une machine qui nous ferait oublier le fonctionnement complexe d'un ordinateur, et qui demanderait un entretien sommaire. L'iPad est ce qui s'en rapproche le plus. C'est le premier ordinateur «tous publics» qui n'a pas de hiérarchie type dossiers et fichiers, qui ne demande pas de sauvegardes régulières, et qui n'affiche pas boîte de dialogue sur boîte de dialogue lorsqu'on y installe des programmes.

Impossible d'y installer un programme non approuvé par Apple

Mais un ordinateur qui tourne sous un OS de téléphone, ça a aussi ses inconvénients. Par exemple, l'iPad est complètement verrouillé, c'est-à-dire qu'on ne peut y installer aucun programme qui n'ait pas été approuvé par Apple. Vous souhaitez installer un autre navigateur que Safari? Acheter un film ailleurs que sur l'Apple Store? Pas de chance. Pendant la démo de Jobs, on a pu voir une parfaite illustration de tout cela: lorsqu'il a chargé le site du New York Times, au milieu de la page, là où n'importe quel ordinateur aurait affiché une vidéo, il y avait un rectangle blanc.

C'est parce qu'Apple a décidé de ne pas inclure de plug-in Flash à son iPad, ce qui signifie que vous ne pourrez pas regarder la majorité des vidéos qui circulent sur Internet. Si les plateformes vidéo veulent que leur contenu soit accessible, elles devront accepter les règles fixées par Apple: par exemple, YouTube a déjà créé sa propre appli pour regarder des vidéos sur l'iPhone. J'imagine que d'autres boîtes du même genre sont déjà en train de développer la leur, ou bien vont s'y mettre très rapidement. Oui, Hulu, c'est à toi que je m'adresse!

Les possibiltés de l'iPad

Mais assez parlé de ses défauts, intéressons-nous plutôt à ce qu'on va pouvoir faire avec l'iPad. La tablette fait navigateur web, album photos, gère le courrier électronique, permet d'écouter de la musique, de regarder des films, des émissions de télé, de lire des livres électroniques et de jouer à un certain nombre de jeux. On peut aussi accéder à l'Apple Store et profiter de plus de 100.000 applis destinées à l'origine à l'iPhone, et les développeurs pourront maintenant créer des applis spécialement pour l'iPad.

J'en ai testé quelques-unes, et ça fonctionne à merveille. La navigation sur l'écran tactile est d'une simplicité enfantine, et contrairement à un ordinateur classique, l'iPad démarre instantanément, donc ses programmes ne demandent presqu'aucun de temps de chargement. Et ce truc est vraiment rapide: je suis passé de l'appli email au navigateur et au logiciel photo en passant par les jeux sans aucun problème.

Le meilleur outil pour dévorer des livres électroniques

Durant sa présentation, Jobs a plusieurs fois décrit l'iPad comme le meilleur navigateur web du monde. «C'est comme si vous teniez l'Internet dans vos mains», a-t-il dit. Et il a raison. Le fait de tenir cet objet comme on tiendrait un livre ajoute un élément de proximité, d'intimité à l'expérience online, chose beaucoup moins flagrante avec un ordinateur classique. Et c'est aussi pour cette raison que l'iPad est le meilleur outil pour dévorer des livres électroniques. iBooks, une application déjà intégrée à la tablette, donne accès à des milliers de titres publiés par cinq des plus grosses maisons d'édition -et Jobs a promis que l'offre s'élargirait bientôt.

A la différence du Kindle d'Amazon et son encre électronique, l'iPad possède un écran LCD rétro-éclairé classique. L'affichage à cristaux liquides n'est pas tendre avec les yeux, mais possède des qualités que l'encre électronique n'a pas: il affiche les couleurs, permet des animations, et on peut s'en servir dans le noir. Quand le Kindle met une demi-seconde à tourner une page, l'iPad le fait instantanément. On peut aussi y afficher des illustrations en couleurs et les auteurs peuvent même inclure des vidéos: avec l'iPad, bonjour aux livres de voyage, de photos, de cuisine; en gros, tout ce qui aujourd'hui a l'air un peu minable sur le Kindle.

Une chance pour la presse en ligne

Toujours à la différence du lecteur d'Amazon, l'iPad offrira aux éditeurs la possibilité de personnaliser leur contenu. Le New York Times a déjà présenté une superbe appli destinée exclusivement à l'iPad. L'électronique pourra enfin rivaliser avec le papier à coup de mise en page et de typographie soignées, et aussi de photos en couleurs. Et l'avantage, c'est qu'il y aura une barre de recherche, des vidéos, et du contenu interactif. Le Times n'a pas encore donné de prix pour son appli, et il est encore trop tôt pour déterminer l'impact de l'iPad sur les médias encore à la traîne niveau nouvelles technologies, mais si j'étais le PDG d'un de ces journaux, je serais un peu plus optimiste qu'hier quant au futur de la presse en ligne.

Apple affirme que son iPad peut aussi bien servir à travailler qu'à s'amuser, mais j'ai quelques doutes à ce sujet. On a pu voir une version tactile d'iWork développée pour l'iPad, avec un traitement de texte, un tableur, et un programme de présentation, et c'est la seule appli que j'ai trouvée un peu laborieuse.

Pas fait pour le travail

Le problème, c'est la frappe. En mode portrait, le clavier est trop petit pour taper rapidement avec ses deux mains. En mode paysage on se retrouve effectivement avec un clavier plus grand, mais là, c'est un autre problème qui se pose: on ne peut pas tenir l'iPad et taper en même temps; à l'horizontale, l'appareil est trop grand. La seule solution, c'est de poser la tablette sur ses genoux ou bien sur une table, mais après on se retrouve à regarder l'appareil à la verticale, et c'est un peu bizarre. Lorsque Jobs et d'autres ont fait la démo de l'iPad, tous ont croisé les jambes et l'ont posé sur leur cuisse. Ça marche peut-être quand on est tranquillement assis dans son canapé, mais je doute que ça soit le cas dans un métro bondé.

Apple a l'intention de commercialiser un clavier physique pour l'iPad, mais pour ceux qui veulent travailler en voyage, je conseille l'achat d'un vrai ordinateur portable. Si l'iPad n'est pas fait pour le travail, il est parfait pour tout le reste.

Farhad Manjoo
Traduit par Nora Bouazzouni

Image de une: iPad, Kimberly White/Reuters

DOSSIER: L'iPad, la nouvelle révolution d'Apple

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