Politique / Société

8 juin 2017 sur APB, 8 juin 2018 sur Parcoursup: un premier verdict tombe

Au 8 juin 2018, 75,76% de candidates et candidats ont au moins une proposition d'admission dans l'enseignement supérieur. À combien s'élevait ce taux un an plus tôt?

Une lycéenne consulte les premiers résultats de ses demandes sur le site de Parcoursup, le 22 mai 2018. | Denis Charlet / AFP
Une lycéenne consulte les premiers résultats de ses demandes sur le site de Parcoursup, le 22 mai 2018. | Denis Charlet / AFP

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Jean-Luc Mélenchon n'avait pas caché son ambition. Après la mobilisation sociale contre la réforme du code du travail à l'automne 2017, il voulait provoquer une mobilisation lycéenne et étudiante au printemps 2018 contre la nouvelle plateforme d'admission aux études post-bac, Parcoursup. Si le chef de file de La France insoumise a tiré le bilan sur le code du travail, il reste à faire sur Parcoursup.

Sur la première mobilisation, il avait admis son échec, en octobre, face à Emmanuel Macron. «Pour l'instant, c'est lui qui a le point. Faut pas chercher à le cacher, parce que si on raconte des histoires, on n'est pas crédible», avait-il concédé. En dehors de la reconnaissance d'une réalité politique qui traduisait un rapport de force en sa défaveur, les deux mots importants de la déclaration de Mélenchon étaient «pour l'instant».

«Pas d'examen en chocolat dans la République»

L'expression laissait entendre que l'ancien candidat insoumis de l'élection présidentielle ne s'avouait pas vaincu définitivement et qu'il misait sur l'étape suivante: celle de Parcoursup. L'affaire ne tombait pas trop mal pour lui, puisque la mise en place du système qui devait remplacer le site gouvernemental Admission post-bac (APB) chevauchait le mois de mai qui se présentait sous de bons auspices –c'était celui du cinquantième anniversaire de Mai 68. Et Mélenchon rêvait de le remettre au goût du jour.

Mai est passé. Le mouvement d'occupation de certaines universités par l'extrême gauche et les Insoumis n'a pas débouché sur un Mai 2018. Les étudiantes et étudiants avaient la tête aux examens, quand ils n'étaient pas empêchés de les passer par des irréductibles. Après avoir fustigé les «professionnels du désordre», Macron les avait mis en garde: «Il n'y aura pas d'examen en chocolat dans la République».

Les lycéennes et lycéens de classe de terminale, eux, pensaient au baccalauréat et à Parcoursup, site auquel ils avaient pu accéder à partir du 22 janvier pour examiner la palette des formations, puis faire leur choix et mémoriser les étapes clés de la nouvelle procédure. Une des grandes différences avec APB, c'est qu'il n'y a pas d'ordre de préférence des vœux émis par les candidates et les candidats. La sélection change de camp: elle passe dans les mains de ceux qui offrent les formations post-bac. Les présidents d'université obtiennent, implicitement par contre coup, les «prérequis» qu'ils réclamaient, en vain, depuis des années: ces fameux critères d'entrée dans le supérieur.

Le mot «sélection» devient donc le fer de lance de tous ceux, partis et syndicats, qui contestent la mise en place de Parcoursup initiée par la ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Le terme est récusé dans les sphères gouvernementales, où l'on préfère un autre élément de langage: «personnalisation des parcours et de l’accompagnement de chacun». Il faut dire que Frédérique Vidal avait été douchée, dès son arrivée au ministère, le 18 mai 2017, par un système d'admission arrivé à bout de souffle.

Le 8 juin 2017, en effet, la bombe APB éclate. À quelques encablures des épreuves du bac, 156.000 élèves sont sur le carreau, sans proposition. C'est plus qu'en 2016. Et ce n'est pas tout: à celles et ceux qui n'ont rien s'ajoutent celles et ceux qui sont refusés. Le tirage au sort, endémique depuis quelques années, explose. Il concerne des milliers de candidates et de candidats. En cause, principalement, le boom démographique et, secondairement, les réorientations. Pendant tout l'été, les équipes de Vidal sont sur le pont et la ministre se promet de mettre un terme à ce système.

La sélection n'a pas été inventée par Parcoursup. Les ratés d'APB montrent qu'elle préexistait. Ce «tri sélectif» peut même intervenir avant d'arriver au baccalauréat... dès la classe de seconde. Des parents peuvent y être confrontés, en voulant inscrire un enfant dans un bon lycée pour échapper à une sectorisation scolaire défavorable. Et combien de lycées cotés se débarrassent en douce, à la fin de la première, des élèves dont ils subodorent qu'ils et elles les empêcheront d'atteindre le fameux 100% de réussite au bac?

«À cette date, APB n'était même pas entré en vigueur»

Il n'empêche que dès le départ, avant même la publication des premiers chiffres de propositions d'admissions dans le supérieur, les opposants résolus ont clamé que Parcoursup, qui selon eux installait la sélection, allait être un fiasco. Les défenseurs inconditionnels du nouveau système ont vanté ses mérites qui ne pouvaient être qu'immenses. La réalité, comme dans beaucoup de dossiers qui font l'objet de polémiques, n'est évidemment ni dans un camp ni dans l'autre. Parcoursup n'est ni un enfer, ni un paradis.

Le nouveau système s'est retrouvé coincé entre un trop-plein d'indignité et un excès d'honneur. Sans connaître les chiffres définitifs qui y sont attachés, sociologues, experts, professeurs d'université continuent à se battre dans les médias, par tribunes interposées. Qui pour dénoncer une «régression», qui pour louer un «progrès», qui pour conseiller d'attendre avant de juger. Il suffit de les lire pour comprendre que certaines d'entre elles véhiculent avant tout des analyses où le caractère idéologique domine largement: elles reviennent à combattre ou à soutenir le pouvoir.

Établissant une comparaison avec le précédent système, le ministre de l'Éducation nationale avait beau jeu, le 3 juin, de répéter ce qu'il avait déjà dit lors des questions au gouvernement, quelques jours auparavant, à l'Assemblée nationale: «À cette date, c'était zéro [proposition pour les élèves], APB n'était même pas entré en vigueur». Effectivement, le 3 juin 2018 –contrairement au 3 juin 2017–, près de 590.000 candidates et candidats avaient reçu au moins une proposition d'admission, soit plus de 72% des 812.000 inscrits et inscrites sur la plateforme, onze jours après la publication des premiers chiffres, le 23 mai.

Déplacer le curseur au centre pour comparer les chiffres au 23 mai et au 3 juin.

Et un premier verdict tombe. 8 juin 2017, fin de la première phase d'admission de la procédure APB. Le ministère de l'Enseignement supérieur déclare que «652.000 candidats ont eu une proposition dès le premier tour, dont 400.681 sur leur premier vœu». Les taux de satisfaction des premiers vœux des candidates et candidats s’élèvent alors à 93% en première année commune des études de santé (Paces), 76% en droit, 70% en psychologie et 54% en Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives). Mais le ministère n'annonce pas encore que plus de 150.000 autres sont en rade.

Le 8 juin 2018, avec Parcoursup, on ne parle pas de premier vœu car il n'y a plus de hiérarchie de ces vœux –même si on peut aisément imaginer que les postulants et postulantes avaient un ordre de préférence en tête. En revanche, on connaît exactement le nombre d'élèves qui sont actuellement en attente d'une proposition, qui n'ont eu que des réponses négatives sur des formations sélectives et qui ont quitté la plateforme avant d'avoir obtenu une offre. Les évolutions sont diffusées au jour le jour.

75,76% des postulants disposent d'au moins une proposition

Ce 8 juin 2018, donc, 615.173 candidates et candidats ont au moins une proposition d'admission dans l'enseignement supérieur, c'est-à-dire un chiffre légèrement inférieur à celui du 8 juin 2017. En pourcentage du nombre de dossiers déposés sur le site, on passe d'environ 80% l'an dernier à 75,76% très précisément cette année.

Sur le total des «admissibles», une petite moitié (298.432) a d'ores et déjà accepté définitivement une offre, mais les élèves concernés pourront tout de même changer d'avis dans la dernière ligne droite. Soit parce qu'ils et elles se raviseront, soit parce qu'ils et elles auront obtenu une autre proposition correspondant plus à leurs attentes. L'autre moitié (287.046) n'a pas encore validé son offre ou son choix. Précisons que pour éviter d'ajouter du stress au stress –parfois, c'est plus celui des parents que celui de leur progéniture dont il s'agit–, le site Parcoursup cessera ses activités publiques et chiffrées pendant la période des épreuves écrites du bac (du 18 au 25 juin).

Gageons que cette période de latence soulagera peut-être les 196.880 candidates et candidats qui, au 8 juin, n'ont encore reçu aucune proposition ou sont en attente de place. Ce chiffre représente 24,24% du total des dossiers, c'est-à-dire 812.053 encore en course à la même date.

Mieux encadrer l'entrée dans les études supérieures

Si les données chiffrées de Parcoursup ne sont pas fondamentalement différentes de celles d'APB à la même date avec un an d'écart, la philosophie n'est évidemment plus la même. Les gouvernants parient sur un meilleur encadrement des élèves dans les études supérieures par ceux et celles qui dispenseront leur enseignement. Le but est de diminuer le taux d'échec en première année.

Reste que cette procédure devra prouver, entre autres choses, qu'elle permet une meilleure intégration des postulants et postulantes venant des zones difficiles, ou des élèves boursiers et boursières, par exemple. C'est aussi cela, au bout du compte, le rôle de la République.

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