Sciences

Le racisme est contagieux

Comment pouvons-nous si facilement passer de la coopération à l'agression?

<a href="https://www.flickr.com/photos/111456717@N03/11379380725/">Qu'est-ce qui met le feu aux poudres?</a> | AnveshPandra via Flickr CC <a href="https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/">License by</a>
Qu'est-ce qui met le feu aux poudres? | AnveshPandra via Flickr CC License by

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur PNAS, Science Daily

Arménie, Balkans, Rwanda, Liberia, Centrafrique... L'histoire récente regorge de conflits entre communautés qui, du jour au lendemain, ont pu abandonner leur coexistence pacifique et sombrer dans le meurtre de masse, voire le génocide. Comment et pourquoi les comportements collectifs peuvent si facilement passer de la coopération à l'agression?

Pour expliquer cette dynamique –et son caractère à la fois si banal et imprévisible– une équipe de chercheurs en économie et en sciences sociales, dirigés par Jana Cahlíková, ont mis au point une procédure expérimentale afin de tester l'influence de l'environnement social sur l'hostilité susceptible de s'emparer d'un groupe. Il en ressort que cette animosité est deux fois plus contagieuse lorsqu'elle concerne des individus d'une autre ethnie et qu'un tel racisme se nourrit de la fragilité des normes sociales régulant la violence inter-individuelle.

Dans une première expérience, des adolescents slovaques devaient jouer à un jeu de «défoulement» conçu comme suit: deux joueurs reçoivent deux euros chacun et ont le choix entre payer 20 centimes pour faire perdre un euro à un adversaire fictif ou garder leur argent. Dans une moitié des cas, l'adversaire fictif avait un nom à consonance slovaque et dans l'autre rom, une minorité particulièrement stigmatisée dans cette région de l'Europe. En outre, le jeu se déroulait de façon à ce que trois jeunes de la même classe puissent prendre leur décision en un laps de temps très court. Les joueurs qui arrivaient ensuite étaient au courant des choix de leurs camarades.

Ici, les scientifiques ont observé que le comportement destructeur des pairs a une influence significative sur les choix des joueurs et qu'une fois «enclenchée», la volonté d'agir de manière agressive se répand comme une traînée de poudre. Qui plus est, cette contagion va deux fois plus vite lorsque l'hostilité est dirigée contre un Rom que lorsqu'elle cible un individu considéré comme un «semblable».

Dans une seconde expérience, Cahlíková et ses collègues se sont focalisés sur l'effet des normes sociales sur le phénomène. Dans la même région de Slovaquie, les scientifiques ont demandé aux adolescents de juger l'hostilité manifestée par leurs pairs. Le biais de conformité joue à plein: dans un environnement généralement pacifique, vouloir prendre son argent à un Rom est considéré comme négatif, mais si les camarades sont nombreux à avoir fait un choix «destructeur», alors la nuisance interpersonnelle est vue comme appropriée.

Selon Cahlíková, cette étude atteste l'importance d'une tolérance zéro en matière de crimes de haine, afin de ne pas nourrir une culture de l'impunité et d'éviter ses effets d'entraînement, toujours susceptibles de faire basculer vers le pire une société en apparence paisible.

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