Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Nature Communications, Université Columbia
Une fois par an, le microbiome des gorilles et des chimpanzés de la réserve du Dzanga-Sangha change lorsque les primates passent d'un régime riche en feuilles et en écorces à une autre riche en fruits. Une modification comparable à celle observée chez les Hadzas, des chasseurs-cueilleurs de Tanzanie, dont l'alimentation dépend énormément des fluctuations saisonnières de leur environnement et des produits alors disponibles.
Telles sont les principales conclusions d'une étude publiée début mai dans la revue Nature Communications et menée notamment par des chercheurs en immunologie et en épidémiologie de l'université Columbia, aux États-Unis. Dans les pays industrialisés, où la mondialisation des marchés alimentaires atténue le poids des saisons sur nos régimes, les variations du microbiome ont toutes les chances d'être moins marquées.
Cette étude, rendue possible grâce à des échantillons fécaux collectés par la Wildlife Conservation Society dans des zones situées sur le territoire de la République démocratique du Congo, est riche d'enseignements sur l'évolution du microbiome humain et pourrait même, selon ses auteurs, nous aider à améliorer notre santé.
Comparaisons avec les humains
Les prélèvements, effectués pendant trois ans, ont permis de séquencer le génome des microbes intestinaux présents chez les gorilles et les chimpanzés, et de le comparer à des données similaires disponibles pour d'autres primates, non-humains comme humains. De l'analyse conduite par Allison L. Hicks, Brent L. Williams et leurs collègues, il ressort que les microbiomes des grands singes fluctuent significativement entre la saison sèche et la saison humide, quand les primates passent d'un régime riche en fibres (feuilles et écorces) à un autre où ce sont les fruits de plantes grasses, plus énergétiques, qui dominent. Entre les deux, les bactéries permettant aux gorilles et aux chimpanzés de décomposer les plantes fibreuses sont remplacées par un autre groupe de bactéries qui, elles, se nourrissent de leur mucus intestinal.
«Si nos génomes humains partagent beaucoup de points communs avec ceux de nos plus proches parents, notre deuxième génome (le microbiome) manifeste quelques différences importantes», explique Allison L. Hicks, «notamment en ce qui concerne une diversité moindre, voire une absence de bactéries et d'archées essentielles à la fermentation des fibres». Pour la scientifique, «comprendre comment la perte de ces microbes a pu jouer sur notre santé promet d'être un important champ de recherche à l'avenir».
«Que nos microbiomes soient si différents de ceux de nos plus proches parents évolutionnaires existants dit quelque chose de la modification de nos régimes alimentaires, où sont présentes davantage de protéines et de graisses animales, aux dépens des fibres», ajoute Brent L. Williams. «De nombreux humains vivent avec une carence constante en fibres. Un état qui pourrait favoriser la prolifération de bactéries dégradant la couche de mucus protégeant nos intestins», ce qui ne serait pas sans conséquences sur le niveau d'inflammation de nos entrailles et les risques de développer un cancer du colon.