Santé / Sciences

«Je jalouse un peu mes amies qui jouissent sans problème en cinq minutes chrono»

[C'est compliqué] Cette semaine, Lucile conseille Sandra, une trentenaire qui arrive à jouir seule, mais pas avec ses partenaires.

Lovi Poe dans «Woke up like this» de Joel Ferrer (2017) | capture d'écran Youtube
Lovi Poe dans «Woke up like this» de Joel Ferrer (2017) | capture d'écran Youtube

Temps de lecture: 3 minutes

«C’est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c’est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected].

Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par Whatsapp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast», dont vous pouvez retrouver les épisodes ici.

Et pour retrouver les chroniques précédentes, c’est par là.

Chère Lucile,

Je suis une femme de 32 ans avec une sexualité épanouie. Du moins, j’ai l’impression.

Pourtant, j’ai beaucoup de mal à jouir quand je fais l’amour. J’ai été en couple pendant cinq ans, et il m’a fallu deux mois pour réussir à jouir avec mon ex. Au cours de cette relation, je n’ai certainement pas joui à chaque rapport, et carrément plus du tout vers la fin.

J’ai rompu avec cet ex il y a deux mois. Depuis, je rencontre du monde. Rien de sérieux: je m’amuse, comme on dit. Je vois deux personnes en mode casual –séparément, que l'on s’entende bien– et même si le sexe est bien, je n’arrive pas à jouir.

Certes, j’ai appris la masturbation assez tard, à 20 ans, mais cela fait des années que je jouis seule sans le moindre problème –même si parfois, je peux mettre vingt minutes pour y arriver.

Ce n’est pas un problème physique, car je sens bien monter en moi le désir, mais au moment de jouir, il y a comme un blocage, une incapacité de ma part à lâcher prise, une envie inconsciente d’être dans le contrôle, je suppose.

Comment faire pour me laisser aller, pour jouir sans entrave? Est-ce qu’il existe des exercices possibles? Des professionnels qui peuvent m’aider –avec l'hypnose, par exemple? Je jalouse un peu mes amies qui jouissent sans problème en cinq minutes chrono.

Pourquoi est-ce aussi difficile pour moi?

Sandra

Chère Sandra,

En ce qui concerne le désir et le plaisir, nous ne sommes pas toutes égales. Si nos corps différent, nos expériences et nos histoires sont également uniques. J’aimerais pouvoir vous dire que le plaisir en «cinq minutes chrono» est un idéal facile à atteindre pour toutes, mais ce n’est pas le cas.

Votre plaisir dépend en partie de votre état physique et psychologique, et de votre capacité à lâcher prise quand vous êtes avec un ou une partenaire. Mais si la frustration vous mine, vous pouvez en effet envisager l’aide d’un ou d'une spécialiste: sexologue, psychothérapeute… Vous pouvez même en parler avec votre gynécologue. La musculation du périnée aussi peut faire des miracles. Et n’hésitez pas à essayer différents types de stimulation au moment de votre climax.

Je crois cependant que vous nourrissez des illusions concernant l’orgasme féminin –et l’orgasme tout court, d’ailleurs. Il ne doit pas être un dû de votre corps ou de votre partenaire. Mettre des logiques de productivité dans votre vie sexuelle n’est probablement pas la meilleure manière d’en être la plus comblée.

Il faut accepter que toutes les clés n’ouvrent pas les portes, qu'une partie d'entre elles ne vous seront d’aucune utilité alors qu'elles marcheront à coup sûr sur d’autres, ou que certaines, plus atypiques, pourraient tout à fait vous convenir.

Il est aussi probable que vous ayez besoin de temps et de confiance; à ce titre, la sexualité non incluse dans une relation amoureuse vous empêche peut-être de lâcher complètement prise. Il n’y a pas de honte à avoir besoin de plus que de la technique pure et dure pour arriver au plaisir.

J’ai moi-même différents types d’orgasmes, qui n’ont absolument pas la même saveur et la même intensité selon qu'ils sont induits de manière tout à fait mécanique, comme avec des accessoires, ou qu’ils me prennent «par surprise», au détour d’un heureux concours de circonstances, avec une personne aimée. Et si je les espère, je n’ai aucunement le désir de les voir se multiplier, se standardiser ou devenir la norme de mes activités sexuelles, seule ou à deux.

Chère Sandra, vous ne galérez pas. Les femmes qui ignorent leurs propres désirs, ne connaissent absolument pas leurs corps, les femmes qui ne jouissent jamais, celles-là galèrent. Certaines en souffrent, même. Mais vous, vous en attendez juste plus. C’est votre droit le plus strict, et je vous le souhaite sincèrement.

Vous avez raison de vouloir y consacrer du temps et de l’énergie, parce qu’il me semble que le fait que les femmes s’approprient leur jouissance est fondamental. Les spécialistes cités plus haut pourront vous y aider. La pratique, elle aussi, est primordiale. Il me semble qu'il s'agit de la meilleure manière de vous connaître assez pour arriver à votre objectif.

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