Santé

Overdoses mortelles au GHB/GBL: la peur ne préviendra pas le danger

Ce stupéfiant très bon marché est de plus en plus fréquemment consommé. Certains médias commencent à parler des dangers auxquels il expose. Mais les autorités sanitaires, une fois encore, sont absentes.

L'usage du GBL s'accroît depuis 2006 | Alexander Popov via Unsplash CC <a href="https://unsplash.com/photos/3yt_0_PnR0A">License by</a>
L'usage du GBL s'accroît depuis 2006 | Alexander Popov via Unsplash CC License by

Temps de lecture: 4 minutes

Après Slate, Le Parisien et Libération viennent de lancer une alerte au GBL. Les vigiles des drogues et des toxicomanies illicites font leur travail, de même que le préfet de police de Paris. Et pourtant ce n’est pas suffisant: l’ex «drogue du violeur» réapparaît, sous de nouvelles formes et pour de nouveaux usages. Où l’on découvre l’impuissance collective à prévenir ces nouveaux risques.

Les effets de mode n’épargnent pas le champ des toxicomanies. Aujourd’hui, en France, c’est le GHB/GBL. Soit une ancienne «drogue du viol», revisitée, qui inquiète jusqu’à Michel Delpuech, préfet de police de Paris. Tout ou presque de ce qui est à savoir sur le sujet est rapporté dans note datée du 13 avril de l’Observatoire français des drogues et toxicomanie (OFDT): «GHB/GBL, éléments récents d’information».

Le GBL prend progressivement la place du GHB

Résumons. Le GHB (gamma-hydroxybutyrate) est classé comme «stupéfiant» en France depuis 1999. C’est une molécule utilisée dans le cadre médical comme anesthésique et dans le traitement de la narcolepsie. Mais c’est aussi, en même temps, une substance qui peut être «consommée de manière récréative» ainsi (mais beaucoup plus rarement) que dans le cadre de «tentatives de soumission chimique» –d’où son ancienne appellation de «drogue du violeur».

Ses effets apparaissent au bout de quinze minutes et durent habituellement de 1h30 à 2h. À faibles doses, elle a un effet «relaxant», «désinhibant» et «euphorisant». Toutefois, à des doses plus élevées ses effets sédatif et dépresseur respiratoire peuvent conduire à une perte de conscience –le «G-hole»– et peuvent induire un coma aux conséquences potentiellement mortelles.

«L’usage du GHB/GBL s’intensifie provoquant à Paris une série de surdoses (avec coma)»

Observatoire français des drogues et toxicomanie

Mais on ne parle plus aujourd’hui du seul GHB. Ce dernier est désormais associé au GBL (gamma-butyrolactone). Il s’agit ici d’une substance utilisée comme «solvant industriel» qui, une fois ingérée, est transformé en GHB par l’organisme. «La prise de GBL entraîne donc les mêmes effets que celle du GHB bien qu’ils apparaissent plus progressivement (trente à quarante-cinq minutes) et durent un peu plus longtemps (trois à cinq heures)», précise l’OFDT.  Et signe des temps économiques difficiles que nous traversons, les spécialistes ont observé, à partir de 2006, que le GBL prenait progressivement la place du GHB –en raison de son faible coût (de cinquante à soixante-dix euros le demi-litre) et de sa facilité d’accès via Internet –en dépit de l’interdiction de cession au public intervenue en 2011.

«Le GHB, incolore et inodore et le GBL, incolore, sont facilement transportables dans les établissements festifs où ils sont dilués sur place dans de l’eau ou un soda. Le GHB/GBL fait très rarement l’objet d’une revente en établissement. Il est le plus souvent partagé entre consommateurs.»

 «Jusqu’au milieu des années 2000, la consommation de GHB est un phénomène bien circonscrit à une frange du milieu homosexuel masculin et urbain qui fréquente notamment les clubs gay , principalement parisiens. L’usage du GHB/GBL s’intensifie provoquant à Paris une série de surdoses (avec coma) relayées par des campagnes de presse et de prévention dans le milieu festif gay. Il s’étend aux espaces gay friendly de plusieurs métropoles régionales françaises (Bordeaux, Lille, Toulouse et Marseille).»

 «Ce milieu ne concerne pas les personnes homosexuelles en général. Il s’agit des personnes qui fréquentent le milieu de la fête et notamment les cercles urbains gays ou à tendance gays où une attention particulière est prêtée au corps et aux activités sexuelles.»

«Si rien n’est fait, on pourrait avoir cent comas dans l’année»

Pour résumer, les consommateurs trouvent dans le GHB/GBL une alternative peu onéreuse à l’alcool –qu’ils consomment généralement habituellement. Ce produits peut être utilisé «à des fins de stimulation du désir sexuel, d’amplification de la libido ou encore de recherche d’endurance et de performance sexuelle». Et depuis environ deux ans il connaît en outre, une nouvelle diffusion dans les clubs et discothèques.

«Ainsi, l’usage du GHB/GBL concerne aujourd’hui une population mixte (filles et garçons) et de plus en plus jeune (17-25 ans) qui fréquente habituellement les espaces festifs généralistes. Au sein des espaces festif techno, les motivations des jeunes usagers sont liés à la recherche d’effets semblables à ceux de l’ecstasy/MDMA (d’où le nom d’ecstasy liquide parfois donnée au GHB/GBL par ces consommateurs): euphorie, désinhibition, sentiment de bien-être, empathie, intensification des perceptions.»

Or ces nouveaux usagers, quels que soient leurs profils, n’ont qu’une faible connaissance du produit et des risques. Peu familiers des dosages précis indispensables à une consommation «récréative», ils consomment en outre le GHB/GBL avec d’autres substances, notamment l’alcool, ce qui accroît considérablement les risques de comas.

«Les pouvoirs publics sont complètement à côté de la plaque sur le GBL [...] Organiser une chasse aux clubs risque de pousser les jeunes à consommer ailleurs, dans des parcs ou chez des copains.»

Frédéric Bladou, association Aides

Plusieurs médias ont, fin 2017 et début 2018, fait état de tels accidents, les professionnels organisateurs de soirées relayant pour leur part leurs inquiétudes sur les conséquences de ces usages. Le nombre de comas signalés a doublé entre 2014 et 2017 pour atteindre une quarantaine de cas en 2017. Le phénomène continue en 2018 et inquiète les responsables des nuits festives parisiennes. Comme ceux du Rosa Bonheur sur Seine, du Rex Club, des Nuits fauves ou du Petit Bain.

Et le préfet de police de Paris, déjà, prophétise: «Si rien n’est fait, dit-il, on pourrait avoir cent comas dans l’année». Précisément: qui fait quoi? Pour le préfet il s’agit de faire fermer les établissements a priori les plus concernés.

«Pour moi, les pouvoirs publics sont complètement à côté de la plaque sur le GBL, explique, dans Libération, Frédéric Bladou, chargé des nouvelles stratégies de santé au sein de l’association Aides Déjà, parce qu’on a été beaucoup trop abreuvés de messages sur ‘’la drogue du violeur’’, ce qui était une approche ni pragmatique, ni informative. Ensuite, la réponse qui consiste à ordonner la fermeture administrative des clubs est à mon sens dangereuse. Par exemple, dans le cas des deux récents comas, dont l’un a abouti à la mort d’un jeune homme à Paris, c’est le personnel de l’établissement qui a alerté les secours. Organiser une chasse aux clubs risque de pousser les jeunes à consommer ailleurs, dans des parcs ou chez des copains. Et là, il n’y aura plus de barman ou d’agent de sécurité pour leur venir en aide.»

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