Société

On peut très bien être surdiplômé et con comme un balai

[Blog, You will never hate alone] L'époque étant à la chasse aux diplômes, il serait peut-être temps de rappeler combien ces derniers ne garantissent en rien l'excellence de celui qui les collectionne.

Et l'aventure commence... | citrinetiger via Flickr CC <a href="https://www.flickr.com/photos/136524711@N04/35341913662/">License by</a>
Et l'aventure commence... | citrinetiger via Flickr CC License by

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Je connais des gens et non des moindres qui sont tellement bardés de diplômes que leur bureau ne suffit pas pour afficher la liste complète de leurs réussites universitaires. Ils les collectionnent comme d'autres les bonnets d'âne ou les boîtes à camembert. Ils sont sortis majors de leur promotion, ils ont fréquenté l'élite des classes préparatoires, ils se sont assis sur les bancs de nos grandes écoles les plus prestigieuses, ils ont des doctorats en pagaille, des licences à revendre, des maîtrises à ne savoir qu'en faire dans des domaines si variés que rien de ce qui se passe dans ce bas-monde ne leur est étranger.

D'ailleurs, ils savent tout sur tout.

Ils peuvent aussi bien pérorer pendant des heures sur l'influence de Cervantès dans les romans de jeunesse de Garcia Marquez que de disserter jusqu'à l'aube à propos des différences d'approche entre les tenants de l’École de Chicago et celle de Manchester; ils connaissent sur le bout des doigts Beaumarchais et Bourdieu, Mozart et Mahler, Picasso et Picabia; ils sont cultivés au point de pouvoir réciter en grec ancien des passages entiers de l'Odyssée; ils ont lu les Évangiles, le Talmud, le Coran; rien ne saurait leur échapper et comme ils aiment à cultiver une petite part d'excentricité afin de se démarquer de leurs camarades de promotion, si vous les poussez dans leurs derniers retranchements, ils avoueront en rougissant une faiblesse pour la chanson française, notamment Joe Dassin dont ils connaissent les moindres refrains de ses chansons –surtout «Les Dalton».

Ils sont abonnés au Figaro et au Monde, parfois même à Médiapart parce qu'ils sont farouchement pour la liberté d'expression et la libre-entreprise –même s'ils ne le lisent jamais; pendant leurs vacances d'été qu'ils passent dans un coin du Perche à se reposer au sein de leur maison familiale vieille de plusieurs siècles, ils relisent en Pléiade tout Chateaubriand et s'extasient: «Quel esprit délicieux, quelle fougue, quel panache!» et quand leur progéniture leur joue du haut de leurs trois ans le Concerto pour l'Empereur de Beethoven, ils sont si heureux qu'ils ont comme un orgasme qui leur souille le devant de leurs pantalons en lin.

Il faut le dire ce sont avant tout de grands esprits.

Bêtes à en pleurer

Pourtant à bien y regarder, quand vous les écoutez pour de vrai –enfin certains, hein, pas tous!– lorsque vous les surprenez dans le cadre de leurs conversations familiales, au beau milieu de leurs vies quotidiennes, vous êtes surpris de constater à quel point ils sont immensément bêtes, bêtes à en pleurer, si bêtes que vous restez là à les contempler comme ces animaux de foire capables de jongler avec des oranges mais qui une fois leur numéro achevé, se montrent infichus de redescendre du tabouret d'où ils se tenaient.

À aucun moment, vous ne devinerez chez eux cette palpitation du sentiment, ce scintillement de la pensée, cette gourmandise de l'esprit, ce pétillement des sens qui attesteraient de leurs réelles dispositions intellectuelles.

C'est que les diplômes, tous les diplômes, ne viennent jamais célébrer l'audace ou la truculence ou la sensibilité d'un candidat mais juste sa propension à recracher en temps et en heure ce que son esprit aura retenu de ses heures passées à étudier les savants ouvrages recommandés par le corps professoral. Ni plus ni moins. La seule et unique qualité d'un diplômé c'est sa vertu à ingurgiter tout un tas de connaissances sans jamais les questionner, dans cette obésité du savoir qui, s'appuyant sur une mémoire infaillible et un vernis de talent, permet à un individu de plastronner le jour de l'examen tout en demeurant, à l'intérieur de lui, un parfait et somptueux crétin.

J'en veux pour preuve Laurent Wauquiez, oui Laurent Wauquiez, le nouvel étendard de la droite dite républicaine: voilà un gaillard au-dessus de tout soupçon qui a eu le bon goût de se classer quatorzième au concours d'entrée de Normale Supérieure, d'être reçu premier à l'agrégation d'histoire, de posséder un D.E.A de droit public, d'avoir fait les belles heures de Sciences-Po et de l'ENA, eh bien, ne me dites pas que la première chose qui vous frappe quand vous écoutez pérorer cette bête à concours (!), c'est son intelligence laquelle doit être aussi absente de ses discours que l'amour du prochain dans un éditorial d'Eric Zemmour –c'est dire.

Évidemment, afin d'être tout à fait honnête, il nous faudrait encore caractériser ce qu'est l'intelligence, en dessiner ses contours afin de définir ses détours –à moins que ce ne fût le contraire– mais c'est là, je crains, une entreprise dont je ne saurais me charger: je suis à peine licencié!

 

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