Société

Que se passerait-il si un avion essayait de décoller sans la permission de la tour de contrôle?

Le cas de figure est possible. Mais assez dangereux.

Affiche du film «Maman j'ai raté l'avion» de Chris Columbus |  Hughes Entertainment/ 20th Century Fox
Affiche du film «Maman j'ai raté l'avion» de Chris Columbus | Hughes Entertainment/ 20th Century Fox

Temps de lecture: 4 minutes

                                                                                                                 Cet article est publié en partenariat avec Quora, plateforme sur                     laquelle les internautes peuvent poser des questions et où d'autres,               spécialistes du sujet, leur répondent.

La question du jour: «Que se passerait-il si un avion essayait de décoller sans la permission de la tour de contrôle?»

La réponse d'Alain Hollemaert, pilote de ligne:

Il est très difficile que ce genre d'incident survienne, du moins pour les avions de ligne. Un avion de ligne, sur un aéroport à fort trafic, est soumis à des «clairances», c'est-à-dire des autorisations/consignes/injonctions, pour toutes les actions:

- Pour la mise en route officielle et l'activation du plan de vol.
- Pour l’attribution des consignes de départ (route initiale, altitude initiale, code transpondeur…).
- Pour le roulage. 
- Pour l’entrée sur la piste/pour croiser une piste. 
- Pour le décollage. 
- Et encore une fois pour les paramètres initiaux de départ, notamment la première altitude à rejoindre. 

Sur ces six phases, dont cinq au sol, on a ÉNORMÉMENT de chances de finir dans un accident très grave sans les clairances requises! On risque de percuter un véhicule au sol (ou l'écraser), de mettre en danger du personnel humain (ou l'écraser) ou de percuter un autre avion (ou encore l’écraser s'il est petit). C'est dire à quel point le cas de figure est difficile et dangereux.

Ensuite, une fois les pleins gaz appliqués et les roues décollées du sol, il faut savoir que l'avion est immédiatement dans un espace aérien contrôlé. Dans la proximité immédiate de l’aéroport et du sol jusqu'à une certaine hauteur, appelée la CTR. Plus haut, on se retrouve dans un volume posé immédiatement dessus, et beaucoup plus étendu, la TMA. Voici à quoi cela ressemble:

Comme on peut le voir, difficile donc de monter en altitude sans se faire remarquer. L'avion sera visible des radars, il sera écarté des autres trafics par les contrôleurs (les pauvres, je n’aimerais pas être à leur place dans cette situation!) mais surtout, il sera intercepté TRÈS rapidement par un avion de chasse, suffisamment rapide pour traiter le problème dans la dizaine de minutes. Ensuite, si les pilotes dans l'avion commercial refusent d’obtempérer aux consignes de l'appareil intercepteur et se dirigent vers une zone urbaine de forte densité, alors nul doute que le destin des malheureux passagers sera des plus funestes.

En revanche, s'il est question d'aviation générale de loisir, il est tout à fait possible de décoller, d'évoluer et de se reposer, sans avoir de comptes à rendre à personne! Mais encore une fois, peu communiquer en avion, c'est s’exposer à beaucoup de danger, étant donné qu'à part les radars de contrôleurs, personne ne saura que vous êtes là où vous êtes.

Le secret d'un vol en toute autonomie

Mais quel est le secret du vol «sans permission de la tour de contrôle»? Voler en espace dit «Golf», au départ d’un terrain non contrôlé, sans agent AFIS (pour «aerodrome flight information service») ou en dehors de ses horaires d’activité. Du jargon… J’explique.

L’espace Golf est l'espace le moins restrictif. Tous les espaces sont classés de A (le plus restrictif) à G (le plus «freestyle»). Les espaces A, B (ce dernier n'existe pas en France), C, D, E sont contrôlés. Les F (qui n'existe pas en France) et G ne le sont pas. Voici les conditions pour du vol à vue en espace Golf:

En d'autres termes, s'il fait suffisamment beau, on peut se balader, sans obligation de communiquer à la radio avec un quelconque organisme de sécurité aérienne, ni «clairance» requise. Ça, c'est pour du vol à vue. Pour du vol aux instruments, il est sous plan de vol, donc il y a obligation de clairance et de radio.

Ok, on a trouvé comment évoluer en vol «sans permission de la tour de contrôle»! Mais avant, il faut bien faire décoller l'appareil. On va éviter de partir d’un gros aéroport, souvent sous l'autorité d’un contrôleur aérien. Décollons plutôt d’un terrain non contrôlé mais géré par un agent AFIS. En gros, c'est un gars à la tour de contrôle, dont les horaires sont fixés sur une plage précise, et dont le rôle est de donner des informations, pas des clairances. Il donne une piste en service, le dernier vent, une direction pour le roulage, la présence de trafics en contact avec lui aux abords de l’aérodrome… Mais le pilote que vous êtes n’est pas tenu de respecter ses consignes et peut prendre ses propres initiatives (choisir l'autre sens de la piste, rouler dans une autre direction…).

Du coup, le pilote malin (et téméraire!) que vous êtes décide de décoller en dehors des horaires de travail de l'agent AFIS. Vous regardez donc sur la carte de l’aérodrome non contrôlé de votre choix et découvrez ceci dans la partie informations du document:

Intéressant. L'agent AFIS est présent du lundi au vendredi, de 8h30 à 11h00 puis de 13h00 à 16h30 UTC uniquement, sauf les jours fériés. Vous allez donc pouvoir décoller, en vol à vue, «sans permission de la tour de contrôle», hors des jours et horaires de travail de l'agent AFIS. Et il ne se passerait absolument rien de spécial, vous serez dans la légalité et c'est ce qui se passe tout le temps en fin de journée et le week-end sur ce genre de petits aérodromes.

Prudence!

Tenter l'expérience de décoller sans utiliser sa radio avec l'agent en fonction à la tour, c'est s'offrir le risque très certain que celui-ci appelle des services de la sécurité aérienne qui vous enverront rapidement un hélicoptère militaire intercepteur, qui vous raccompagnera à un aérodrome approprié pour vous poser et vous gratifier d’une belle amende et un probable retrait de licence de pilotage.

Tenter l'expérience de décoller sans utiliser sa radio et sans agent à la tour, c'est s'offrir encore plus de risques de percuter un autre appareil. Ça serait considéré comme une mise en danger délibérée et inconsciente de votre vie et de la vie d’autrui et c'est à éviter vivement.

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