Santé / Égalités

«J’ai découvert qu’il communiquait toujours “crûment” avec elle et qu’ils ont prévu de se revoir sous une couette»

Cette semaine, Lucile conseille Anna, une femme qui a découvert que son mari myopathe entretenait une liaison extra-conjugale.

<a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Paintings_of_women#/media/File:Dreams_(1911)_by_Carmine_Toro_(Naples_1861-Naples_1911).jpg">«Dreams»</a> | Carmine Toro via Wikimedia Commons <a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dreams_(1911)_by_Carmine_Toro_(Naples_1861-Naples_1911).jpg">License by</a>
«Dreams» | Carmine Toro via Wikimedia Commons License by

Temps de lecture: 4 minutes

«C’est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c’est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected].

Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par Whatsapp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast».

Et pour retrouver les chroniques précédentes, c’est ici.

Chère Lucile,

Je suis en couple avec Yoann depuis quatorze ans, nous sommes mariés depuis bientôt sept ans et avons deux garçons, de 7 ans et de 2 ans et demi. Avant d’avoir des enfants, nous avons tous les deux beaucoup voyagé à l’étranger –notamment pour nos études–, mais aussi en France. Depuis presque sept ans, nous sommes installés en Bretagne, près de nos proches. Nous partageons beaucoup de points communs et sommes (ou étions) très heureux depuis le début de notre histoire.

Il y a cinq ans, nous avons appris que mon mari était atteint d’une myopathie dégénérative qui atrophie ses muscles; ses bras et ses mains sont touchés, ainsi que ses pieds. Il a, je trouve, réagi avec philosophie à l’annonce de sa maladie, en se disant que c’était comme ça, qu'il n’avait pas le choix, qu’il y avait pire que lui et que ça ne l’empêcherait pas de vivre.

Mais depuis environ six mois, son état s’est dégradé: il a des douleurs permanentes, il éprouve des difficultés à marcher, il est très fatigué et irritable. Son état de santé n’étant plus compatible avec son travail de commercial terrain, il a entrepris des démarches pour être reconnu comme travailleur handicapé et pour obtenir une pension d’invalidité.

Il a également demandé à son employeur (un gros groupe audiovisuel français) un aménagement de son temps de travail. Bien évidemment, en tant que commercial, l’entreprise n’y est pas favorable (même si elle ne peut pas refuser): le manque à gagner serait trop important, bien plus important que sa santé. On lui a donc proposé gentiment une mutation à 150km de la maison ou de passer «à autre chose». Sauf qu’il adore son travail, il ne veut pas en changer et il ne souhaite pas non plus s’éloigner de ses enfants la semaine.

Depuis, il déprime et est en arrêt maladie en attendant que la situation se tasse… ou pas. Je ne sais pas comment l’aider, je lui répète souvent que sa santé est prioritaire, qu’on trouvera des solutions financières et que peut-être une autre entreprise lui fera confiance, que tout n’est pas perdu…

Sauf que ça ne s’arrête pas là. Il y a deux mois, j’ai découvert qu’il me trompait. La chute a été brutale. Je ne m’y attendais pas, je n’ai rien vu venir. Je lui ai donc demandé de faire un choix et de me quitter si ses sentiments pour moi s’étaient éteints. Il m’a avoué que sa relation, avec une personne également malade, rencontrée lors d’une cure thermale dans le Sud de la France, était purement sexuelle, qu’il avait «choisi» de poursuivre sa route avec moi et de l’oublier à jamais.

Je l’ai cru. Mais il y a quelques jours, j’ai découvert qu’il communiquait toujours «crûment» avec elle via les réseaux sociaux et qu’ils ont prévu de se revoir sous une couette. Je suis anéantie.

Chaque fois que j’évoque le sujet avec lui, il élude son infidélité et revient systématiquement sur sa santé et sa situation professionnelle. Selon lui, tout est lié, et tant qu’il n’y verra pas plus clair professionnellement, il ne pourra pas trancher sur sa vie amoureuse. Il est complètement confus et je suis moi aussi perdue dans ses explications. Que faire? Sommes-nous arrivés au bout de notre histoire?

Anna

Chère Anna,

Je ne veux pas être la personne qui justifiera le comportement de votre compagnon par sa maladie. Il souffre et est confronté à une épreuve que peu d’entre nous traverseront, mais cela n’a jamais été une excuse, à mon sens, pour faire souffrir l’autre en retour. C’est un phénomène courant, ce décalage entre vous. La maladie, la fatigue extrême ou la peur de la mort sont des épreuves qui peuvent mener à ce genre de transformations négatives.

Un jour, on est le couple le plus équilibré du monde, et puis le lendemain, dans l’épreuve, on se déchire, on se déteste, on ne pense qu’à soi. L’instinct de survie nous rend monstrueux. La peur aussi. Ce n’est pas une justification du comportement de votre conjoint, mais c’est mon explication de son attitude.

Il a besoin de vous, vous êtes sa sécurité pour les moments où la situation sera plus dure encore. Mais dans le même temps, un sentiment négatif l’assaille: si vous portez encore en vous les souvenirs d’une vie heureuse à deux, vous portez également le souvenir et les espoirs de ce qu’il était avant. Vous restez valide et c’est un fait qui peut être vu comme une injustice. Alors, presque sans le vouloir, pour lui et contre vous, il a ce comportement qui vous blesse et vous fait douter.

Vous n’êtes pas obligée de rester avec lui à tout prix, envers et contre lui. Votre sens des responsabilités et votre nostalgie des jours meilleurs ne doivent pas vous enchaîner à cet homme qui a vraisemblablement changé.

Bien sûr, vous pouvez encore vous battre pour votre couple; à mon sens, il faudrait conseiller à votre conjoint de suivre une thérapie, pour démêler ce qu’il est en train de vivre. Dans sa situation comme dans toutes les autres, il n’y a pas de honte à se faire aider. Sortir du cercle des proches permet d’énoncer des vérités douloureuses ou agressives qu’on aurait honte de partager avec ceux qui nous aiment.

Vous pourriez aussi décider de suivre une thérapie en couple, pour affronter ensemble ces épreuves –celle de la maladie comme celle de l’infidélité. Mais ne restez pas seuls face à ces problèmes, sinon celui qui a été votre allié pourrait devenir votre ennemi, sans même en avoir conscience.

Votre force et votre courage pour votre conjoint et pour vos enfants vous honorent, Anna. Seulement, n’oubliez pas de vous protéger. Mettez vous des limites claires de gestes ou de comportements que vous ne pouvez pas accepter et sachez vous y tenir. On peut pardonner beaucoup par amour, mais il ne faut pas s’oublier au passage.

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