Société

Pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes?

Les chercheurs s'interrogent: comment est née la toute première inégalité de traitement de l'histoire?

<a href="https://pixabay.com/fr/champignons-pilzpaar-2848616/">Grand et petite</a> | Adege via Pixabay CC <a href="cr%C3%A9dit%20photo">License by</a>
Grand et petite | Adege via Pixabay CC License by

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Il y a quelques jours, circulait une interview vidéo dans laquelle Nora Bouazzouni (qui est une amie) expliquait que si les femmes étaient plus petites que les hommes, contrairement à la plupart des mammifères, ce serait peut-être à cause d’une privation de protéines datant de la préhistoire. Elle précisait qu’il s’agissait de l’hypothèse d’une chercheuse.


Tout de suite, certains lui ont doctement répondu qu’elle avait tout faux, s'appuyant sur son erreur concernant la taille des mammifères. (Parce que chez les mammifères, il n’est pas rare que les mâles soient plus gros que les femelles. Erreur qu’elle a elle-même reconnue.)

Le problème étant qu’il y a erreur aussi chez ceux qui lui ont répondu. La différence de taille qu’on peut trouver chez les mammifères n’explique pas le cas humain. Et comme je vois sans cesse passer ce truc, il ne semble pas inutile de le mettre à plat.

Régime et sélection sexuelle?

 

Pourquoi en l’affaire, on s’en fiche un peu que ce soit comme ça chez les chimpanzés? Parce que les fossiles qu’on a trouvés de nos ancêtres montrent ce qu’on appelle un dimorphisme sexuel (la différence mâle/femelle) faible. Il semblerait qu’au Paléolithique (on parle ici d'une époque allant de il y a 2,5 millions d'années à 12.000 ans), l’évolution tendait plutôt à atténuer les différences mâles/femelles.

En outre, le système gestationnel humain (dans la plupart des cas, un seul bébé par utérus pendant plusieurs mois) nécessitait que les femmes soient robustes. Mais à un moment, l’écart de taille des femmes et des hommes s’est creusé. Et on n’a trouvé aucune raison dans l’évolution naturelle pour l’expliquer. C’est pourquoi on a envisagé des causes non «naturelles».

À l’heure actuelle, on penche pour, à la fois, une sélection sexuelle qui aurait éliminé les femmes les plus grandes (mais pourquoi?) et un régime alimentaire moins riches pour les femmes. C’est certes une hypothèse –ça se trouve dans dix ans elle sera infirmée– mais pour l’instant, c’est la plus pertinente.

Une révolution

 

La question est hyper intéressante parce qu’on pense que l’inégalité de traitement femmes/hommes a sans doute été la première de l’histoire et qu’elle a entraîné les suivantes.

Or, la survie des groupes au Paléolithique nécessitait la coopération pour lutter ensemble pour la survie. L’égalité aurait été un avantage évolutif dans les premières sociétés humaines. Attention, il y avait peut-être, sans doute, des inégalités, on n’en sait rien (et en plus vu les échelles de temps, ça a sûrement changé selon les époques) mais ce qu’on sait c’est que les inégalités se sont dramatiquement accentuées et institutionnalisées par la suite.

Et la suite, c’est le Néolithique (qui prend fin vers -3.300 ans avant J.-C.). Le moment de l’agriculture et de la domestication. Le Néolithique, c’est la plus grande révolution humaine. Avant, on faisait partie intégrante de la nature, on prélevait dans notre environnement ce dont on avait besoin. À partir du moment où on cultive et on domestique, on modifie l’environnement, et on domine la nature. On s’élève au-dessus, on devient maître et propriétaire. Le changement est radical.

Le culte de la virilité

 

Au début du Néolithique, les archéologues notent qu’il existe peu de différence entre les tombes. Mais à partir de -4.500 ans, on trouve des tombes de riches (dans 90% des cas des tombes d’hommes) et des tombes beaucoup plus pauvres. Pour l’historien Jean-Pierre Demoule, c’est à cette époque que se met en place le culte du chef et de la virilité. Avant, les représentations humaines sont surtout des représentations de femmes. À partir du Néolithique ce sont des hommes.

On sait aussi qu’avant les femmes avaient un enfant tous les 3 ou 4 ans, à partir du Néolithique, le rythme s’accroît jusqu’à un enfant par an –ce qui évidemment implique un changement notable pour l’existence de ces femmes. On trouve à la même époque beaucoup plus de traces de conflits armés.

Mais aucun de ces éléments, même le régime alimentaire moins riche des femmes ne répond à la question de fond: pourquoi s’est mise en place cette inégalité première? Dans les réponses qu’on faisait à Nora (avec pas mal d’agressivité) j’ai souvent lu ça:

«On voit mal comment les hommes auraient pu s’arroger le gros de la nourriture. Pour ça, il fallait qu’ils eussent déjà une supériorité physique sur les femmes.»

Cosmologie

 

En gros, il y aurait eu domination par la force parce qu'il y avait une supériorité physique biologique. Alors non. Pas forcément. Alain Testart dans L’Amazone et la cuisinière propose une explication d’ordre plus cosmologique liée à des croyances sur le sang des règles. (Grosso modo: celles qui saignaient ne pouvaient pas faire couler le sang des animaux parce qu'il fallait séparer ce qui se ressemblait.)

Un système de croyances et de mythes a pu légitimer la mise en place d’un traitement différent des femmes fertiles. Il ne s’agit pas d’un grand complot de domination mais de croyances auxquelles les femmes elles-mêmes pouvaient adhérer, sans qu’on leur donne un grand coup de gourdin dans la gueule. Ce qui valide aussi l'idée qu'il n'y avait pas besoin d'une supériorité physique a priori.

 

Ce texte est paru dans la newsletter hebdomadaire de Titiou Lecoq. Pour vous abonner c'est ici. Pour la lire en entier:

 
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