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On nous aura assez cassé les pieds avec le débat sur les crèches de Noël dans les mairies ou les écoles. C'est un signe religieux: laissez-les chez vous, ou faites-en des œuvres d'art si vous tenez vraiment à les installer dans l'espace public, le Conseil d'État a tranché. La vraie question, maintenant que certains commencent à recevoir chocolats et petites voitures, c'est plutôt celle du calendrier de l'Avent.
On en doit la tradition à nos voisins germains, il y a deux siècles de cela. Pour faire patienter les enfants jusqu'au 25 décembre, des familles protestantes se sont mises à remplacer les bougies de la couronne de l'Avent –on en allumait une par jour en attendant Noël– par de petites images pieuses qu'on leur distribuait chaque matin, icônes souvent accompagnées d'extraits de l'évangile ou de maximes édifiantes.
L'attente de la venue du Christ
Le XIXe siècle marque un regain d'intérêt pour le triptyque. Ces œuvres peintes ou sculptées, généralement composées de trois panneaux joints latéralement, furent souvent le support d'images religieuses. Comme le Triptyque de Mérode, attribué à l'atelier de Robert Campin, daté du XVe siècle, qui représente sur son panneau central l'Annonciation, et dont l'un des volets montre déjà Joseph, entouré de toute une symbolique liée à la figure du Christ.
Les calendriers reprendront alors la même logique d'image cachée que l'on découvre en ouvrant un volet mobile. Associés à la période de l'Avent, ils symbolisent dans le temps liturgique instauré par le pape Grégoire Ier au VIe siècle, l'attente de la venue du Christ, à partir du quatrième dimanche précédant Noël.
Pourtant, le premier calendrier imprimé sous forme d'une «horloge de Noël pour les enfants» («Weinachtsuhr für Kinder»), en 1902 par le libraire Friedrich Trümpler à Hambourg, n'allait que du 13 au 24 décembre. Six ans plus tard, à Munich, le lithographe Gerhard Lang commercialise le premier «calendrier de Noël», inspiré de son enfance, avec 24 vignettes à découper et coller dans des cases où étaient surimprimés des versets bibliques. Ce n'est que vers 1920 qu'apparaissent enfin les calendriers à portes et fenêtres miniatures tels qu'on les connaît aujourd'hui.
Les nazis s'emparent du calendrier
Mais le chemin vers les chocolats est encore long. La Seconde Guerre mondiale marque un bouleversement calendaire à bien des égards. La production est largement ralentie et le bureau de propagande du Reich publie son propre calendrier d'«avant Noël» –notez le «avant» et non «Avent», tout empreint de laïcité. Souhaitant lutter contre l'infusion des coutumes chrétiennes dans la société allemande et faire oublier la judéité de Jésus, il remplace les vignettes religieuses par des recettes de cuisine et une petite sélection de chants nazis et autres contes national-socialistes à offrir aux enfants.
Ce n'est que vers les années 1950 que le calendrier de l'Avent, s'étant dénazifié, se répand dans les autres pays et devient un produit de consommation de masse. Les premiers chocolats sont datés de 1958 et ratifient la supplantation païenne des images religieuses: on trouvera désormais dans les fenêtres quotidiennes aussi bien des pâtes de fruit que des maître Yoda miniatures –un peu comme les fèves des galettes des Rois.
Ainsi donc, pour autant que les calendriers de l'Avent maintiennent leur majuscule et leur «e» déconcertant, ils se font les dépositaires d'un héritage chrétien selon lequel l'avènement du Messie est attendu et rejoué chaque année à l'anniversaire de sa naissance.
Toutefois, si l'on remonte aux origines de l'institution de Noël, aux alentours du IVe siècle, on constate que la fête de la nativité a été calquée sur un événement tout ce qu'il y a de plus païen. La fête du dies natalis Solis Invicti, le «jour de la naissance du Soleil invaincu», avait lieu le 25 décembre, à l'occasion du passage au solstice d'hiver. L'assimilation entre le Christ et la lumière a favorisé le syncrétisme, jusqu'à inverser la balance. Si le calendrier de l'Avent n'est donc pas laïc, un «calendrier de l'avant» serait païennement saisonnier.