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On ne compte plus les tweets bilieux de Donald Trump, dans lesquels le président assène vertement à ses 43,6 millions d'abonnés ses caprices, ses obsessions, ses théories du complot et autres fake news. On connaît aussi sa haine intarissable des médias, dont il se targuait il y a quelques mois de boxer les représentants, reprenant un montage apparu sur Reddit qui le montrait se jetant sur quelqu'un dont la tête était remplacée par le logo de CNN —chaîne qu'il qualifiait déjà d'ennemie public. La mauvaise foi sanguine du bonhomme semblait donc plutôt admise.
Pourtant, à la suite du reportage de ce même CNN sur le commerce d'esclaves en Libye, ses accusations répétées ont été utilisées par 218TV pour mettre en doute la véracité des faits dénoncés.
Thousands of migrants and refugees cross Libya each year in search of a better life in Europe. But thanks to a recent crackdown, fewer boats are making it out to sea, leaving human smugglers with a backlog of passengers. So they auction them off as slaves.https://t.co/vbaWsySBUH pic.twitter.com/MVhCnroUb0
— CNN International (@cnni) November 14, 2017
Le règne des fake news
La chaîne libyenne a publié un article sous forme de portrait à charge de CNN, qui reprend les griefs du président et cite un de ses récents tweets dans lequel il désignait l'antenne américaine comme «source majeure de (fake) news», ajoutant que «le monde extérieur n'apprend pas d'eux la vérité».
.@FoxNews is MUCH more important in the United States than CNN, but outside of the U.S., CNN International is still a major source of (Fake) news, and they represent our Nation to the WORLD very poorly. The outside world does not see the truth from them!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) November 25, 2017
Pour accréditer l'idée d'une manipulation de la part de CNN, 218TV met en avant le fait que cette nouvelle critique proférée par Trump survient seulement quelques jours après les révélations d'un vaste marché aux esclaves.
Après la diffusion du reportage, les autorités libyennes avaient annoncé l'ouverture d'une enquête censée permettre, selon Anes Alazabi, un responsable de l'agence libyenne de lutte contre l'immigration, de «reconnaître coupables ceux qui sont responsables de ces actes inhumains», et d'«identifier la localisation des personnes vendues afin de les remettre en sûreté et de les ramener dans leurs pays d'origine».
Or là, 218TV suggère que l'enquête devrait avant tout porter sur CNN. The Guardian rapporte que plusieurs diplomates libyens en Afrique ont également dénoncé les allégations de la chaîne américaine comme une tentative de noircir l'image de la Libye. Ce lundi, l'ambassadeur du Niger en Libye a nié à son tour que des citoyens nigériens puissent avoir été victimes d'esclavage.
Un trafic d'esclaves déjà dénoncé
En dépit de ces doutes trop scrupuleux et de ces dénégations, les marchés aux esclaves en Libye avaient déjà fait par le passé l'objet de dénonciations –restées sans grand écho. Le photographe Narciso Contreras, prix Pulitzer, avait documenté de février à juin 2016 le trafic humain, recevant pour son travail le prix Carmignac du photojournalisme. Il y a six mois, il déclarait à Reuteurs:
«La crise humanitaire des migrants essayant de rejoindre l’Europe est bien documentée, et c’est une histoire que les autorités libyennes veulent raconter. [...] Mais ce vaste trafic d’êtres humains est largement non-documenté. C’est une violation des droits de l’homme qui doit être prise en charge par la communauté internationale.»
En avril dernier, l’Organisation internationale pour les migrations alertait à son tour sur la situation de migrants subsahariens «vendus et achetés par des Libyens, avec l’aide de Ghanéens et de Nigériens qui travaillent pour eux».
Alors même que les preuves et les témoignages se multiplient, l'acharnement de Donald Trump sur les médias qui refusent de promouvoir sa version personnelle de la politique et de l'histoire porte pourtant ses fruits. En criant à tue-tête aux fake news quand les faits le contrarient, il répand le doute. Les faiseurs de propagande n'ont plus qu'à se servir.