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Pourquoi la Chine n'est plus le vilain petit canard de la lutte contre la pollution

Le plus gros pollueur du monde est aujourd'hui en pleine prise de conscience. Un tournant politique majeur est en cours.

Deux membres d'une association environnementale sur un site pollué en Chine I Nicolas ASFOURI / AFP
Deux membres d'une association environnementale sur un site pollué en Chine I Nicolas ASFOURI / AFP

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Ce n'est pas toujours ceux qui en parlent le plus qui en font le plus. Il n'y a qu'à regarder le rapport de la Chine à l'environnement pour commencer à s'en convaincre. Alors que le sujet n'avait pas été abordé lors de la récente visite de Donald Trump, et que Pékin a expliqué en marge de la COP23 de Bonn qu'il était impossible de connaître les raisons précises de l'augmentation de l'effet de serre, les autorités chinoises commencent néanmoins à prendre la mesure de l'enjeu qui les attend.

Pays qui émet le plus de gaz à effet de serre au monde (28 %), la Chine est activement présente dans les conférences internationales sur le climat. En 2015, à la COP21 de Paris, elle n’a pas hésité à signer l’accord incitant à réduire les émissions de gaz à effet de serre «le plus vite possible», en promettant que les siennes diminueront à partir de 2030.

Pékin ne cache plus aujourd'hui que sa lutte contre la pollution comporte des ratés. L’hiver qui vient, la fermeture d’usines polluantes dans 28 villes du nord du pays devait faire diminuer de 15 % la concentration de microparticules dans l'atmosphère, mais en octobre, Li Ganjie, le nouveau ministre de la Protection de l’environnement, a annoncé qu'il «sera très difficile d’atteindre les objectifs de qualité de l’air fixés cette année». Depuis un an, les particules fines ont augmenté de 5,4 % dans une douzaine de villes.

«La guerre pour préserver le ciel bleu»

 

Il n’empêche: le 18 octobre dernier, à l’ouverture du Congrès du Parti communiste, Xi Jinping a parlé de «l’édification d’une civilisation écologique dont les effets bienfaisants profiteront aux générations de Chinois durant des siècles». L’objectif, a insisté le secrétaire général du PC est de «remporter la guerre sans merci pour préserver un ciel bleu» et, pour cela, de «mettre l’accent sur la responsabilité des pollueurs» et en même temps de «construire des réseaux protecteurs de la biodiversité». Ce qui amène notamment à annoncer «le lancement d’une grande campagne de reboisement». Autant de directives qui donneront lieu à des décisions lors de la prochaine réunion de l’Assemblée chinoise en mars prochain.

La pollution-record de 2013, notamment à Pékin, est encore dans toutes les mémoires. Durant une trentaine d’années de croissance continue, personne ne s’était préoccupé de la montée en puissance d’usines polluantes ni de l’utilisation massive, l’hiver, de combustibles au charbon. L’inquiétude des populations urbaines était devenue évidente pendant des semaines de ciel grisâtre et de particules fines répandues dans l’air. Mais se plaindre était jugé «antipatriotique».

Pékin en 2013 I MARK RALSTON / AFP

Les équipes proches de Xi Jinping –devenu président de la République en 2012– ont complétement changé d’attitude: il a été décidé de s’attaquer à la pollution et le faire de façon transparente –ce qui est inhabituel dans la pratique du Parti communiste chinois.

Une pollution sous haute surveillance

 

Les associations écologistes se sont multipliées dès lors qu’elles ont été officiellement autorisées. À la différence de celles qui se consacrent à la défense des Droits de l’Homme, une association verte peut donc dénoncer dans la presse une usine qui déverse des déchets dans une rivière ou une autre dont les émanations toxiques provoquent des maladies respiratoires alentours. Celles-ci entrainent –les chiffres ne sont pas cachés– près d’un million de morts chaque année.

De nouvelles réglementations ont été accompagnées par la création de nouveaux corps d’inspecteurs pour obliger les industries à limiter leurs rejets polluants. 2.000 usines dans la région de Pékin ont reçu cette année des subsides pour filtrer leurs émissions. Celles qui ne pouvaient les diminuer ont été autoritairement fermées. Par ailleurs, la part du charbon dans le chauffage urbain est diminuée chaque année. Sur les 25.000 mines recensées en 2012, moins de 10.000 restent en activité.

Tout citadin chinois peut consulter sur son portable le degré de pollution de sa ville. Il est indiqué sur le site du Centre de protection de l’environnement. Il n’est pas nécessaire de se porter sur le celui de l’ambassade des États-Unis, qui d’ailleurs donne quasiment les mêmes chiffres. Dans les appartements, nombreux sont ceux qui se sont équipés de dépollueurs d’air. Ce sont de petits appareils rectangulaires de fabrication chinoise ou scandinave. Depuis peu, la marque française Teqoya propose aussi une colonne étroite et haute dont la spécificité est d’éliminer à coup d’ions négatifs les particules polluantes ultrafines.

Énergies nouvelles

 

Dans chaque ville, les médias préviennent lorsque l’absence de vent maintient une atmosphère lourde ou lorsque des vents de l’ouest et du sud apportent un air polluant. Quand les micro-particules PM 2,5 dépassent 500 AQI (Air Quality index), soit 15 fois le taux recommandé par l’OMS, il y a «alerte rouge». Ces particules très fines, de 2,5 microns de diamètre, pénètrent dans le sang et dans les alvéoles des poumons.

Chacun est alors invité à porter un masque anti-pollution. Dans les écoles, les récréations sont annulées. Et si la situation dure plus de trois jours, on ferme les établissements. La circulation est également limitée: ne peuvent rouler à tour de rôle que les voitures dont la plaque se termine par certains chiffres que la municipalité change chaque jour.

Pékin en 2017 I  Nicolas ASFOURI / AFP

En perspective, le développement d’automobiles à énergies nouvelles. Il s’en est vendu 91.000 le mois dernier, soit une hausse annuelle de 106,7% par rapport à octobre 2016. Leur achat s’accompagne de réductions d’impôts tandis que les organismes publics sont exhortés à acheter davantage de véhicules de ce type. De plus, les autorités bancaires viennent de mettre en place une politique de prêt avantageux pour les acheteurs.

Un savoir-faire économique

 

Un effort industriel considérable est en cours pour équiper le pays de sources d’énergies moins polluantes. Les panneaux solaires se multiplient: 77,4 GW sont installés, dont 34,24 GW l’ont été en 2016, indique l’administration chinoise de l’Energie. La Chine est actuellement le seul pays du globe où se construisent chaque année cinq à huit centrales. L’objectif étant qu’il y en ait 110 en 2030. Quant aux champs d’éoliennes, il y en a beaucoup notamment au nord de la Chine mais tous ne sont pas en activité. L’éolien ne répond peut-être pas totalement aux espoirs que l’on mettait en lui il y a quelques années.

En tout cas, de la coopération avec des entreprises européennes –dont EDF et Areva pour le nucléaire–, la Chine a tiré un savoir-faire qui lui permet maintenant d’exporter en matière de préservation de l’environnement. Sur les dix premières entreprises qui vendent des panneaux solaires dans le monde, six sont chinoises.

La priorité chinoise est d’être en pointe dans ce domaine d’avenir qu’est l’écologie. La Chine cultive désormais l’image du pays le plus pollué de la planète mais aussi d'un de ceux qui luttent le plus fermement contre la pollution.

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