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Après Harvey Weinstein, la gauche américaine réexamine le cas de Bill Clinton

Plusieurs éditorialistes pensent que l'ancien président aurait dû démissionner après l'affaire Lewinsky et que les femmes qui l'accusent d'agressions sexuelles ont été trop ignorées.

Bill Clinton fait un discours à l'université de Georgetown, à Washington, le 6 novembre 2017. | Win McNamee / AFP
Bill Clinton fait un discours à l'université de Georgetown, à Washington, le 6 novembre 2017. | Win McNamee / AFP

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur New York Times, Vox

Aux États-Unis, depuis l'affaire Harvey Weinstein et l'avalanche d'accusations d'agressions sexuelles qui a suivi, les éditorialistes de gauche commencent à se poser publiquement des questions gênantes sur le cas de Bill Clinton.

Si on croit les femmes qui accusent Weinstein ou encore Roy Moore, cet ancien juge ultraconservateur accusé d'agression sexuelle sur mineure, pourquoi ne pas avoir plus écouté celles qui accusaient l'ancien président démocrate?

Des accusations crédibles

Sur Twitter, le journaliste Chris Hayes explique que ce n'est pas parce que la droite a manipulé certaines accusations contre Clinton de façon cynique qu'il faut complètement ignorer la question: «Cela fait longtemps que les Démocrates et le centre gauche auraient dû réexaminer les accusations faites à son encontre».

Dans le New York Times, l'éditorialiste Michelle Goldberg écrit que si certaines accusatrices avaient des témoignages bancals –et des connexions douteuses avec la droite–, d'autres semblent crédibles, comme Juanita Broaddrick qui maintient que Clinton l'a violée dans une chambre d'hôtel en 1978.

«Elle a dit qu'ils avaient rendez-vous au café d'un hôtel, mais qu'à la dernière minute, il lui a demandé de venir dans sa chambre, où il l'a violée. Cinq témoins disent qu'elle s'est confiée à elles au sujet de l'attaque, juste après l'incident», résume Goldberg.

Pour Caitlin Flanagan dans The Atlantic, Clinton a eu la chance que les accusations à son encontre aient émergé à une autre époque

«Il y avait un comportement qui se répétait; y compris des allégations d'agressions violentes et certaines femmes avaient des preuves plus crédibles que certaines des accusations qui ont émergé les cinq dernières semaines. Mais Clinton n'a pas été livré à la justice expéditive qu'ont connue les hommes accusés récemment.»

Un comportement désormais inacceptable

Dans Vox, le journaliste Matthew Yglesias préfère éviter la question de ces accusations d'agressions –car les faits ne sont pas établis– pour se pencher sur le célèbre cas Monica Lewinsky. Si celle-ci a toujours dit que la relation avec Clinton avait été consensuelle, l'idée qu'un président utilise son pouvoir pour obtenir les faveurs sexuelles d'une jeune stagiaire serait maintenant considérée comme inacceptable.

Yglesias rappelle qu'à l'époque, le débat était centré sur l'adultère et sur le parjure: lors d'un procès, Clinton avait menti sur la nature de sa relation avec Lewinsky. Contrairement à la discussion actuelle sur le harcèlement sexuel, il y avait alors très peu de réflexion sur la façon dont cette dynamique de pouvoir au travail pouvait être nuisible pour les femmes: 

«Un président qui utilise le pouvoir du Bureau ovale pour séduire une subordonnée d'une vingtaine d'années est immoral et contribue fortement à un problème social sérieux qui désavantage des millions de femmes pendant leurs vies», écrit Yglesias.

Mais à l'époque, plusieurs féministes, dont Gloria Steinem, avaient défendu le Président. Or selon Yglesias, si les Démocrates de l'époque avaient demandé sa démission, ils auraient pu envoyer un message fort sur le harcèlement sexuel et les dynamiques de pouvoir sexistes sur le lieu de travail. 

«Je pense que dans les années à venir, la plupart des gens de centre-gauche nés dans les années 1980 admettront que s'ils avaient été assez âgés pour avoir une opinion sur ce cas en 1998, ils auraient dit qu'il fallait faire pression sur Clinton pour qu'il démissionne.»

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