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L'avenir de l'Allemagne n'est pas plus radieux que le nôtre

La nouvelle coalition gouvernementale issue des dernières élections va devoir se mettre rapidement au travail.

Angela Merkel discourt au Bundestag, le 5 septembre 2017 à Berlin | John MacDougall / AFP
Angela Merkel discourt au Bundestag, le 5 septembre 2017 à Berlin | John MacDougall / AFP

Temps de lecture: 13 minutes

Les résultats des élections législatives du 24 septembre ont marqué une nouvelle ère de la politique allemande. L’extrême droite fait son entrée au Bundestag, avec 93 députés et les Libéraux leur retour, pendant que les deux grands partis traditionnels connaissent un échec relatif. Celui des sociaux-démocrates est le plus évident puisqu’ils font leur plus mauvais score (20,5% des voix) depuis la création en 1949 de la République fédérale. Les chrétiens-sociaux bavarois de la CSU subissent le même sort.

Angela Merkel peut être satisfaite d’arriver en tête. Elle devrait être en mesure de constituer une coalition nouvelle avec les Libéraux, les Verts et la CSU. Mais cet attelage ne sera pas simple à former puis à conduire et, comme à l’accoutumée, fera l’objet de longues négociations avant qu’un accord de coalition ne soit trouvé, vraisemblablement en fin d’année.

Qu’arrive-t-il donc à l’Allemagne? Le même phénomène qu’à ses autres partenaires européens, alors qu’elle en paraissait épargné? Une contestation populiste de plus, et de gauche et de droite, comme ailleurs en Europe? L’usure du pouvoir après 12 ans de succès économiques incontestables? La lassitude de débats politiques par trop consensuels et occultés par une grande coalition dont les partenaires étaient à peu près d’accord sur tout? Vraisemblablement un peu de tout cela à la mode germanique, mais aussi d’autres tracas plus profonds. À bien y regarder, il n’y avait pas, pour ces tendances, d’exception allemande. Seule la spécificité de l’histoire récente du pays peut permettre de mieux comprendre les réalités du pays le plus peuplé de l’Union européenne.

Redressée après un XXe siècle tragique

Pour l’Allemagne, le XXe siècle est tragique. Deux guerres mondiales ; entre les deux l’humiliation et la quasi-faillite de la démocratie, puis la dictature, la défaite et la division, des frontières redécoupées et des transferts de population inégalés, la tâche indélébile de la Shoah. Puis vinrent la reconstruction et la réunification, immenses succès tentant d’effacer pendant la seconde moitié du siècle les dérapages et les tourments de la première, mais à un coût élevé: politique avec le relatif effacement qu’imposait les mémoires, économique au prix d’efforts spectaculaires, financier pour avaler les Länder orientaux malmenés sous une autre dictature.

Son redressement ne s’est opéré qu’au prix d’une stabilité voulue et martelée comme un impératif de survie, organisée par les lois et la Constitution, garantie par la forme fédérale d’un pouvoir central finalement assez faible, s’appuyant sur une citoyenneté reconstruite autour d’une vision pacifique bannissant les conflits externes comme internes. Le consensus allemand paraissait réel au sein d’une société apaisée et prospère. Le mérite d’Angela Merkel est d’avoir apporté à l’Allemagne une longue phase de stabilité apaisée, à laquelle les Allemands aspiraient. Mais l’Allemagne n’est pas la Suisse. Elle est puissante et riche, attire ceux qui cherchent l’assurance de règles et de lois intangibles et respectées, multiplie les exploits commerciaux, se coule à l’aise dans l’intégration européenne et retrouve un éclat qu’elle ne cherche pas et qui la rattrape.

Forcément ouverte généreusement sur le monde, celui-ci l’interpelle désormais avec ses bouleversements, faisant apparaître des faiblesses cachées et surtout la questionnant sur son rôle dans le concert des nations.

Un contexte de grande instabilité

 

De tous côtés, son environnement a changé. À l’Est, pour elle, lieu de tant de liens historiques, de présence économique, de conquêtes commerciales, de frictions et de mélanges avec d’autres peuples, les portes se sont fermées. Le révisionnisme russe, fruit d’occasions ratées autant que de frustrations nationalistes exacerbées, la contraint à abandonner le «Drang nach Osten» pacifique auquel elle se destinait. Plus de 6.000 entreprises allemandes travaillaient en Russie avant la crise ukrainienne. Celle-ci d’ailleurs n’a pas arrangé les relations de l’Allemagne avec la partie orientale de l’Union européenne. La Pologne, objectif ambitieux d’une réconciliation exemplaire, s’éloigne d’elle-même des canons européens. La Hongrie s’égare, la République tchèque est aux mains des europhobes; rien qui ne corresponde à la vision allemande d’un espace politique stabilisé et fraternel.

À l’Ouest, l’élection de Donald Trump a marqué un tournant. Les incertitudes que le nouveau président américain fait peser sur le confort «otanien» ont déstabilisé la classe dirigeante allemande. Ses attaques et ses critiques contre les succès allemands ont achevé de l’éloigner d’un pays reconnaissant à l’Amérique de l’avoir réintroduit dans le jeu international et de l’avoir si longtemps protégé de ses armées. Tout l’appareil de défense allemand ne vivait et ne vit encore que par l’OTAN. Intégré dans la dissuasion de l’Alliance, s’abstenant des opérations armées de vive force, n’organisant ses promotions internes qu’au travers de carrières multinationales, il nourrit une industrie reconnue et ne sert qu’au déploiement d’une politique de type onusien de développement pacifique, au mieux de maintien de la paix.

À ses frontières en outre, au sein même de l’Union européenne, souffle un vent nouveau de rajeunissement des dirigeants. Emmanuel Macron en est le symbole.

La diplomatie allemande est pourtant fort active et souvent efficace, mais elle reste cantonnée à la médiation, à l’influence, la culture et le commerce. Son entrée dans la grande politique internationale se fait toujours avec d’autres, comme par exemple pour la négociation de l’accord sur le nucléaire iranien ou les accords de Minsk sur l’Ukraine.

Au Sud aussi ont frappé les changements. La Turquie et l’Allemagne s’opposent désormais ouvertement, le Moyen-Orient est loin d’être pacifié et l’Afrique, où l’Allemagne a engagé d’importants efforts de présence de toutes natures, sont tous deux à l’origine de flux migratoires considérables qu’elle a choisi dans un premier temps d’accueillir. Le terrorisme qui en est issu n’épargne plus son territoire et l’instabilité politique qui y règne ne saurait la satisfaire.

Au Nord, l’influence anglo-saxonne, qui se mariait si bien avec l’ordo-libéralisme ne manquera pas d’être affaiblie par un Brexit tumultueux et difficile. À ses frontières en outre, au sein même de l’Union européenne, souffle un vent nouveau de rajeunissement des dirigeants. Emmanuel Macron en est le symbole, mais les Premiers ministres belge, irlandais, néerlandais, luxembourgeois, bientôt suivis par d’autres, entendent réformer l’Union européenne et bousculer les vieilles pratiques.

L'Allemagne est bien seule et les Allemands le ressentent

Que dire enfin de la scène internationale, dont les évolutions sont autant de surprises lourdes de complexité? De la Corée du Nord à l’Amérique latine, en Asie comme en Afrique, montent de nouvelles interrogations comme autant de défis. La prolifération nucléaire, les conflits gelés, les différends ethniques, religieux ou territoriaux s’accumulent en l’absence d’une gouvernance mondiale ne serait-ce qu’esquissée. Le monde, qui n’a jamais connu aussi peu de conflits, semble n’en avoir jamais autant préparé!

Pour l’Allemagne, cette instabilité est plus problématique encore que pour d’autres, car ses efforts et ses succès pour retrouver toute sa place sur la scène internationale, se trouvent contrariés par des pratiques plus brutales dans les relations entre Etats: fait accompli, déclarations à l’emporte-pièce, diplomatie du tweet, sont tellement éloignés d’une attitude civilisée à laquelle l’Allemagne est attachée! En fait, l’Allemagne est bien seule et les Allemands le ressentent bien qui ont manifesté une inquiétude nouvelle lors du scrutin du 24 septembre. 

Au sein de l’Union européenne elle-même, l’image de l’Allemagne s’est dégradée lors de la crise des dettes publiques. Une partie de l’Europe considère que ses difficultés sociales sont dues à un manque de solidarité allemand, une autre que l’Allemagne sait aussi s’abstraire des disciplines communes qui limitent les excédents à 6% du PIB alors qu’elle en affiche près de 8%. Quant aux Allemands, ils ne sont pas habitués à apparaître au premier rang et ce leadership semble les embarrasser plus que de les satisfaire. Reste le couple franco-allemand. Allemagne et France sont en tête-à-tête et n’ont l’un et l’autre d’autre choix que de progresser ensemble. Les Européens engagés en seront heureux, mais cela n’enlève rien aux divergences entre les deux pays. Le défi pour leurs dirigeants est donc de retrouver le mode de fonctionnement ancien qui a tant fait progresser l’intégration européenne: comme l’a affirmé Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne, «nous ne serons pas d’accord sur tout mais nous discuterons de tout», en souhaitant un nouveau partenariat, qui pourrait s’incarner dans un nouveau Traité de l’Elysée.

Seules et face à face, seules et à côté, seules et ensemble, France et Allemagne ont un défi à relever après ce scrutin outre-Rhin qui ne facilitera pas leur tâche, tant il révèle des réalités allemandes occultées.

Un pays qui a peur de l'avenir

Dire que l’Allemagne traverse une crise d’identité est un peu fort et pourtant assez exact. Dans cet environnement nouveau, le pays de Goethe voit resurgir des problématiques internes dans des débats politiques qui les anesthésiaient. La dernière campagne électorale en a été la démonstration. Alors que les deux grands partis alliés au gouvernement, s’affrontaient mollement et que le seul débat télévisé organisé entre la Chancelière et le leader du SPD n’a pas fait apparaître de divergences fondamentales, il a fallu attendre le soir des élections et la tradition respectée d’un débat télévisé des sept représentants des partis ayant obtenu des députés, pour que soient abordées toute une série de sujets qui préoccupent les Allemands: terrorisme, islamisme, immigration, Europe, identité. On peut penser que ces thèmes sont désormais durablement installés dans le débat politique et c’est là une nouveauté.

Une télévision restransmettant le débat Merkel - Schulz sur un stand de la Foire internationale d'électronique grand public à Berlin, le 4 septembre 2017. | Tobias Schwartz / AFP

Toute l’habileté de la politique «apaisée» d’Angela Merkel a consisté à intégrer au fur et à mesure les demandes de la population allemande, parfois à la grande surprise de ses partenaires européens et de ceux de sa coalition. Il en fut ainsi de l’annonce de l’abandon de l’énergie nucléaire, de la décision d’accepter l’ouverture des frontières aux milliers de réfugiés qui traversaient l’Europe ou des positions allemandes lors de la crise des dettes publiques. Elle a ainsi satisfait les aspirations profondes de ses concitoyens, qui détestent l’instabilité ou les débats conflictuels et a endossé par là même le rôle de Mère de la patrie; «Mutti» est certainement le surnom qu’elle préfère. 

Mais aux défis récurrents d’une Allemagne vieillissante, dont la prospérité doit tant à l’industrie, se sont ajoutées de nouvelles interrogations. Il manque chaque année 190.000 naissances à l’Allemagne pour ne pas voir sa population baisser. Les plus de 60 ans pourraient approcher les 40% en 2050 selon les projections statistiques. Plus de 20% des 83 millions de personnes qui vivent en Allemagne sont d’origine étrangère et près de sept millions ont une autre nationalité. Seule l’immigration permet à l’Allemagne de voir sa population augmenter faiblement chaque année et l’on estime que celle-ci n’y suffira plus.

La seule confrontation de ces chiffres explique les craintes justifiées des Allemands envers une politique monétaire qui génère des taux proches de zéro et ne garantit pas l’avenir de l’épargne, des retraites et de l’assurance-vie, leur taux d’épargne élevé traduisant une inquiétude face à l’avenir. Cette dernière a été portée par le mouvement extrémiste Alternativ für Deutschland (AfD), mais aussi par les Libéraux qui ont littéralement siphonné une bonne partie des électeurs de la CDU et du SPD.

Le modèle allemand remis en question

Cette angoisse se nourrit aussi de la fin de certains mythes typiquement allemands. L’industrie y est un secteur respecté, admiré, dont l’efficacité est reconnue: «Deutsche Qualität» affirmait il y a peu encore une publicité en France pour une marque d’automobile. Or le scandale des moteurs truqués par certains constructeurs pour ne révéler qu’une partie des émissions de CO2, a contraint ses auteurs à la retirer. La confiance dans les grandes entreprises, fierté nationale, en a été ébranlée, après déjà les attaques répétées des nouveaux entrepreneurs de type Uber. Nombre d’innovations et de tendances en cours remettent en cause un modèle économique et social, imposé après-guerre par les alliés et accepté par les Allemands. La présence de représentants du personnel dans les conseils d’administration, symbole du partenariat entre les syndicats et le patronat n’a pas permis d’éviter ce véritable ébranlement venu de l’irruption de nouvelles technologies dans la production et les services; le modèle allemand lui-même en est affecté.

De surcroît, à la thématique répétée fièrement des succès allemands, au demeurant réels (excédents budgétaires depuis trois ans, records historiques des balances commerciale et des paiements) correspond aujourd’hui une demande, portée par le puissant syndical IG Metall d’une augmentation des salaires, de 6% cette année. Or la compétitivité retrouvée de l’industrie doit beaucoup à une modération salariale négociée contre le maintien de l’emploi.

Elle a principalement et spectaculairement su profiter de la croissance de rattrapage des pays émergents, à commencer par la Chine. L’excédent commercial allemand de 253 milliards d'euros en 2016 est un record absolu. Elle a exporté pour plus de 1.200 milliards. Si elle est particulièrement dépendante de ses marchés d’exportation au moment où le libre-échange est remis en cause par le partenaire américain sur le marché duquel elle caracole en tête et par le ralentissement de la croissance chinoise, elle a aussi accru sa présence sur les marché européens. Cette vulnérabilité, pour l’instant peu visible, et l’augmentation de ses exportations vers les pays européens seront vraisemblablement la cause d’interpellations et d’interrogations pour le nouveau gouvernement. Faut-il doper la consommation intérieure, qui a ces dernières années, beaucoup progressé? Faut-il davantage d’investissements publics comme le réclament nombre de partenaires et les institutions européennes et internationales? Faut-il plutôt diminuer les impôts, comme le souhaitent certains partis politiques? Des orientations choisies dépendront beaucoup les orientations économiques européennes.

La fin du refus des extrêmes?

La question migratoire est aussi dans tous les esprits. Si la réaction des Allemands envers les réfugiés a étonné par son exemplarité et la solidarité dont ils ont fait preuve, si cet afflux de main d’œuvre satisfait aux besoins de leur économie, les mêmes interpellations identitaires sont à l’œuvre. 

Enfin, l’entrée de l’AfD au Bundestag constitue un double défi. Le consensus allemand a longtemps reposé sur le refus des positions extrêmes et des discours politiques provocateurs. Les déclarations des leaders du parti d’extrême droite rompent avec ce savoir-vivre et ces habitudes. Ils représentent pour la politique allemande un véritable bouleversement qui interpelle les citoyens, nourrit les discussions jusqu’au sein des familles, suscite majoritairement un rejet et met l’accent sur nombre de non-dits de la vie politique. Leurs effets sont pour l’instant peu mesurables, mais les travaux du Bundestag devraient en pâtir et la politique allemande pourrait y trouver un nouvel axe de structuration, comme ce fut le cas en son temps, en France, avec les propos tenus par Jean-Marie Le Pen.

Si la réaction des Allemands envers les réfugiés a étonné par son exemplarité et la solidarité dont ils ont fait preuve, si cet afflux de main d’œuvre satisfait aux besoins de leur économie, les mêmes interpellations identitaires sont à l’œuvre. 

Par ailleurs est réapparue un clivage persistant entre l’Est et l’Ouest. Malgré tous les efforts, les «Ossies» continuent à se sentir méprisés par les «Wessies» et ces derniers comprennent mal les frustrations d’une population qui a voté à 22,5% pour l’AfD, soit le double du score obtenu dans toute l’Allemagne. Si l’on comprend les tourments des Länder de l’Est, peuplée d’une population ayant plus que d’autres en Allemagne souffert des transferts forcés de population après la guerre – plus de 10 millions d’Allemands ont été «rapatriés» de l’Est vers l’Ouest– ce sont surtout les chocs de la réunification qui ont heurté des esprits ayant vécu près de 60 ans sous deux dictatures. Les efforts entrepris par l’Allemagne pour effacer les traces de la division ont été considérables –plus de 75 milliards d'euros par an pendant plus de 20 ans, un impôt spécial «de solidarité»–, mais à l’occasion des récentes élections, ont refleuri dans la presse les apostrophes regrettant que le Mur existe toujours. Sa traduction est désormais visible dans les urnes.

Les transformations économiques, les interrogations qui naissent des technologies et de leurs capacités nouvelles, les mouvements de populations et l’instabilité qui en résultent, frappent partout demandant aux dirigeants des réponses qui apparaissent de plus en plus difficiles. Ainsi la société allemande, à sa manière, n’échappe pas aux troubles qui parcourent les grandes démocraties occidentales et européennes en particulier. Ces fissures sont-elles graves et durables? 

L’aspiration la stabilité et le respect des règles de droit sont des caractéristiques spécifiques à l’Allemagne. Elles vont l’aider à traverser ces nouvelles épreuves. Mais elles ne sauraient suffire. Elle doit faire preuve de davantage d’initiative et ne plus se contenter de réagir aux évènements ou aux propositions. L’adaptabilité et la mobilité sont des exigences de cette période d’ajustements. Cela constitue pour l’Allemagne un défi nouveau qui interpelle à la fois son organisation institutionnelle de pays décentralisé aux forts contre-pouvoirs, basée sur le droit et ses règles. C’est en matière européenne que se mesureront ses éventuelles nouvelles pratiques.

Jouer le jeu de l'Europe?

L’arrivée aux affaires d’une nouvelle génération de dirigeants européens et l’élection d’Emmanuel Macron en France, constituent pour l’Allemagne un nouveau questionnement. Ils vont vouloir «faire bouger» l’Europe, qui en a besoin. Jusqu’ici, elle a joué un rôle conservateur, préservant l’essentiel des politiques de l’Union, sans jamais en envisager les évolutions. L’activisme du jeune président français devra trouver une réponse outre-Rhin. Certains s’en sont inquiétés pendant la campagne électorale exhumant les vieilles angoisses allemandes à l’égard d’une «Union de transferts», qui les conduiraient à payer pour les autres, forcément indisciplinés. On sait que l’Union européenne organise déjà d’importants transferts financiers au moyen des fonds structurels (330 milliards d'euros sur sept ans) ou via la Banque centrale européenne qui achète des dettes privées et publiques. Les Libéraux allemands ont utilisé de nouveau cette thématique et la droite, notamment CSU et CDU, sera vigilante sur ce point.

Pourtant il faudra bien évoluer et les déclarations du ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, acceptant l’idée d’un Fonds monétaire européen chargé d’intervenir en cas de crise, ont vraisemblablement montré ce vers quoi pourrait s’acheminer la zone euro. Les propositions du président français visant à protéger l’industrie européenne des comportements déloyaux de certains de ses grands partenaires ont rencontré l’intérêt de l’économie allemande. Des achats chinois d’entreprises de taille moyenne performantes en Allemagne ont suscité inquiétudes et réactions. Les excédents commerciaux allemands et le profit tiré d’un euro faible, sont de moins en moins tolérés en Europe.

L’Allemagne d’Angela Merkel devra donc accepter de jouer le jeu de la réforme européenne. La Chancelière en aura-t-elle les moyens et la volonté? Ce fut l’interrogation préférée des commentateurs après les élections. Elle a trop ignoré les sentiments européens véritables des partis politiques allemands. Tous, y compris les Libéraux, sont profondément européens parce que cela correspond non seulement à une conviction, mais aussi aux intérêts allemands.

Quelles seront les positions de la coalition?

Reste à voir comment cela va s’organiser alors que les discussions en vue de la formation d’une coalition gouvernementale ne font que débuter. On sait qu’elles sont longues, approfondies et sérieuses et qu’elles donnent lieu à l’élaboration d’un accord de coalition, document de plus d’une centaine de pages qui fixe les orientations et le programme de la majorité. Elles devront tenir compte des propositions françaises de relance et de l’attente des Européens. Gageons que l’Allemagne ne voudra pas être en reste, même si elle n’est jamais à l’aise lorsqu’on fait évoluer les règles.

Ces questions allemandes sont, pour l’Allemagne, pour l’Europe et pour ses partenaires, et en tout premier lieu la France, des nouveautés qu’il faudra savoir appréhender avec précaution, précision et compréhension. Plus qu’une banalisation par rapport aux tendances constatées partout, elles constituent un questionnement spécifique qui exige de bien connaître les réalités allemandes. Les partenaires de l’Allemagne doivent les comprendre pour mieux accompagner les changements qu’on en attend. Quelque chose qui exige un réel esprit européen et qui est une vraie complexité de plus…

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