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La diplomatie parallèle menée par Hollande pour libérer Loup Bureau est-elle utile?

La justice turque a confirmé le 6 septembre le refus de la demande de libération conditionnelle du journaliste nantais détenu depuis le 26 juillet en prison.

Manifestation de soutien à Loup Bureau devant la mairie du 4e arrondissement à Paris, le 24 août 2017. Thomas SAMSON / AFP
Manifestation de soutien à Loup Bureau devant la mairie du 4e arrondissement à Paris, le 24 août 2017. Thomas SAMSON / AFP

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François Hollande a toujours aimé les journalistes. Parfois un peu trop. Lors de son passage à l'Élysée, il était réputé pour laisser son numéro de portable à chaque reporter qui insistait un peu pour une interview. Un dialogue avec la presse qui lui a coûté quelques points de popularité, –parmi d'autres erreurs de communications et mesures impopulaires– surtout après la publication du livre Un président ne devrait pas dire ça, écrit par les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme. On y apprenait notamment que le locataire de l'Élysée ne comptait pas ses heures pour répondre aux demandes de la presse. 

Mais François Hollande n'a pas connu Loup Bureau. Ce jeune journaliste, qui a été mon camarade de promotion et avec qui j'ai partagé quelques semaines de vie commune au Caire pour réaliser un reportage sur l'après-révolution publié sur Slate.fr, n'a jamais couvert l'actualité politique. Il n'aimait pas les endroits où se précipitaient trop de reporters et n'était pas attiré par les lumières des lieux de pouvoir. 

Pourtant, l'ancien président a apporté son soutien à Loup Bureau, emprisonné par les autorités turques depuis plusieurs semaines et accusé de terrorisme. Son crime: avoir réalisé un reportage avec des combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) qui luttent pour un Kurdistan syrien autonome et sont alliés au PKK, le groupe armé kurde en conflit ouvert avec Ankara depuis plusieurs décennies dans l'est de la Turquie. Lorsqu'il a passé la frontière entre l'Irak et la Turquie, Loup Bureau transportait son ordinateur et à l'intérieur, la vidéo de son sujet sur l'YPG diffusé sur la chaîne TV5 monde en... 2013. 

Les négociations entamées par les diplomates du Quai d'Orsay et surtout Emmanuel Macron qui discute directement du sujet avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdoğan, patinent pour le moment. Le 6 septembre, les proches de Loup Bureau ont connu un nouveau coup dur. La justice turque a confirmé le refus de la demande de libération conditionnelle du journaliste nantais détenu depuis le 26 juillet, a annoncé son avocat, Martin Pradel, sur son compte Twitter:

«Tout dépend de ce qu'il fait réellement»

Dans un entretien accordé au JDD le 30 août, François Hollande s'inquiétait de la lenteur des négociations et annonçait avoir entamé des discussions parallèles pour la libération de Loup Bureau. 

«J'active tous mes réseaux pour aider à la libération de Loup Bureau. Mon action se fait parallèlement aux autorités françaises, que je ne veux pas gêner», confiait-il, ajoutant avoir mobilisé l'ambassade française et ses contacts auprès des «autorités turques».

Une prise de parole surprenante, pour les acteurs déjà impliqués dans le dossier.

«L'initiative de François Hollande concernant Loup Bureau a surpris tout le monde y compris le Quai d'Orsay, explique Yoan Bihr, le responsable du bureau de la Turquie chez Reporters sans Frontières. On ne sait pas si c'est sérieux ou seulement un effet d'annonce. Cela peut-être utile dans une stratégie de négociations multi-canaux, mais tout dépend de ce qu'il fait réellement.»

Cette diplomatie parallèle rappelle celle d'un autre ex-président, Nicolas Sarkozy. L'ancien leader du mouvement Les Républicains avait rencontré le chef d'État russe Vladimir Poutine en novembre 2015, alors que François Hollande, le président français l'époque, ne l'avait chargé d'aucune mission. 

«Il n’y a qu’un seul président de la République, c’est François Hollande. Il mène une politique que je combats, mais je n’en parlerai pas à l’étranger», avait expliqué Nicolas Sarkozy, qui avait discuté avec Vladimir Poutine en pleine crise diplomatique entre Paris et ses alliés et Moscou au sujet de la guerre en Syrie. 

Hollande se pousse du col?

Pour certains observateurs, l'attitude de François Hollande ressemble, à la façon de Nicolas Sarkozy, à une volonté d'occuper la scène médiatique dont il a disparu depuis son départ de l'Élysée. 

«Je ne pense pas que François Hollande s'implique beaucoup. S'il menait une diplomatie parallèle, la première chose serait de ne pas l'ébruiter. La façon dont il s'est exprimé ressemble à une forme de concurrence menée contre ses anciens ministres Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian», note un ancien collaborateur de François Hollande. 

Quels seraient les réseaux turcs évoqués par l'ancien secrétaire général du Parti socialiste en Turquie? En 2015, François Hollande avait nommé l'ambassadeur français, Charles Fries, toujours en poste à Ankara. «Mais, c'est un homme de droite et très professionnel, qui s'est mis au service de la nouvelle administration», explique Didier Billion, chercheur à l'Iris et spécialiste des relations bilatérales entre la France et la Turquie. «François Hollande donne l'impression de se pousser du col pour avoir un rôle dans ce dossier».  

Surtout que l'Élysée, «qui a mis du temps à réagir» dixit Yoan Bihr de RSF, semble maintenant pleinement mobilisé pour obtenir la libération de Loup Bureau. «Des diplomates en poste à l'Élysée m'ont confié qu'Erdogan était le deuxième chef d'État avec lequel s'entretenait le plus Macron après Angela Merkel. Et le cas de Loup Bureau est abordé à chacun de leur entretien», confie Didier Billion. «C'est peut-être exagéré, mais si l'Élysée passe ce message, c'est que c'est une question importante pour eux.» 

En attendant, sauf joker surprise, on conseille à François Hollande de participer à l'opération d'envoi de cartes postales à Loup Bureau directement à la prison où il est détenu. Une initiative lancée par le très actif comité de soutien au jeune journaliste

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