Culture

Festival du Film Américain de Deauville : Jour 5

Au programme: le badge de la discorde, des bouclettes, du porc casher et Los Angeles apocalyptique

DR David Périneau
DR David Périneau

Temps de lecture: 3 minutes

Ce matin, alors que je viens de passer le portique pour me rendre à ma première projection du jour, j’entends derrière moi l’agent de sécurité dire «non, Madame, il vous faut un badge rouge pour rentrer par ici.» La festivalière lui répond alors, sûre d’elle, que son badge est bien rouge en lui montrant de plus près. J’étais déjà à plusieurs mètres de la scène mais je voyais bien que non : son badge était bleu. Visiblement, malgré l’omniprésence du fond bleu, elle avait préféré ne retenir que le rouge des danseurs de l’affiche du Festival.

Il se trouve qu’un badge rouge, contrairement au bleu, vous garantit de ne jamais faire la queue pour rentrer dans l’auditorium. C’est un privilège, un vrai, dont j’ai l’énorme chance de bénéficier cette année grâce à Kiehl’s. Car la vie d’un grand festival de cinéma, peu importe où dans le monde, est toujours réglé par une hiérarchie sociale qui n’a rien de démocratique. L’idée du premier arrivé premier rentré (comme au cinéma) n’a pas cours dans ce genre d'événement.

A Cannes, notoirement, ne comptez pas participer à la fête de façon régulière sans un job ou un sérieux carnet d’adresses dans la production, la distribution cinéma ou dans un média populaire. Les possibilités, évidemment, existent pour le quidam, mais la marche vers les films est jonchée d’obstacles (file d’attente de plusieurs heures), parfois insurmontables. La gamme de couleurs de badge y est presque aussi sophistiquée qu’un nuancier pantone. Cannes est régi par une loi de la jungle sans pitié:  entre les lions (le gros producteur) et les gazelles (le quidam), tout un bestiaire se partage les restes (agences, journalistes, partenaires, distributeurs, etc...).

Cultiver un entre-soi

Un festival de cinéma peut donc vite ressembler à un entre-soi, à l’image de la communauté juive hassidique de New-York filmée par Joshua Z Weinstein dans son premier film, le bien nommé Brooklyn Yiddish présenté en compétition. Le réalisateur le racontait avant que le film commence :

«Il y a un dicton yiddish qui dit qu’on ne peut pas tuer un cochon de façon casher. Et cela s’applique tellement au film que j’ai fait, d’abord parce que j’ai fait un film sur la foi sans être un homme de foi, ensuite parce que le film parle d’une communauté qui ne veut pas être filmée et, enfin, parce que j’ai fait ce film dans une langue, le yiddish, que je ne parle. Alors il est vrai qu’on ne peut pas tuer un cochon de façon casher mais ce film est ma façon d’essayer.»

Brooklyn Yiddish est un rare exemple de film tourné quasi-intégralement en yiddish, un exploit qui n’était pas arrivé depuis la grande vague de cinéma yiddish débutée dans les année 1910 et stoppée nette par la Shoah et l’acculturation linguistique des populations juives ashkénazes qui a suivi.

Racontant le parcours d’un très croyant employé d’épicerie pour récupérer la garde de son fils après le décès de sa femme, le film montre une communauté complètement refermée sur elle-même, vivant selon des codes très stricts qui lui sont propres. Le fils du très attachant Menashe lui a été retiré, non par les autorités de la ville, mais par l’autorité religieuse de son rabbin qui insiste pour qu’une femme participe à l’éducation du jeune garçon.

Source de malheur et de tragédie

Un entre-soi que je retrouvais aussi ce matin dans le septième film de la compétition, la deuxième réalisation de l’acteur Justin Chon, aperçu dans la saga Twilight. Gook retrace une journée de la vie d’un petit commerçant d’origine coréenne dans une banlieue de Los Angeles alors qu’explosent les émeutes de 1992. Avec de tout petits moyens, dans un sublime noir et blanc, le jeune réalisateur filme Los Angeles comme une zone de guerre quasi-apocalyptique où chaque coin de rue est une menace potentielle pour les populations d’origine asiatique, constamment prises pour cible par tout ce que le quartier compte de petits voyous blancs ou noirs.

Si dans Brooklyn Yiddish, cet entre-soi, cette phobie, cette haine du mélange sont vécus comme un mal nécessaire à peine contesté, dans Gook, au contraire, ils le sont comme une source de malheur et de tragédie. Alors qu’on a retenu de l’époque ces images de commerçants coréens armés jusqu’aux dents sur les toits de leurs magasins, Chon préfère aborder son très sensible sujet avec une infinie tendresse, en se focalisant sur la petite histoire et des personnages hyper attachants loin des clichés. Malgré un ton beaucoup plus dramatique, je ne pouvais m’empêcher de penser au Clerks de Kevin Smith, prix du public à Deauville en 1994.

Heureusement, malgré quelques badges rouges, tout est fait par Deauville pour faire du Festival un véritable événement démocratique et populaire. Moi qui n’avais jusque là suivi le Festival de Deauville qu’à la télé (mais connu plusieurs Cannes), ce fut ma très grande surprise. Les projections sont ainsi essentiellement composées de festivaliers venant appréciés chaque jour tous les films de la sélection. Et de film en film, on retrouve souvent les mêmes visages. Ce soir encore, avant que commence The Wilde Wedding, j’ai échangé avec un couple de Deauvillais (avec un badge bleu) sur nos coups de coeur respectifs. Et j’avais beau avoir un badge rouge, ils avaient vu exactement les mêmes films que moi.

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