Santé

«Je veux qu'il s'aime autant que je l'aime»

Cette semaine, Lucile conseille S., une jeune femme qui veut redonner confiance à son compagnon en surpoids.

<a href="https://www.flickr.com/photos/alebonvini/12192170846/">Botero</a> | Alessandro Bonvini via Flickr CC <a href="https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/">License by</a>
Botero | Alessandro Bonvini via Flickr CC License by

Temps de lecture: 3 minutes

«C’est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c’est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected].

Pour retrouver les chroniques précédentes, c’est ici.

Je viens vers vous car je me trouve dans une situation un peu difficile dans mon couple aujourd'hui. 

Voilà, je suis avec un jeune homme formidable, qui malgré mes nombreuses erreurs et mes nombreux défauts est toujours à mes côtés aujourd'hui. Je l'aime terriblement. Mais... Car il y a toujours un «mais». Il est en surpoids, ne s'aime pas, aimerait changer d'hygiène de vie. Chose que je peux comprendre et que je souhaite encourager, car je le vois grossir (ce qui n'amoindrit en rien mes sentiments pour lui mais qui commence à se ressentir sur mon désir sexuel) et je le vois être de plus en plus mal (pas du plus sexy non plus et étant très empathique, cela a tendance à me rendre mal aussi).

Je souhaite l'aider, l'encourager du mieux possible, j'en ai déjà discuté avec lui, en lui proposant diverses solutions (consulter des spécialistes tel que des coach sportifs ou diététiciens, essayer de faire du sport avec des amis qui en font). Mais rien ne semble lui convenir, il veut y arriver seul, mais ne fait objectivement rien pour (il court une fois pour ne pas reprendre, mange une salade sporadiquement...). Je ne lui fais aucun reproche car ce n'est absolument pas mon rôle, je lui montre que je suis ouverte à la discussion mais trop en parler pourrait le braquer.

J'aimerais pouvoir le motiver en faisant du sport avec lui mais ma santé fait que cela n'est pas possible. Et puis, même si je n'ai pas un corps parfait, il est tout à fait dans la norme et je n'ai pas besoin de perdre grand chose si ce n'est mon petit ventre pour la plage cet été. Rien de comparable à sa situation.

Que faire? Je veux qu'il puisse être entièrement lui-même, je veux qu'il se plaise et qu'il s'aime autant que je l'aime, je ne veux pas que cela pèse plus sur notre relation et sur sa vie. Je pense que pour parvenir à son souhait d'y arriver seul (il a subi trop de moqueries par le passé et c'est pour cela qu'il refuse toute aide) il faudrait un élément déclencheur violent, mais ce serait cruel de lui poser un genre d'ultimatum pour le pousser à faire ça; je n'en ai pas envie et il ne le mérite pas. 

Voilà, vous savez tout, si la moindre idée vous vient, n'hésitez pas à m'en faire part. 

S.

Chère S.

Je crois que vous l’avez compris: de lui-même, et sans aide extérieure, il est peu probable que votre compagnon prenne de meilleures résolutions sur son poids. Plusieurs questions se posent alors: comment ce mal-être associé peut-il être diminué afin de rendre son (et votre) quotidien acceptable? Comment renverser la vapeur pour que cette spirale de négativité et d’auto-dénigrement se transforme en spirale de positivité?

Je ne crois pas non plus à l’ultimatum, qui pourrait être l’excuse parfaite pour lui de se faire plus de mal encore et pourrait vous mettre dans une situation que vous ne désirez pas vraiment.

Quand j’ai reçu votre question, j’ai contacté le collectif Gras Politique, collectif de personnes grosses combattant la grossophobie et les discriminations. Ses fondatrices m’ont permis, et j’espère que ce sera le cas pour vous, de prendre le problème à l’envers. Avant d’entamer toute démarche pour maigrir (si c’est ce qu’il souhaite), il doit d’abord se sentir mieux dans son corps. Accepter l’enveloppe qui porte son histoire. J’ai découvert Barna-B Paris, blog qui se consacre à la noble tache de redonner du style aux hommes gros. Les photos sont magnifiques et le site regorge de conseils mode. Le site Asos propose aussi une large sélection de vêtements pour hommes en grandes tailles.

On m’a aussi glissé que certains sports de combat et le rugby valorisaient les hommes gros.

Il faut qu’il accepte et qu’il comprenne avant tout que son corps peut être, plus qu’une malédiction ou une punition, un atout. Quelles que soient les conséquences de cet état de fait, sa silhouette est ce qu’elle est. Et elle ne l’empêche pas d’être heureux. Et encore moins heureux en couple avec une femme qui se soucie de son bien-être.

Je suis convaincue que si stabilisation ou perte de poids il doit y avoir, elles ne pourront avoir lieu que dans un climat apaisé. Et c’est moins maigrir qui doit être un objectif à tout prix, objectif si facile à ne jamais atteindre, que l’épanouissement personnel.

Il peut aussi, avec vous si il en a besoin, contacter le site Gros.org, groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids, une association regroupant les professionnels ayant à prendre en charge des personnes en difficulté avec leur poids. Sur le site, tout comme sur le site de Gras Politique, existe une liste de praticiens dit «safe» qui ne porteront pas de jugement sur son poids et prendront en compte ses problématiques spécifiques.

Les moqueries et la honte ne sont pas une fatalité. Nous portons tous, tout au long de notre vie, un corps qui est le reflet de notre parcours. Parfois cette histoire est plus difficile à porter qu’à d’autres moments. Et les injonctions de la société n’aident pas à assumer ses faiblesses ou sa singularité.

Ce jeune homme a de la chance de vous avoir près de lui. Il doit maintenant comprendre qu’il n’est pas seul, que certains sont prêts à l’écouter et l’aider. Qu’il peut se sentir beau. Et surtout être heureux.

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