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États-Unis: Trump peut-il réellement être mis en accusation?

La réponse pourrait venir de la loi électorale américaine qui interdit aux candidats de solliciter ou d'accepter «une contribution ou un don» d'un ressortissant étranger pendant une campagne.

Le président Donald Trump et son fils Donald Trump Jr. après le premier le débat présidentiel à l'Université Hofstra à Hempstead. New York. 26 septembre 2016. Ewel Samad/AFP
Le président Donald Trump et son fils Donald Trump Jr. après le premier le débat présidentiel à l'Université Hofstra à Hempstead. New York. 26 septembre 2016. Ewel Samad/AFP

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Les révélations du New York Time sont formelles. Le cercle intime de Donald Trump a été en contact avec des Russes pendant la campagne présidentielle américaine. L'histoire remonte à juin 2016 au moment où Donald Trump était certain d'obtenir l'investiture du Grand Old Party. Le journal américain assure preuve à l'appui que le fils aîné du président, Donald Trump Jr. , son gendre Jared Kushner et son directeur de campagne Paul Manafort, ont accepté en connaissance de cause de rencontrer une avocate russe, Natalia Veselnitskaya, liée au Kremlin. Celle-ci leur promettait alors des informations compromettantes sur Hillary Clinton, elle aussi, certaine d'être investie par le Parti démocrate. Le fils Trump avait été préalablement informé par e-mail que l'avocate russe lui fournirait des documents pour aider à l'élection de son père.

«Si c'est ce que vous dites, j'adore ça, surtout pour plus tard cet été», s'était réjouit le fils aîné du président. Manifestement, il y avait l'intention de nuire à la candidate démocrate, soulevant des questions Outre Atlantique sur la responsabilité pénale du président américain pour collusion et complot avec une puissance étrangère dans le but d'influencer le processus américain. Alors que les Démocrates parlent de trahison du clan présidentiel, les Républicains attendent des preuves juridiquement irréfutables pour se faire une idée.

Problème éthique

D'après Alex Whiting, professeur de droit à Harvard et spécialiste des questions pénales, il est trop tôt à ce stade pour parler de la responsabilité pénale du président:

«Les révélations indiquent une volonté de la part des proches de Trump de recevoir des informations provenant de sources russes, tout en étant conscients que cela faisait partie des plans de Moscou pour affecter de manière négative le scrutin. Pour autant, elles ne constituent pas en soi la preuve d'une collusion».

À ce jour, il n'y pas non plus de preuves matérielles qui relient directement le président à cette réunion. Selon The Atlantic, la qualification de «collusion» ne paraît pas pertinente sur le plan juridique pour engager une procédure d'«impeachment» [destitution] contre le chef d'Etat. Cette mesure constitutionnelle permet au pouvoir législatif de révoquer les hauts fonctionnaires du gouvernement américain pour «trahison, corruption ou autre crimes et délits majeurs». Elle n'a jamais été appliquée avec succès à un président des États-Unis. Andrew Johnson et Bill Clinton qui avaient été mis en accusation par la Chambre des représentants, ont finalement été acquittés par le Sénat. Quant à Richard Nixon, il l'avait anticipé en présentant sa démission pendant l'affaire du Watergate.

Par contre, la question pourrait être envisagée autrement selon les juristes. Il s'agira de déterminer si les informations fournies par les Russes à l'équipe de Trump peuvent être considérées comme un don de campagne. Ces derniers se basent sur la loi électorale américaine qui interdit à tout étranger de contribuer directement ou indirectement à une élection à travers un don ou «tout autre chose de valeur». Si l'entourage de Trump a sollicité de telles contributions ou les ont encouragées, il pourrait faire l'objet d'une procédure pénale, convient Whiting. Toutefois, les révélations actuelles ne permettent pas de trancher clairement. Au-delà de l'aspect juridique, le juriste américain estime pour sa part que l'attitude du clan Trump pose un problème d'éthique et de probité:

«Beaucoup croient que la réunion avec l'avocate russe et l'équipe de campagne de Trump pourrait avoir été orchestrée par les services secrets russes. Mais celle-ci a fait preuve d'imprudence et d'amateurisme en l'acceptant.»

Autres possibilités

Divers agissements de Donald Trump, depuis son investiture à la Maison-Blanche, ont été bénéfiques à la Russie tandis que les relations diplomatiques avec certains alliés historiques des États-Unis ont pris un coup. En mai, il n'avait pas hésité à transmettre des informations classifiées à Moscou, mettant en danger des sources israéliennes et provoquant par la même occasion l'ire de Tel-Aviv. Cette attitude imprudente du commandant en chef risque de faire perdre aux Américains des sources d'information cruciales pour la sécurité extérieure et intérieure des États-Unis.

En outre, le président américain ne cesse de mélanger avec une grande décontraction les affaires de l'État avec ses intérêts privés. En ne retirant pas ses billes de la Trump Organization, il a enfreint une clause constitutionnelle qui interdit aux membres de l’administration fédérale d'être rémunérés par des fonds étrangers. S'il a transféré le contrôle de ses intérêts et la gestion quotidienne de son entreprise à ses héritiers majeurs, il n'en reste pas moins le principal bénéficiaire. Le District de Columbia a du reste entamé le mois dernier des poursuites à son encontre, invoquant la clause d'émolument de la constitution. Selon la presse américaine, certains pays étrangers notamment ceux du Golf manifestent une préférence pour la Trump international Hotel. Reste à voir jusqu'où cette démarche du District de Columbia aboutira à une éventuelle procédure de destitution.

Enquête parlementaire

Théoriquement, les révélations du New York Times augmentent le risque d'une possible mise en accusation pour le magnat de l'immobilier. Mais dans la pratique, Alex Whiting affirme que cela paraît difficile dans la mesure où le consensus est loin d'être établi sur sa culpabilité. Certains juristes envisagent d'autres possibilités d'accusation, notamment celle pour «fraude». Mais là encore, il n'existe aucune preuve formelle que les proches de Donald Trump ont suggéré le piratage des e-mails de sa rivale ainsi que du Comité national démocrate. Et personne n'est à mesure d'établir l'impact réel de l'intrusion russe sur l'élection du candidat républicain. Ce qui commande, poursuit Whiting, de ne pas se précipiter dans des conclusions hâtives. D'autant que l'enquête du département de la justice se poursuit. D'autres en appellent à une vaste enquête parlementaire qui pourrait permettre de rédiger des articles qui seront examinés par la Chambre des représentants et le Sénat. Mais compte tenu de la mainmise républicaine sur le Congrès, la perspective d'une telle procédure ne semble pas immédiate. «Il s'agit d'une action politique qui a lieu au Congrès. Celui-ci est contrôlé par les Républicains. C'est donc une chose qui ne se produira pas en l'absence de preuves concrètes, formelles et irréfutables d'actes répréhensibles», avance formel le juriste. Ce qui veut dire que cette procédure n'est pas pour demain.

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