France

La fête du 14-juillet, une histoire de polémiques

En France, la venue du Président Trump est contestée. Mais chaque célébration de la fête nationale offre son lot de polémiques ou d'évènements contrariants.

Donald Trump et Emmanuel Macron échangent une poignée de main au sommet de l'OTAN à Bruxelles. 25 mai 2017. Benoit Doppagne/ AFP
Donald Trump et Emmanuel Macron échangent une poignée de main au sommet de l'OTAN à Bruxelles. 25 mai 2017. Benoit Doppagne/ AFP

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Instituée en 1880 sous la troisième République pour commémorer à la fois la prise de la Bastille de 1789 et la fête de la Fédération de 1790, la date du 14-juillet est censée sceller l'unité de la Nation. Pourtant sa célébration a bien souvent été émaillée de polémiques, bien avant ce 14-juillet 2017 qui voit le président américain Donald Trump fouler le sol français, alors qu'il «n'est pas le bienvenu en France», selon Jean-Luc Mélenchon. Et qu'un rassemblement anti-Trump de militants du Parti démocrate américain en France est prévu jeudi soir à Paris.

«Je m'étonne que ça suscite autant de débats et de protestations», a réagi Emmanuel Macron. Mais Remi Dalisson, historien spécialiste des politiques commémoratives à l'Université de Rouen, lui, n'est pas étonné. 

«La célébration fait écho au contexte du moment. Elle évolue toujours en fonction des considérations de politique intérieure», explique-t-il.

Selon lui, depuis 1886 avec le plébiscite populaire du général Georges Boulanger sur l'hippodrome de Longchamp [opposé au président Jules Grevy, l'ancien ministre de la guerre voulait engager une nouvelle guerre avec l'Allemagne pour laver l'affront de la défaite de 1970. Cette position de va-t-en guerre le rendit populaire auprès d'une partie des Français faisant craindre à l'exécutif un coup d'État] chaque 14-juillet offre son petit moment de polémiques, certains plus que d'autres.

En 1958 par exemple, en pleine guerre d'Algérie, le général De Gaulle organise un grand défilé sur les Champs-Élysés.

«Pour montrer qu'il veut garder l'Algérie française, rappelle Dalisson, il choisit de mettre en tête du défilé des troupes coloniales. Dans le cortège, des gens arrivent à brandir deux drapeaux algériens devant la tribune présidentielle. Vous imaginez à l'époque. Quel scandale!»

Plus près de nous, en 2014, on se souvient que la présence de l'Algérie dans les rangs des 80 nations invitées à l'occasion du centenaire de la Première guerre mondiale avait fait des vagues à droite et à l'extrême droite. Pour ces derniers, adresser une invitation à Alger, c'était lui donner raison pendant la guerre d'Algérie.

Montrer la grandeur de la France

Les festivités commémoratives sont toujours l'occasion de faire venir des invités de marque pour montrer à l'opinion nationale combien la France est grande et reste une puissance incontournable sur la scène internationale.

«C'est un mythe qui plaît bien aux Français», souligne Remi Dalisson.

Le choix des invités repose sur la diplomatie, le respect des grands équilibres mondiaux et les intérêts du moment. Cette année, le choix du président américain est motivé par le centenaire de l'entrée en guerre des États-Unis au côté de la Triple-Entente France, Grande-Bretagne, Russie en avril 1917. Ce fut le grand tournant de la Première guerre mondiale. Il s'agira de rendre hommage aux soldats américains tombés sur le champ de bataille pour permettre aux alliés de vaincre la Triplice Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie et Turquie.

Mais depuis l'annonce du retrait des États-Unis de l'accord de Paris sur le climat, le président américain, dont la politique de fermeture était déjà mal perçue par une partie de la classe politique française, s'est attiré plusieurs inimitiés dans l'Hexagone. Émmanuel Macron lui avait alors lancé une pique:

«Make our planet great again [Rendons à notre planète sa grandeur]», avait balancé le chef de l'Élysée en référence au slogan de campagne du magnat de l'immobilier : «Make America great again [rendons sa grandeur à l'Amérique].»

Mais après ce petit coup de froid, place à la réalité. «La géopolitique est cynique et ne tient pas compte de l'avis des peuples. Elle n'est guidée que par des intérêts», insiste Dalisson. Lorsqu'en 1999, la France met le Maroc et le roi Hassan II à l'honneur de la célébration de la fête nationale, il s'agit avant toute chose de montrer la solidité des liens avec le royaume chérifien considéré alors, contrairement à l'Algérie, comme un exemple de modernité, de succès économique et de stabilité politique. En outre, le pays incarne mieux la francophonie dans le septentrion africain. Les relations avec Alger étant tendues à cause de l'Histoire. Toutefois, derrière cette stabilité politique vantée se cachait la dictature d'un monarque absolu réprimant à l'intérieur toute voix discordante. «Ça, peut importe. On n'en parle pas», note Dalisson.

Les super-invités 

Cependant les cas les plus emblématiques de ces considérations géopolitiques restent sans doute les invitations adressées aux dictateurs arabes et africains respectivement en 2008 et 2010 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Estimant que le rôle de Damas était incournable dans le conflit libanais de 2008, Sarkozy avait rompu avec la politique de son prédécesseur Jacques Chirac qui avait coupé les ponts avec Bachar el-Assad pour son implication présumée dans l'assassinat du Premier ministre libanais Rafik Hariri en 2005.

Bachar El-Assad (2008), le roi Hassan II  (1999) et les chefs d'État africains des ex colonies françaises (2010). AFP

Alors que la date du 14-juillet 2008 avait été retenue pour célébrer les 60 ans de la déclaration universelle des droits de l'Homme en présence du Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, le tapis rouge déroulé au président syrien avait suscité l'émoi aussi bien de l'opinion nationale française que de la communauté internationale. Auprès de Bachar se trouvait également le Tunisien Ben Ali, balayé quelques mois plus tard par un mouvement populaire. Quant à el-Assad, il s'accroche toujours désespérément à un pouvoir ébranlé par six ans de guerre civile qui a fait plus de 300.000 morts et des millions de déplacés.

La plupart des treize chefs d'États africains invités en 2010 sont encore arc-boutés à leurs trônes au mépris des règles élémentaires de la démocratie, tandis que certains comme le président burkinabè ont purement et simplement été contraints à l'exil.

«On n'a pris prétexte du cinquantième anniversaire des indépendances de ces États pour inviter leurs dirigeants. Mais ce qui est était en jeu, précise Remi Dalisson, c'était surtout de réaffirmer les relations françafricaines.»

Le choix de l'Inde en 2009 n'avait pas non plus laissé indifférents certains observateurs dans la mesure où le pays est peu exemplaire en matière de respect des droits de l'Homme.

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