France

Simone Veil tout juste disparue, voilà déjà les charognards

Soutien à la Manif pour Tous, à Sarkozy, assimilation de l'avortement à une «souffrance»… Il y a des remarques sur Simone Veil dont on se serait bien passé quelques minutes après l'annonce de son décès.

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Mise à jour: Palme des charognards, le groupe anti-avortement Les Survivants a déposé le site simoneveil.com pour dénoncer la trahison de l'esprit de Simone Veil. On ne les remercie pas.

Il aura fallu trois minutes. Trois petites minutes entre le moment où a été annoncé le décès de Simone Veil et et celui où est apparu sur ma timeline Twitter les premiers «gnagnagnas».

Un gnagnagna, c'est quand n'importe quelle information est aussitôt employée de façon totalement abusive et malhonnête à servir un discours, une cause, une doctrine. Vous voyez à quoi ressemble le vol piqué d'un charognard sur un objet ou un corps inanimé et ne pouvant pas se défendre? Et bien c'est ça un gnagnagna.

Pour Simone Veil, les premiers à avoir reniflé l'odeur du sang, ce sont évidemment les opposants à l'IVG qui nous auraient presque déçus s'ils ne s'étaient pas aussiôt emparés de la disparition de celle qui a âprement contribué au droit à l'avortement pour nous gratifier de tweets abjects. Quand Samuel Potier, conseiller régional FN des Pays de la Loire, déjà auteur de cent et quelques signes homophobes, racistes et antisémites, s'empresse d'évoquer «les millions de victimes que sa loi a généré», on ne tombe presque pas de nos chaises.

Simone Veil et La Manif pour tous

 

Mais il y a des récup' moins évidentes et pas moins dégueulasses. Nous les baptiserons pudiquement les «Oui mais quand même». Sur Twitter encore, on retrouve ceux qui se sont empressés de rappeler doctement que «Oui mais quand même, elle était homophobe». Et qui espèrent bien pouvoir égratigner l'image supposément usurpée de sainte qui serait accolée à Simone Veil. Et par la même, donner une petite leçon d'objectivité aux «féministes le cul entre deux chaises».

Oh regardez, une féministe bien emmerdée parce que son icône n'est pas parfaite!

Parce que oui, le 13 janvier 2013, Simone Veil a été aperçue à une manifestation organisée conre le mariage homosexuel qui se déroulait en bas de chez elle.

La photo est dérangeante. Mais pas tellement parce qu'on la voit porter un drapeau Manif pour tous (même si évidemment, ça pique), mais à cause de ce que Liberation décrit:

«Cette silhouette si fragile qui lui ressemblait si peu, là, debout, immobile, entraînée par son mari, le regard dévoré par la maladie.»

Ce jour-là, Simone Veil a 84 ans. Elle est malade. Physiquement et mentalement diminuée. J'ignore comment elle s'est retrouvée là. Ce que je sais, c'est que son état de santé ne lui permettait pas d'être maitresse de ses décisions. Et que ce n'est pas la première fois que la Manif pour tous retient dans ses filets des personnes âgées et déboussolées. En 2014, la comédienne Lucienne Moreau s'éait fait piégée par Frigide Barjot en apparaissant à ses côtés alors «qu'elle n'avait pas compris de quoi il s'agissait».

Simone Veil a-t-elle pris publiquement posiition contre la mariage homosexuel et l'adoption pour les couples de même sexe? Non, mais peu importe. RTL.fr décrira quand même «ses réserves sur le mariage pour tous» comme «l'un de ses derniers combats politiques» en citant son entourage (quel entourage? Et l'entourage fait donc foi de l'engagement d'une personne?).

Oui, on peut être féministe et de droite

 

C'est rigolo (façon de parler) de constater que l'âge est variablement brandi pour justifier un comportement. Un vieux mec dit n'importe quoi? On commentera par un définitif et magnanime «la vieillesse est un naufrage» qui l'exonerera évidemment, en liant lucidité et âge, de ses responsabilités. Louis Nicollin, décédé la veille de la disparition de Veil se verra qualifé de «truculent» alors que ses propos laissaient peu de doutes quant à son homophobie. Simone Veil n'a visiblement pas droit aux mêmes précautions de langage.

Ensuite, que dire à ceux qui s'indignent: «Mais Simone Veil a soutenu Sarkozyyyyyyyyy».

He ho la gauche! Simone Veil a toujours été de droite. Elle était UDF, puis UDI. A été ministre de la santé sous Giscard, numéro 2 du gouvernement Balladur. Vous avez vraiment cru qu'elle était troskiste pendant toute sa carrière politique? Que le féminisme est l'apanage de la gauche?

Critiques anachroniques

 

Enfin, les gnagnagna se sont aussi empressés de critiquer vertement son discours historique pour le droit à l'avortement à l'assemblée nationale. C'est qu'elle décrivait l'IVG comme «une souffrance, une détresse».

Les gars, on était en 1974. Moi, j'étais pas née. On est qui pour dire à cette femme comment elle aurait du parler de l'IVG en 1974, face à une assemblée presque entièrement masculine.

1974.

C'est presque la préhistoire sur les questions d'égalité homme-femme. Hier soir, j'étais au merveilleux Out d'or, le gala organisé par l'association des journalistes lesbiennes, gays, bi-e-s trans qui récompensait la visibilité LGBT. À un moment de la soirée, ils ont diffusé des séquences d'archives sur la façon dont l'homosexualité était décrite par les médias dans les années 1970-80: on parlait d'homosexualité (notamment féminine) comme d'un abomination, d'une maladie. C'est la période au cours de laquelle Simone Veil a défendu le droit des femmes à disposer de leur corps. On aurait fait mieux qu'elle à l'époque, du haut de notre année 2017, où tant de choses ont heureusement changé? On aurait été plus «badass»?

Oui, les icones doivent être questionnées. Et non, Simone Veil n'était pas une sainte. De toutes façon, c'est nul les saints. Fichons-lui la paix et que les vautours aillent survoler et saliver au-dessus d'autre êtres imparfaits et problématiques. C'est pas ça qui manque en ce moment.

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