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La France n’est pas un pays scandinave (Surprise!)

On ricane à la chute de Bayrou mais on ne peut ni faire l’analyse et la critique ni établir un projet alternatif. La crise démocratique est ainsi vouée, tel un vinyle rayé à se répéter indéfiniment sans que la partition change.

Thomas SAMSON / AFP
Thomas SAMSON / AFP

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Voici quelques années, beaucoup de femmes et d’hommes politiques considéraient que l’avenir était à un système démocratique à la scandinave, épousant ses canons en matière de transparence. C’était à la mode, on dissertait sur cette perspective. Popularisé par la série télévisée Borgen (nos élus regardent plus les séries télés, de Candice Renoir à Borgen, qu’ils ne lisent Machiavel), le système politique scandinave correspond à une configuration sociale propre à chacun des pays composant… la Scandinavie. Il n’a jamais été dit que les configurations sociales de nos pays étaient en phase avec ce modèle. Ces sympathiques péroraisons omettaient un fait incontestable: la France n’est pas un pays scandinave (suprise!).

Le rêve scandinave pour l'UE

Il est vrai que, depuis 2008, à divers degré, nombre de pays de l’Union européenne (UE) ont été touché par une crise démocratique d’une intensité rare. Mouvements des place (Espagne, Grèce notamment), dénonciation et rejet massif de la corruption (Espagne, Italie, Portugal), émergence de mouvements radicalement étrangers aux anciens systèmes partisans (Podemos en Espagne, nombre de phénomènes attestent d’une contestation des régimes politiques en place, qu’ils soient nationaux ou qu’il s’agit de celui de l’Union européenne.

Le régime politique de l’Union européenne a d'ailleurs envisagé au début des années 2000 sa constitutionnalisation. Il a alors intégré à la culture politique de ses institutions le travail des parlementaires européens scandinaves, en faveur de l’adoption de leur critères relatifs à la transparence. Le rapport Cashman, du nom du parlementaire européen en charge du sujet, contribue alors à enrichir la culture politique de l’UE de standards valorisés par l’action de nombre de contributeurs scandinaves.

Le très fédéraliste MODEM a probablement plus agi en fonction des standards longtemps admis par la Ve République qu’en fonction des standards adoptés au début des années 2000 par les institutions européennes…

Ces critères formellement adoptés mettent du temps à imprégner le fonctionnement des innombrables partis nationaux représenté à Bruxelles et Strasbourg. Le très fédéraliste MODEM a probablement plus agi en fonction des standards longtemps admis par la Ve République qu’en fonction des standards adoptés au début des années 2000 par les institutions européennes…

On mettra en comparaison la rémunération de la secrétaire du Président du MODEM François Bayrou par l’enveloppe parlementaire de l’élue MODEM au Parlement européen Marielle de Sarnez avec, au choix, l’affaire du Rainbow Warrior, l’affaire Boulin ou encore l’affaire Ben Barka. Fondamentalement, là n’est pas le sujet. Contrevenant manifestement à des critères adoptés assez tardivement par l’UE et d’abord par le Parlement européen, François Bayrou ne se doutait certainement pas que ce qu’il considérait comme une forme de routine organisationnelle serait potentiellement considérée comme délictueuse.

«Subversisme»

Entretemps un événement survint qui ébranla non seulement l’économie mondiale mais nombre de certitudes communément admises. La crise de 2008 fit un sort à l’idée d’une Europe assurant inéluctablement le progrès et le bien-être aux populations de ses pays membres. La montée en puissance de la BCE ou, par exemple, de la direction de la concurrence de la Commission de Bruxelles, confirmèrent des traient autoritaires dans la prise de décision politique.

Enfin, un phénomène déjà connu dans la vie de nos sociétés (re)fit son apparition dans plusieurs pays de l’UE, dont la France. À la faveur d’affaires touchant des responsables politiques, on vit réapparaitre le «subversivisme».

L’affaire Cahuzac malmenant alors le pouvoir exercé par le Parti Socialiste, Razmig Keucheyan et Pierre Rimbert pointèrent dans Le Monde Diplomatique avec autant d’astuce que de raison l’ombre de ce subversivisme sans lequel l’analyse de notre vite politique serait incomplète. Le terme nous vient d’Antonio Gramsci. Citons la définition qu’ils donnent de ce phénomène très actuel: le subsversivisme se caractérise par «les formes de rébellion privées et inorganisées. Celles qui reposent sur un fort ressentiment à l’égard de l’Etat, déplorent ou moquent le spectacle donné par les puissants, mais intériorisent en même temps la position de subalternité.»

On ricane à la chute de Bayrou mais on ne peut ni faire l’analyse et la critique ni, de facto, établir une stratégie contre-hégémonique et un projet alternatif. La crise démocratique est ainsi vouée, tel un vinyle rayé à se répéter indéfiniment sans que la partition change.

Le subversivisme ne serait rien s’il ne rencontrait en guise d’explication ou d’alibi pour les responsables politiques connaissant ainsi une brutale et cruelle chute les ressorts aussi commodes que néfastes du «complotisme» ou du «conspirationnisme». Ces phénomènes analysés en de trop rares occasions (on conseillera pour les comprendre le documentaire réalisé sur Spicee par Thomas Huchon) correspondent aux moments de crises. Morbides, ils délivrent un prêt à penser d’autant plus diffusable que la situation est complexe. Surtout, l’impuissance politique à changer la situation matérielle de la population, l’indifférenciation des politiques menées, et le flou idéologique croissant propre à toute crise sécrète ce type de phénomène. Il est cependant dès lors commode pour un homme politique en difficulté d’invoquer «complots» ou «conspirations» pour expliquer ce qui lui arrive.

Si les faits étaient avérés, le MODEM aurait probablement tout simplement agi comme un parti politique français des années 1990 dans les années 2000 ou 2O10. Plus qu’un crime, ce serait alors une faute…

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