France

Un bac philo moraliste

Comme chaque année, la philosophie, première épreuve du baccalauréat, a enflammé la twittosphère. Au-delà des sujets, c’est surtout leur brûlante actualité qui a déchainé les commentaires.

Élèves de Terminale passant l’épreuve de philosophie du baccalauréat le 17 juin 2015 à Paris | MARTIN BUREAU/AFP
Élèves de Terminale passant l’épreuve de philosophie du baccalauréat le 17 juin 2015 à Paris | MARTIN BUREAU/AFP

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Contenu partenaire - L’année 2017, échéance présidentielle et législative marquée par des affaires judiciaires, ne pouvait pas ne pas déteindre sur les sujets de philosophie du baccalauréat. Sans surprise, la dissertation proposée aux séries L «Tout ce que j’ai le droit de faire est-il juste?» a ouvert les vannes sur Twitter à un vaste débat, le même qui occupe actuellement l’Élysée: la moralisation de la vie politique.

Quand on parle de morale, la twittosphère convoque rapidement François Fillon. Sa détermination bornée après sa mise en examen a poursuivre sa campagne présidentielle a donné lieu à une nouvelle vague de moqueries. Cette fois-ci, il était question de son éventuel médiocre résultat s’il avait été candidat bachelier cette année.

Il n'a pas été le seul dans le collimateur des twittos. François Bayrou, l’autre François embourbé dans des histoires d’attachés parlementaires, a lui aussi eu droit aux quolibets. Comme le note le Huffington Post, «il y avait un peu de Fillon et de Bayrou dans les sujets du bac philo». La question posée évoquant les notions corollaires de droit et de justice aurait même fait réfléchir certains hommes politiques comme l’imagine le montage photo de ce tweet. Les twittos n’oublient pas non plus que la liste des élus dont les qualités morales ont été mises en cause est bien plus longue que le duo des François.

Parente éloignée de la corruption car elle s’ancre dans les recoins sombre de la légalité, l’immoralité en politique sape depuis de nombreuses années la confiance entre électeurs et représentants, minant les bases même de la démocratie. Pas étonnant donc qu’elle apparaisse d'une façon ou d'une autre dans un sujet philosophique cette année. Le président fraichement élu n'a-t-il pas fait de la moralisation de la vie publique une promesse de campagne. Éspérons juste que cette moralisation ne se transforme pas en poudre de perlimpinpin, une référence macroniste décidément à la mode, même chez les bacheliers!

Passe ton bac d'abord...

Si les bacheliers se sont défoulés sur Twitter, au moins autant que les journalistes sur le sujet droit et justice, ils ont aussi souligné l’immense interrogation qui plane sur ce diplôme obtenu par près de 90% d’une classe d’âge. Que faire une fois le diplôme décroché? Si la sempiternelle question concernant l’utilité des savoirs enseignés au lycée a refait surface («bientôt quinze ans que j’ai passé le bac toujours pas utilisé la philo et la fonction affine»), c’est surtout le futur qui taraude les jeunes twittos. Certains auront peut-être le diplôme «mais pas d’avenir» pour autant. D'autres, relativisent la difficulté des épreuves en regard «des études supérieures et de la recherche d’emploi#cestlamerde» ou mettent en doute l’utilité du bac pour l’insertion professionnelle.

On ne peut pas nier l’augmentation simultanée des lycéens reçus au baccalauréat et du chômage des jeunes. Même si de nombreuses études pointent la difficulté encore accrue de trouver un emploi pour les jeunes non diplômés, les néo-bacheliers ont conscience que leur avenir professionnel n’est aucunement assuré. La possibilité pour les universités de tirer au sort leurs futurs élèves, compte tenu du volume de demandes impossibles à satisfaire, démontre aussi que la démocratisation massive du bac, théorisée par certains  comme une «pathologie de l’égalité», a un revers.

Sélection des étudiants par le niveau ou tirage au sort, telle était la question jusqu’à la toute récente décision de la ministre de l’éducation supérieure d’abandonner la «loterie scolaire». Dans ce contexte, comment en vouloir à ceux qui se demandent si «le bac est aussi utile qu’un million de followers». Le mirage d’une célébrité acquise sur le net, la valorisation extrême de l’égo au détriment de l’ouverture aux autres ont d’ailleurs même été utilisés par l’Éducation nationale lors d’un concours de selfies... pour inciter les élèves à réviser!.

Le rire et la raison

«Le rire étant le propre de l’homme» selon l’auteur de Pantagruel et Gargantua, François Rabelais, la twittosphère n’a pas oublié de prendre du recul sur cette grand-messe éducative qu’on nomme le bac. Hormis les gifs qui mettent en scène les élèves découvrant atterrés les sujets de philo ou les professeurs tout aussi déconfits corrigeant les copies, il existe une légende urbaine qui bénéficie aujourd’hui du porte-voix des réseaux sociaux. La fameuse copie qui aurait répondu «C’est ça!» à la question «qu’est ce que l’audace ?». Véritable hoax qui infuse depuis des décennies, cette histoire a été détournée maintes fois sur Twitter, au point qu’elle s’intègre dans la copie fantasmée d’Emmanuel Macron ou d’un futur militant du PS.

Si on ajoute à ces pastiches, les perles involontaires comme la confusion entre Foucault le philosophe et Foucault le présentateur télé («Jean-Pierre je préférais quand tu faisais Qui veut gagner des millions» ) ou les initiatives décalées pour aborder la philosophie comme Rap Philo, on s’aperçoit que la légèreté n’est pas l’ennemi de la raison. Quant à la beauté, autre sujet proposé aux lycéens, est-elle nécessairement un pilier de l’art, le buste du célèbre footballeur Ronaldo suffit amplement à clore le débat.

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