Il y a quelques mois, Glamour recensait «cinq avantages à être une femme de la génération Y». Elles réinventent leur carrière, sont plus féministes, ont des modèles de beauté plus divers, parlent plus librement de sexe et peuvent se permettre des excentricités vestimentaires toujours plus folles. Sauf qu’un rapport du Population Reference Bureau aux États-Unis montre qu’elles sont aussi plus pauvres, plus souvent au chômage et plus souvent incarcérées que leurs aînées de la génération X.
Le rapport ne cherche pas à minimiser les avancées vers plus d’égalité entre les hommes et les femmes: dans les domaines de l’éducation, en matière d’écart de salaire, d’entreprenariat, de féminicide ou encore de représentation politique. Le fait est que le déclin des facteurs énoncés plus haut, ainsi que la hausse des suicides chez les femmes et de la mortalité maternelle, compensent ces avancées.
Résultat, la condition des femmes est moins bonne que celle de la génération précédente. Glamour n’a peut-être pas tort sur certains points (quoiqu’à la liberté de s’habiller avec plus d’excentricité, on aurait envie d’opposer les statistiques sur le harcèlement de rue): les millenials sont sûrement plus féministes car elles ont de bonnes raisons de l’être.
Avancées des droits: de la course au déambulateur
Avec les avancées majeures en matière d’égalité (notamment d’accès au soin et de contraception), l’étude a observé un net ralentissement des écarts entre générations: le bien-être des baby-boomeuses avait progressé de 66% par rapport à celle de leurs mères. Mais le bien-être de leurs filles, la génération X, n’a progressé que de 2%. Pour la première fois avec les millenials, le pourcentage d’évolution par rapport à la génération précédente est négatif.
Dans une vidéo publiée par le Population Reference Bureau, Mark Mather, vice-président du programme, explique qu’on étudie souvent le bien-être des femmes par rapport à celui des hommes, mais assez peu celui d’une génération de femmes par rapport celle qui l’a précédée. On a ainsi l’impression que le bien-être des femmes augmente, par rapport à celui des hommes, et c’est une impression qui se confirme. Mais on sous-estime le fait que les avancées ralentissent et que des «barrières structurelles et sociales» persistent.
Barrières structurelles
Petit exemple à l’appui: l’étude montre que l’écart de salaire entre les hommes et les femmes se réduit. Mais il faut toujours que celles-ci aient au moins deux niveaux de diplôme de plus pour arriver à un salaire égal à celui d’un homme qui occuperait le même poste. D’où la nécessité de «réinventer sa carrière» quand on est une femme.
Dans d’autres domaines comme celui de la santé, la situation est alarmante: non seulement les barrière structurelles persistent, mais elles sont aussi renforcées par des politiques publiques désastreuses en matière de contraception, d’avortement et de protection sociale. La faute à qui? À Donald Trump, explique le Huff Post.
Intersectionnalité
Autre statistique alarmante: ces politiques publiques pénalisent encore plus les jeunes femmes issues de minorités, notamment Noires quand on parle de mortalité maternelle. Le Huff Post souligne toutefois que l’étude comporte «des incertitudes», du fait de l’absence de «statistiques démographiques sur les populations LGBTQ et afro-américaines pour les générations précédentes».
L’intuition qui se dégage tout de même de cet embryon de recherche va dans le sens du féminisme intersectionnel, précurseur en matière de comparaison des inégalités entre différentes populations de femmes. Il ne suffit pas de comparer les femmes aux hommes. Comparer les femmes entre elles révèlent qu’avoir «des modèles de beauté plus divers» n’est qu’un petit pas dans la lutte contre les discriminations.