Culture

Pourquoi les rappeurs tiennent-ils leur pistolet de côté?

Parce que ça fait Hollywood.

Temps de lecture: 2 minutes

Alors que la police poursuivait Raymond «Toujours Prêt» Martinez à travers Time Square jeudi dernier, ce délinquant et aspirant rappeur tira par deux fois, pistolet de travers, «comme dans les clips de rap». Le New York Post indique que c'est cette position qui a enrayé l'arme, laissant ainsi à la police le temps de tirer sur le suspect, et de le tuer. Mais quel est l'intérêt de tenir un pistolet de côté?

Parce que ça fait Hollywood, tout simplement. Journalistes et experts en armes à feu s'accordent pour dire que c'est le film des frères Hughes sorti en 1993, «Menace II Society», où l'on voit un personnage tenir son pistolet de côté, qui aurait rendu cet usage populaire. Et bien que les réalisateurs affirment avoir été témoins d'un vol à main armé en 1987 à Detroit où le braqueur tenait son arme de côté, rares étaient les gangs qui utilisaient cette technique avant la sortie du film. Cela dit, les frères Hughes n'ont rien inventé; Marlon Brando tenait déjà son pistolet de travers dans « La vengeance aux deux visages », sorti en 1961, pareil pour Eli Wallach en 1966 dans «Le Bon, la Brute et le Truand». On peut penser que si les réalisateurs favorisent cette prise en main, c'est pour avoir à la fois l'arme et le visage de l'acteur dans un plan serré.

Le pouvoir de gravité

Cependant, contrairement à ce qu'affirme le New York Post, il est peu probable que l'orientation horizontale de l'arme de Martinez soit ce qui a causé le «stovepipe» — lorsqu'un étui mal ejecté bloque le mécanisme. En théorie, tenir son pistolet de travers — c'est-à-dire le tourner à 90° dans le sens inverse des aiguilles d'une montre si l'on est droitier — empêche la gravité de faire son travail et d'éjecter correctement l'étui d'une balle.

Mais en pratique, le pouvoir de la gravité est si faible comparé à la force de l'éjection que l'enrayage n'arrive pas plus fréquemment si l'on tient son arme de côté plutôt que de façon classique. Si le pistolet de Martinez s'est enrayé, c'est sûrement à cause de l'arme elle-même ou bien des munitions. Le MAC-10 est sujet au stovepiping, un défaut exacerbé par l'utilisation soit de balles à pointe creuse qui peuvent se déformer et racler l'intérieur du canon, soit de munitions trop faibles qui ralentiront la glissière et donc le rythme.

Mise en danger de la vie d'autrui

Et même si le style «de travers» n'augmente pas les risques de stovepiping, c'est la pire manière de s'y prendre pour viser. Il est extrêmement difficile de se servir correctement de la visée montée sur une arme à feu tenue de côté. Mais dans la rue, les criminels n'en ont visiblement pas grand chose à faire puisque selon une enquête du FBI, 60% d'entre eux n'utilisent même pas la visée. On  sait pourtant depuis longtemps que tenir son arme de côté est le meilleur moyen pour des tirs hasardeux et risqués. Dans le roman de George Washington Cable, «John March, Southerner», publié en 1894, le héros s'exclame «Aucun homme ne se présentera ici en tenant son pistolet de côté, mettant ainsi en danger la vie de simples passants!»

Mais durant la première moitié du 20e siècle, les soldats utilisaient l'orientation horizontale dans le but justement de mettre en danger la vie de simples passants. Certains pistolets automatiques de l'époque, comme le Mauser C96 ou le graisseur, étaient si rapides ou causaient un recul si important que les soldats étaient incapables de viser après le premier coup. Alors ils commencèrent à incliner leurs armes pour que le recul se fasse horizontalement, pour pouvoir tirer en rafale sur des bataillons ennemis au lieu de tirer au-dessus de leurs têtes.

Aujourd'hui, les policiers utilisent la technique «de travers» seulement quand elles tiennent des boucliers qui limitent leur champ de vision; en retournant l'arme ils voient mieux la visée.

Brian Palmer

Traduit par Nora Bouazzouni

Image de une: CC Flickr Hoggheff aka Hank Ashby aka Mr. Freshtags

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