France / Parents & enfants

La France des Christophe va-t-elle gagner les législatives?

Entre la République en marche et les Républicains, une différence d'âge, mais aussi de prénoms.

Le secrétaire d'État aux Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement Christophe Castaner, le 18 mai à Paris. PHILIPPE LOPEZ / AFP.
Le secrétaire d'État aux Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement Christophe Castaner, le 18 mai à Paris. PHILIPPE LOPEZ / AFP.

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À la fin du XIXe siècle, on parlait de la «République des Jules», celle de ces députés et ministres barbus (Grévy, Ferry, Simon...) qui consolidèrent le régime républicain en France, et notamment une de ses institutions essentielles, l'école publique. Parlera-t-on un jour de la République des Philippe ou des Christophe?

Cette semaine, le ministère de l'Intérieur a publié la liste des 7.881 candidats aux élections législatives, chacun accompagnés d'un suppléant. On y compte 129 Philippe, 103 Michel, 93 Éric, 88 Christophe, 83 Pierre... Si l'on tient compte des suppléants, Alain remplace Christophe dans le top 5, comme si Alain était davantage un prénom de suppléant et Christophe un prénom de titulaire. Individualisation croissante du prénom oblige, on remarque aussi que près de mille candidats portent un prénom qui n'apparaît qu'une fois dans la liste.

En 2012, le prénom le plus fréquent chez les candidats aux législatives était déjà Philippe. Il le reste encore pour la plupart des partis cette année: c'est le cas pour la France insoumise, pour le FN (ex aequeo avec Nathalie), pour Les Républicains, pour le PS ou encore pour l'UDI. Trois partis font exception: DLF a investi huit Éric, le PCF douze Michel et, chez la République en marche, c'est Christophe qui arrive devant d'une courte tête –Christophe comme Christophe Castaner par exemple, député des Alpes-de-Haute-Provence venu du PS, aujourd'hui secrétaire d'État aux Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement.

Ces histoires de prénoms sont tout sauf anecdotiques, puisque le prénom constitue notamment le marqueur d'une époque et d'une classe sociale. Ce fichier des prénoms des députés potentiels montre ainsi le léger glissement démographique (les Christophe ont en moyenne 46 ans environ, contre 55 pour les Philippe) qui pourrait résulter de l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle majorité: les candidats LREM ont en moyenne quatre ans de moins que les candidats LR et trois ans de moins que les candidats PS. Le graphique suivant, extrait du livre Sociologie des prénoms, du sociologue Baptiste Coulmont, montre bien comment, après les Michel (qui subsistent encore, on l'a vu, parmi les candidats communistes, plus âgés que la moyenne), la France a connu un pic des Philippe, puis un pic des Christophe.

L'évolution de la popularité des prénoms André, Michel, Philippe, Christophe et Kevin entre 1900 et 2015. Source: Baptiste Coulmont, auteur de Sociologie des prénoms (La Découverte, 2014).

Et en attendant, un jour, un hémicycle rempli de Kévin? Ils sont neuf à être candidats cette année: quatre sous l'étiquette divers, deux sous l'étiquette France insoumise, deux régionalistes et enfin un sous l'étiquette FN, Kévin Pfeffer, 26 ans. Ce dernier se présente dans la septième circonscription de Moselle, où Marine Le Pen est arrivée en tête le 7 mai, et dispose donc de chances sérieuses de devenir, le 18 juin, le premier Kévin député de notre histoire.

On remarquera aussi qu'il faut attendre la sixième place pour voir apparaître un prénom féminin, celui d'Isabelle (78 occurrences), symptôme d'élections législatives encore très loin d'être paritaires en nombre de candidates (42%), sans même parler du nombre d'élues à venir. Là encore, la République en marche se distingue, puisque les prénoms féminins les plus courants y sont Valérie et Stéphanie (six occurrences chacun). Deux prénoms qui ont atteint leur popularité maximale cinq à dix ans après Isabelle, entre 1969 et 1974: 6% des petites filles nées sous le quinquennat de Georges Pompidou portent un de ces deux prénoms.

Ces élections législatives ne marquent donc pas seulement une lutte, entre autres, entre LREM et LR, mais aussi entre la République des Christophe et des Stéphanie, et celle des Philippe et des Isabelle. En attendant que, par un jeu cylique, le défilement des législatures nous ramène d'ici 2065 aux débuts de la IIIe République puisque, en 2015, le deuxième prénom le plus donné aux nouveaux-nés était... Jules.

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