France

Homophobie chez Hanouna: l’argent plus fort que le CSA

À la suite de la polémique liée à une séquence homophobe, de nombreux annonceurs demandent à ne pas être diffusés pendant le créneau de «Touche pas à mon poste».

Temps de lecture: 4 minutes

Mise à jour: Cyril Hanouna a écrit une lettre d'excuses ce mardi 23 mai, publiée par Libération: «Ce sketch n'avait pas lieu d'être». Un peu plus tôt, le CSA avait ouvert une procédure de sanction à l'encontre de C8, la chaîne qui diffuse «Touche pas à mon poste».

Vendredi soir, et comme à chaque fois qu’il est épinglé pour une séquence indigne, Cyril Hanouna a organisé un «Hanounathon». Moment surréaliste au cours duquel chroniqueurs et invités adoptent des mines affligées pour défendre leur «baba» et s’indigner d’un supposé «acharnement médiatique». Au bout de dix minutes, ma mâchoire s’était déjà totalement désolidarisée de mon visage… Et puis, Hanouna s’en est pris au CSA:

«Ils veulent faire parler d’eux et ça c’est nul. Vraiment, je vous l’dis, j’ai rien contre le CSA, mais là c’est nul, sur le dos d’une cause d’essayer de faire parler d’eux, ça c’est nul.»

On est chez les dingues.

Mais ces propos permettent d’éclairer encore un peu plus la psyché d’Hanouna. Pour lui, tout acte, propos, prise de position, n’aurait qu’un seul but: «faire parler de soi». Il est à ce point dans la représentation qu’il ne peut pas imaginer qu’on puisse évoluer en dehors de l’œil des caméras, et sans être en quête de buzz. Pour lui, il est tout à fait cohérent qu’une institution publique telle que le CSA puisse vouloir faire son beurre sur le dos d’une cause. En fait, Hanouna reproche au Conseil supérieur de l'audiovisuel ce dont lui-même se rend coupable en scénarisant sa grande générosité quand il offre deux canapés, et une table basse à l’association le Refuge, qu’il «aime fort».

Le CSA dos au mur

 

C’est d’autant plus crétin, que le CSA ne s’est pas particulièrement illustré par sa véhémence à propos du canular homophobe de la veille. Tout juste a-t-il recueilli les très nombreux signalements et a-t-il invité les internautes qui l’invectivaient sur Twitter à se rendre sur leur plateforme de signalement. Ce qui était bien le minimum.


Bref, le CSA ne s’est pas montré particulièrement en pointe dans la protestation. Et cette timidité met en lumière le flou qui illustre ses missions. Comme le rappelle Julien Bellver sur Ozap, le Conseil est «paralysé».

«Il a déjà utilisé tous les avertissements à sa disposition à l'encontre de “Touche pas à mon poste”: la mise en garde, la mise en demeure. La prochaine étape est la sanction. Demain, après demain? Dans plusieurs mois sans doute. Car depuis 2013, le CSA ne peut pas instruire et juger. C'est un rapporteur indépendant, s'il est saisi, qui en a le pouvoir. Ce rapporteur n'a toujours pas rendu son rapport sur une autre séquence de “TPMP”, celle où Matthieu Delormeau est piégé par une caméra cachée morbide. C'était en novembre dernier... Ou quand la lenteur administrative s'entrechoque avec l'urgence médiatique.»

Christine Kelly, ancienne membre du CSA, évoque de façon très vagues «les sanctions» dont pourraient écoper l’émission, et la chaîne… mais pas l’animateur.  Lesquelles pourraient être financières.

Mais quand? Comment? Et à quelle hauteur? On n’en saura rien.

Indignez-vous

 

Pourtant, il existe bien un levier financier qui a été activé avec une grande célérité, non pas par le CSA, mais par des citoyens. Sur Twitter, des internautes ont listé les annonceurs dont les publicités ponctuent «TPMP» et les ont interpellés. Et ça a marché. Chanel, Bosch, Petit Navire, Flunch et bien d’autres ont décidé de ne plus être annonceurs ou sponsors de l’émission de Cyril Hanouna.

Bien sûr, ne soyons pas naïfs. Il est aisé d’imaginé que ces marques ont pris une telle décision davantage parce qu’elles redoutent que leur image ne pâtisse de cet épisode que par solidarité envers les victimes d’homophobie. Ou alors, je vois le mal partout, mais depuis jeudi, et la lecture des «je suis Hanouna» proférés par les fanzouze, ma foi en l’humanité s’est encore un peu plus érodée.

Reste que cette désertion des annonceurs est riche d’enseignement.

D’abord, elle montre à tous ceux qui ricanent des «professionnels de l’indignation» et des «militants de canapé» que ça peut payer de râler et d’exprimer sa colère. On se sent peut-être un peu con quand on interpelle une marque de salade de thon sur Twitter, mais hey! ÇA MARCHE.

Ensuite, le tour qu’est en train de prendre cette affaire illustre aussi le fait que «taper au porte-monnaie» quand le chemin officiel prend des plombes est d’une grande efficacité. En particulier, quand ça concerne Cyril Hanouna. Cet homme ne semble vivre que pour la représentation, la surexposition, le «buzz». Donc, in fine, pour le fric. Si tous ceux qui ont eu envie de vomir quand ils ont regardé C8 jeudi soir espéraient pouvoir agir: il sont exaucés.

Retour de bâton?

 

Il y a d’ailleurs un précédent en la matière. Quand l’arrivée de Morandini sur Itélé a suscité l’ire des salariés, les patrons de la chaine d’info n’en ont eu cure. Mais  des annonceurs ont là aussi boycotté l’émission et retiré leurs publicité sous la pression des internautes. Ballot pour la chaîne qui espérait doper l’audience et la vente d’espaces publicitaires en collant l'animateur sur un de leurs plateaux. D'autres font régulièrement pression sur Twitter sur les marques qui annoncent sur Breitbart, le site de l'alt-right.


Ce qu’on peut redouter, en revanche, c’est que cela pousse encore un peu plus Hanouna à se poser en victime d’un grand complot et à enrôler ses chroniqueurs et fanzouzes dans son chœur de pleureuses. Auquel s’ajoute désormais le directeur général de C8, qui accuse ceux qui se sont indignés de vouloir nuire à Hanouna en l’accusant injustement d’homophobie. Il s’est engagé à diffuser sur les antennes du groupe un message pour lutter contre l’homophobie. Avis aux annonceurs: continuez à faire de place sur les antennes de C8 pour qu’ils arrêtent (enfin) de se foutre de nos gueules.

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