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Ma compagne, mère de mon enfant, est partie de la maison il y a tout juste un an. Nous avions eu des disputes et situations difficiles auparavant. Mais je l’aimais et je l’aime encore.
J’étais déjà en situation de garde alternée avec mon petit issu d’une ancienne relation quand nous nous sommes rencontrés. Puis nous nous sommes installés ensemble au bout de six mois et avons fait un enfant.
Ma compagne avait dû gérer, très jeune, car nous avons près de 20 ans d’écart, un quotidien avec deux enfants et des travaux de maison. Nous n’avions pas eu de périodes à deux et donc finalement peu de vie d’amoureux. Nous sommes rentrés très rapidement dans le dur de la vie de famille.
Après la rupture et quelques mois (et je pense quasiment de suite), ma compagne a refait sa vie avec un collègue de travail qui lui-même a quinze ans de plus et déjà deux enfants. Je n’arrive pas à oublier car nous travaillons au même endroit et que nous sommes en garde alternée. La fuite est impossible. Comment faire?
Je souffre beaucoup de la voir, de les voir. Le milieu professionnel est en plus très difficile. Les gens se croient toujours obligés de me faire des remarques. En plus de devoir gérer la garde de deux petits en alternance, je dois gérer la douleur de la voir dans les bras d’un autre et passer des moments de bonheur que nous n’avons pas pu avoir car personne alors ne nous gardaient les petits.
Aujourd’hui le système de garde fait qu’elle peut vivre pleinement son histoire. Moi, je n’arrive pas à faire le deuil…
Christofer
Cher Christofer,
Oui, c’est dur d’admettre que parfois, certaines histoires ne fonctionnent pas pour des raisons qui dépassent les sentiments. Pour des kilomètres, des euros, des horaires et tout un tas de choses triviales qui ne devraient pas entrer en ligne de compte. Et pourtant…
Pour avoir connu cette vie de couple qui n’a jamais eu de lune de miel avant «d’entrer dans le vif du sujet», j’ai beaucoup d’empathie pour vous deux. Ces mois à la maison à gérer le quotidien, je sais comme ils peuvent être aliénants et comme on peut se sentir seule pendant les longues heures de la journée. Seule à en perdre la tête, parfois. Si aucun mode de garde n’a pu être trouvé (et j’ai été dans cette situation aussi), alors il ne faut pas minimiser à quel point cette situation non choisie a pu être dure pour elle. Et oui, quand on vit l’enfermement et les responsabilités comme une contrainte, il arrive un moment où on ne pense plus qu’à sa survie. Moins à l’autre et puis plus à l’autre.
Cela n’a rien à voir avec vous personnellement mais avec la vie qu’elle avait et qui ne lui convenait pas. Si vous l’aimez encore, acceptez qu’elle soit partie pour survivre. Ce n’est ni de sa faute, ni de la vôtre. Blâmez le système qui oblige des femmes qui ne l’ont pas choisi à rester à la maison, blâmez la société qui ne généralise pas le congé parental partagé, blâmez tout ce qui, au quotidien, pèse sur les épaules des femmes à partir du moment où elles décident de fonder une famille. Vous êtes la victime d’un système qui épuise les femmes jusqu’à ce qu’elles n’en puissent plus, jusqu’à ce qu’elles doivent s’enfuir pour leur survie ou qu’elles s’éteignent à petit feu.
Prenez conscience de ça, transformez votre souffrance en colère et utilisez cette colère et cette indignation pour devenir un meilleur père pour vos enfants et un meilleur compagnon à l’avenir. Que cette épreuve aujourd’hui, vous apporte de l’empathie et de la compréhension plutôt que de l’aigreur et de l’agressivité. Cette triste situation vous donne le pouvoir de devenir une meilleure personne. Et c’est ainsi que, entre convaincus que quelque chose ne va pas, nous changerons petit à petit la société.
Voyez les choses plus grand, Christofer. Ce n’est pas la fuite que je vous conseille, mais bien de relever la tête. De dire à cette femme que vous aimez et qui ne vous aime plus «je te comprends». Cette histoire ne s’est pas écrite comme vous l’espériez mais un enfant attend aujourd’hui que ses deux parents se respectent. C’est en tirant des leçons de cet échec et en les appliquant au quotidien, que vous rendrez l’enfant, né de cet amour, fier de son père.