France

Puisque Macron y a renoncé, je me nomme moi-même ministre de l'Égalité femme/homme

Contrairement aux promesses faites pendant la campagne, l'égalité femme/homme doit se contenter d'un secrétariat d'État. Une déception qui appelle à la mobilisation de tous.

La secrétaire d'État Marlène Schiappa, le 18 mai I STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
La secrétaire d'État Marlène Schiappa, le 18 mai I STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

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Je connais quelqu’un au gouvernement! Oui, j’ai déjà pris un café avec Marlène Schiappa, notre ministre à l’Égalité hommes/femmes! 

Ah non. 

Excusez-moi. 

J’ai déjà pris un café avec la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes. 

On ne va pas redire qu’Emmanuel Macron avait promis un ministère dédié aux femmes. Mais en fait si, on va quand même le redire. Parce que nous, les meufs, on a la chance d’avoir la première promesse non-tenue de tout le quinquennat. La classe, non? Je veux dire, c’est pas donné à tout le monde. Avant même le premier conseil des ministres, paf, une promesse disparue. Beau challenge.


C'était le 28 avril, y'a presque un mois. En temps de vie de papillon, ça fait une éternité. 

D’autant que cette décision de ne pas accorder de ministère sur le sujet s’inscrit dans un contexte où les six premières nominations du nouveau président n’ont été que des hommes. Le Premier ministre, bon, à la limite, je m’en fiche un peu. On sait que le choix du chef du gouvernement relève de délicates stratégies d’équilibre politique. Mais le choix de ses conseillers à l’Élysée, c’est une décision totalement personnelle et ouverte, donc nettement plus révélatrice.

Pas de budget spécifique

Du coup, lundi j’ai fait un article sur ce sujet. Pas vraiment sur Emmanuel Macron en lui-même, plutôt sur les freins qui existent pour les femmes. J’ai fini ce papier en disant que le gouvernement serait paritaire, voire même au-delà. Bah oui. Je pensais que possiblement, il y aurait davantage de femmes que d’hommes. 

Ah ah ah… La conne. 

Je pensais aussi qu’il y aurait un ministère pour l’Égalité, vous imaginez? Qu'est-ce que je peux être cruche quand même... 

Le plus étrange là-dedans, c’est que je n’ai jamais été convaincue par l’efficacité de ce genre de ministère. Malgré toutes les bonnes volontés qui y œuvrent, leurs actions semblent souvent limitées. Alors un secrétariat d’État, ça change quoi? Bah d’abord ça change le budget. Un ministère a un budget qui lui est alloué. Un secrétariat d’État, ça n’en a pas. Ensuite, il y a évidemment, le signal que ça envoie sur l’importance qu’on accorde au sujet. Et enfin, un/e secrétaire d’État ne siège pas à tous les conseils de ministres. Il/elle n’est présent que quand l’ordre du jour le concerne. (Genre le 8 mars? J’espère que l’année prochaine, ça va tomber un mercredi du coup.)  

Cause nationale

Ce qui me posait un problème avec l’idée de ministère dédié à l’Égalité homme/femme c’est que le sujet est évidemment transversal. Ça concerne: l’école, le travail, l’économie, le budget, les transports et la ville. (J’en oublie sûrement.) Faire un ministère à part, j’avais l’impression que ça ne permettait pas d’inclure cette problématique dans les décisions des autres ministres. Vous êtes ministre, vous proposez une réforme, et pour l’aspect égalitaire, vous dites: «Oh bah Laurence s’en occupera hein.» Mais faire un secrétariat d’État, c’est l’assurance que la chargée du sujet ne sera même pas présente à chaque discussion.

Autant dire que Marlène Schiappa va avoir besoin de nous pour peser. Je propose donc qu’on se nomme nous-mêmes, individuellement, ministres de l’Égalité femme/homme. Qu’on ne les lâche pas pendant cinq ans avec ces sujets. Il y a déjà des associations, des journalistes, des chercheurs qui alertent sur les discriminations. La disparition du ministère nécessite une vigilance encore accrue. Il faut que chaque réforme soit étudiée sous l’angle de l’inégalité homme/femme. Il faut que même Gérald Darmanin, qui n’a pas l’air franchement convaincu par le concept d’égalité en général, développe un réflexe pavlovien. Dès que Gérald voudra proposer un truc, il finira par se dire lui-même: «Oh mais qu’est-ce qu’en aurait pensé Simone de Beauvoir?»

Notre président avait dit qu'il voulait que l'égalité femme/homme soit la cause nationale du quinquennat. Et bien, on peut l'aider un peu. Il faut qu’on les emmerde systématiquement jusqu’à ce qu’ils fassent des cauchemars dans lesquels Olympe de Gouges les décapite avec un hachoir.

Ce texte est paru dans la newsletter hebdomadaire de Titiou Lecoq. Pour vous abonner c'est ici. Pour la lire en entier:

 
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