France

La grave faute politique d'Emmanuel Macron

Macron a tort de considérer qu'il s'agit là d'un second tour comme un autre. Il ne doit pas mépriser la carte du barrage républicain.

Emmanuel Macron sur le plateau de TF1, LE 28 avril 2017 | Eric FEFERBERG / AFP
Emmanuel Macron sur le plateau de TF1, LE 28 avril 2017 | Eric FEFERBERG / AFP

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Est-ce qu’on peut voter Macron et rester non-aligné? 

Emmanuel Macron nous fout dans la merde. Et il s’y plonge aussi en faisant un choix stratégique discutable. Pour l’instant, il ne joue pas la partition du front républicain. Il parle certes parfois de rassemblement mais un rassemblement autour de ses idées. Il veut un vote d’adhésion. Pas seulement qu’on vote pour faire barrage au FN mais qu’on vote pour son programme. Quand il dit qu’il ne demande pas un chèque blanc, cela signifie qu’il demande un vote sur les mesures qu’il annonce. Je comprends la logique. Il ne veut pas se faire voler sa victoire, qu’on lui dise qu’il a été élu pour d’autres raisons que son programme et que donc la légitimité qu’il tire des urnes n’en est pas une, ce qui le mettrait dans une position très difficile pour gouverner en cas de victoire.

Il veut créer une dynamique suffisante pour qu’elle se prolonge jusqu’aux législatives et s’assurer d’une majorité qui lui permettra d’appliquer son programme. Je comprends bien que quand on est convaincu d’avoir raison et d’avoir les bonnes solutions, on pense qu’on peut persuader les autres. Le problème, c’est qu’il va échouer. Il n’aura pas de vote d’adhésion. En fait, même au premier tour, quasi la moitié de son score n’est pas un vote pour ses idées mais déjà pour faire barrage au FN au second tour en évitant un duel Fillon/Le Pen. Si son pari consiste à penser qu’il va réussir à convaincre les électeurs de gauche de la justesse de son programme, c’est foutu d’avance. Même avec des trucs comme ça, en générant des argumentaires personnalisés. 


Capture tirée du site d'En Marche

Banalisation

Et il nous fait courir un énorme risque en agissant ainsi. Nous ne sommes plus au premier tour, et pas encore aux législatives qui seront le moment pour un vote d'adhésion. La séquence politique que nous vivons est particulière. Un deuxième tour d'élection présidentielle avec un parti d'extrème droite. Or, Emmanuel Macron semble atteint par la banalisation du Front national. Il gère l’entre-deux tours comme s’il était face à n’importe lequel des autres candidats. 

En nous disant que voter pour lui, c’est voter pour ses idées, il décourage tous ceux pour qui le choisir est déjà un effort pénible. Et quand je parle d’effort, c’est à prendre dans un sens très physique. Pour beaucoup, le geste de glisser son nom dans l’enveloppe va être difficile à faire, il va coûter. Ils vont être nombreux à se dire qu’ils renient leurs idées, et c’est douloureux même quand c’est au nom d’une raison morale supérieure. Comme d’autres avant lui, notamment Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron semble incapable de se rendre compte de la détestation qu’il peut provoquer, un rejet non seulement de ses idées mais de sa personne. Il ne semble pas voir qu’une partie du vote pour Marine Le Pen au second tour ne sera pas non plus un vote d’adhésion mais un vote utile pour l’éviter lui.  

L'anti-Chirac

Dans ce contexte, il ne doit pas priver les anti-FN du vote utile, se réclamant comme tel. Or, pour l’instant, c’est ce qu’il fait. Il fait craindre à ceux qui sont prêts à se plier à une morale personnelle consistant à bloquer l’extrème droite, il leur fait craindre donc d’être récupéré. Il ne faut pas négliger le double traumatisme de 2002 pour une partie des électeurs. Il y a le traumatisme de devoir une nouvelle fois voter contre le FN. Et celui d'avoir vu Jacques Chirac les nier complètement après l'élection. Certes, cette fois, il y a une différence: Jacques Chirac avait fait sa campagne de second tour sur le front républicain et pas sur son programme. Il avait ensuite gouverné comme si de rien n'était. Emmanuel Macron, lui, affiche d’emblée ses règles du jeu. 

Il renvoie donc les non-alignés (ceux qui ne se reconnaissent dans aucun des deux candidats) à l’abstention, ce qui de sa part est une attitude extrêmement risquée. Emmanuel Macron devrait reconnaître la situation pour ce qu’elle est. Il doit accepter qu’en cas de victoire, il ne sera pas élu comme un président dans un contexte normal. S’il ne le fait pas, il manque de respect pour les électeurs, et de ce truc un peu flou et étrange qu’on appelle la posture présidentielle.

Ce texte est paru dans la newsletter hebdomadaire de Titiou Lecoq. Pour vous abonner c'est ici. Pour la lire en entier:

 
 
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