Culture

Les cons, ils ont osé raboter Claudia Cardinale sur l'affiche du Festival de Cannes

Fausse note avant le lancement de la 70e édition.

Temps de lecture: 3 minutes

Ils ont osé. Après avoir, dans l’ordre, dévoilé le nom du président du jury de l’édition 2017, (Pedro Almodovar), puis celui de la maîtresse de cérémonie (Monica Belluci), le Festival de Cannes a rendu public son affiche officielle.

Sur le parti pris artistique, rien de très neuf, comme chaque année depuis 2009, l’affiche fait dans la nostalgie en tapant dans une photo d’archive. Ici, un cliché célèbre de Claudia Cardinale, dansant sur un toit de Rome, en 1959, et dont personne, ni même l’actrice, ne parvient à se souvenir de l’auteur –à Libération, le service photo pense que l'homme est mort en 2007.

«Vous la reconnaissez?», demande Dominique Mari, journaliste sur BFMTV.

Bah, non. Pas trop justement.

Photoshop

C’est que comme le montre David Honnorat, cofondateur du site Vodkaster, avec ce gif éloquent, l’actrice a été entièrement ou presque photoshopée.

Si on part de haut en bas:

  • les cheveux ont été domptés, une mèche encadrant son visage entièrement escamotée

  • le visage est comme lifté, les rides d’expression ont disparu

  • le buste a été aminci pour enlever à Claudia Cardinale au moins un tour de taille, faire remonter sa poitrine, affiner ses bras et ses avant-bras

  • la jupe est défroissée

  • les deux jambes considérablement étirées

  • même les pieds sont amincis et rapetissés (parce qu’une femme ça a des petits petons mignons)

Pour résumer, c’est l’ensemble de la silhouette de Claudia Cardinale qui a été modifiée pour obéir à ce que les auteurs de l’affiche semblent considérer comme les canons actuellement en vigueur.

ILS ONT RABOTÉ CLAUDIA CARDINALE.

Sur le cliché originel, elle était âgée d'à peine de 21 ans. Et représentait alors un modèle de grâce. Elle était purement sublime. Mais apparemment pas assez grande, pas assez déliée, pas assez élancée pour figurer telle qu’elle était vraiment.

OK, je ne suis pas tombée de ma chaise. C’est devenu le lot du corps féminin d’être ratiboisé sur une palette graphique. Mais quel besoin de photoshopper une femme pour une affiche de cinéma? Il ne s’agit pas là de nous vendre un yaourt qui facilite le transit ou une crème de nuit amincissante. C’est l’affiche de la 70e édition du Festival de Cannes qui prétend rendre hommage «à une comédienne aventurière, femme indépendante, citoyenne engagée». Mais on lui a quand même limé la taille et les pieds.

«Vous avez su empêcher toute velléité féminine de briguer une quelconque place»

Certes, le cinéma n’est pas non plus novice en matière d’irrespect. Voire de décapitation. Un tumblr liste en effet toutes les affiches sur lesquelles on a purement et simplement coupé la tête des actrices.

Le Festival de Cannes non plus n’est pas connu pour l’immense respect qu’il témoigne aux artistes féminines. Qu’il s’agisse de la sous-représentation criante de réalisatrices dans les compétitions, ou plus largement de la représentation des femmes lors de ces quelques jours passés sur la croisette. Dans une tribune publiée dans le monde, Fanny Cottençon et Virginie Despentes s’adressaient aux organisateurs:

«Vous avez su empêcher toute velléité féminine de briguer une quelconque place dans ce milieu si bien gardé. Surtout, ne pas laisser penser aux jeunes filles qu'elles pourraient avoir un jour l'outrecuidance de réaliser des films et de gravir les marches du Palais autrement qu'au bras d'un prince charmant. (…) Les femmes sont de parfaites hôtesses, que l'on rendra heureuses d'un simple “T'as de beaux yeux, tu sais”, ou autres compliments bien tournés. Des icônes troublantes aussi que vous savez laisser à leur juste place: en vitrine et sur papier glacé. Les affiches du Festival en témoignent: cette année c'est Marilyn Monroe qu'on célèbre, en 2011 Juliette Binoche, en 2009 Monica Vitti, et en 1989 une Marianne de la République incarnait le prestigieux Festival. En 1976 ce sont les fesses nues d'une femme qui étaient à l'honneur. De quoi se plaindraient nos muses? Elles sont célébrées pour leurs qualités essentielles: beauté, grâce, légèreté...»

Des accusations auxquelles le délégué général du festival Thierry Fremaux avait répondu avec une défense toute fillonesque: «Les gens partent à notre assaut avec beaucoup d'agressivité. Sur Twitter j'en ai pris plein la figure!» Peut-être, mais son cul, ses bras, ses jambes, sa poitrine, eux, sont toujours laissés intacts.

En attendant, l'agence Bronx à qui l'on doit le visuel, renvoie vers l'organisation du Festival.

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