France

Fusillade de Grasse: la sécurité des écoles, collèges et lycées peut-elle être encore améliorée?

Les attentats de 2015 et 2016 ont poussé à la mise en place de nouvelles règles. Sont-elles suffisantes pour faire face à l'irruption d'une éventuelle hyper violence?

Valery HACHE / AFP
Valery HACHE / AFP

Temps de lecture: 4 minutes

Le jeudi 16 mars, à Grasse, un élève est entré dans le lycée Alexis de Toqueville avec des armes. Le jeunes hommes «disposait d’un fusil à pompe, de plusieurs grenades à plâtre, et d’armes de poing». Huit personnes ont été blessées parmi lesquelles le proviseur de l’établissement. Le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd mais bien sûr, l’idée qu’un tel acte ait pu se produire glace le sang.

On peut mesurer la panique dans le récit des élèves:

La fusillade qui vient de se dérouler au lycée de Grasse constitue un événement inédit en France. La tuerie de Columbine, qui a visiblement inspiré l’auteur des faits, et le souvenir des fusillades qui se sont déroulées dans des écoles des États-Unis ces dernières années rendent son acte encore plus effrayant. Aujourd’hui, c’est donc la sécurité des établissements, en France, qui doit être questionnée. Comment un individu aussi lourdement armé peut-il pénétrer dans un établissement? Les écoles sont-elles protégées et d’ailleurs sont-elles protégeables face à l’hyper violence d’individu ou de groupe?

Faire face à la menace terroriste

Le sujet n’est pas si nouveau à cause du risque terroriste. Surtout depuis 2015/16 et le dramatique contexte des attentats commis sur le sol français. L'État islamique a clairement mentionné que les écoles (comme les médias, les institutions culturelles, les rassemblements publics) étaient des cibles. Pour faire face à un risque de terrorisme, des mesures ont été mises en place à la rentrée afin que des alarmes et exercices de sécurité spécifiques soient mis en place dans tous les établissements scolaire en cas d'attaque. C’est chose faite. Les personnels et les élèves ont été sensibilisés, les exercices menés dans toutes les écoles.

Jacques Paquet est proviseur du lycée Albert Camus à Fréjus. Il semble lui-même choqué, inquiet pour son collègue, les personnels et les élèves du lycée Alexis de Tocqueville et s’interroge sur la sécurité des établissements:

«Ici, ce n’est pas comme à Paris. Il n’y pas un mur autour des établissements et une seule grande entrée. Beaucoup de lycées de l’académie ont été construits à une époque où l’on voulait faire des écoles plus ouvertes. Je ne suis pas contre mais cela ne pose pas les mêmes questions en terme de sécurité.»

Pour lui, si des choses ont été mises en places, d'autres restent à améliorer:

«Les entrées sont contrôlées, les carnets vérifiés… Il y a un contrôle visuel des sacs dans nos lycées. Des équipes mobiles de sécurité circulent également dans l’académie. Mais je regrette que les agents territoriaux ne soient pas sensibilisés et formés comme nous le sommes à l’Éducation nationale, car ils dépendent des régions. Il est urgent de faire le nécessaire pour ces personnels. Si la sécurité est l’affaire de tous, il faut que ce soit un sujet collectif. Je pense également que nous avons besoin d’équipe d’accompagnement au sein de l’académie pour évaluer les besoins de chaque établissement et adapter des stratégies de sécurité en fonction de leur géographie.»

Un rapport sur la sécurité des établissement paru le 1er mars dernier soulignait les efforts réalisés en terme de sécurité mais aussi quelques manques et confusions dans la mise en place des différents dispositifs:

«Attention aux confusions de vocabulaire. L’utilisation inadaptée des termes évacuation et confinement à la place de s’échapper et se cacher induit une confusion dans la conduite attendue. Certains comptes rendus d’exercices attentat-intrusion mentionnent le “regroupement des élèves dans les zones de mise à l’abri”. Or, ces zones sont identifiées pour faire face à des événements majeurs d’origine naturelle ou technologique, type tempête ou accident de transport de matière dangereuse. Lors d’un attentat-intrusion, ces zones ne sont pas forcément adaptées. Selon les situations, il faut s’échapper si possible, ou s’enfermer et se cacher.»

Mais la sécurité est un sujet très complexe. Les établissements ne se ressemblent pas entre eux, leur géographie est variée, par exemple, selon qu’il y ait plusieurs entrées ou non, que l’établissement soit ceint de mur ou grillage. De plus, la diversité des personnes qui y travaillent rend l’approche du sujet plus compliqué qu’il n’y paraît: les enseignants et les personnels de direction dépendent de l’académie mais les agents qui travaillent dans l’établissement sont des fonctionnaires territoriaux. Il faut donc trouver des manières plus collectives de travailler et d’apprendre à faire face à d’éventuelles menace, ce n’est pas encore le cas.

Point portique

Mais pour sécuriser les établissements des personnalités politiques comme Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez (LR) ont proposé d’installer des portiques de sécurité à l’entrée des lycées. Pour le secrétaire général du principal syndicat des personnels de direction, Philippe Tournier, il s’agit d’une fausse bonne idée:

«Cela coûte cher puisqu’il faut aussi du personnel pour faire passer les élèves par les portiques. L’opération prendrait un temps fou: un établissement c’est comme trois ou quatre airbus A380; les élèves devraient arriver avec une heure d’avance. Cela créerait des attroupements dans la rue ce qui n’est pas non plus une bonne chose en matière de sécurité. Enfin, est-ce qu'un portique protège d'un individu déterminé et lourdement armé? Non. Il faut garder la tête froide et être pragmatique.»

Alors que faire de plus et de mieux? Pour Philippe Tournier il s’agit d’intégrer la culture du risque dans les mentalités:

«Les accidents avec des scooters devant les établissements ou les accidents entre élèves sont évidemment beaucoup plus courants mais je crois qu’il y a eu depuis les attentats une prise de conscience générale. C’est bien parce que l’hyper violence n’est plus inimaginable. Les éducateurs, les agents, les élèves pourront avoir les bons réflexes (par exemple, le confinement dans les classes) en cas de drame. Oui, la sécurité, c’est une culture et c’est du personnel formé. Notre syndicat le dit depuis la rentrée et nous avons réalisé une grande enquête sur la question: les établissements ont besoin de personnels de sécurité formés. Il faut former les agents d’accueil et il faut des personnels de sécurité supplémentaires dans les établissements. Nous attendons des investissements des collectivités en la matière.»

Faut-il s’inquiéter de voir les établissements pris pour cible?

«Ce qui m’inquiète c’est que de telles armes puissent circuler. On sait qu'il y a des précédents aux États-Unis mais aussi dans des pays plus proches comme l'Allemagne ou la Finlande qui ont vu des attaques d’établissement très graves se dérouler sur leur territoire. On ne peut pas exclure qu’il y ait des fous parmi les millions d’élèves français. L’école, c’est l’institution que tout le monde connaît… Elle fait partie des cibles.»

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