Égalités / Économie

Revaloriser les emplois à prédominance féminine pour favoriser l’égalité salariale

Seulement 17% des emplois sont mixtes, donc le principe «à travail égal, salaire égal» a en réalité une application limitée. Or la loi prévoit aussi «un salaire égal pour un travail de valeur égale» permettant l’égalité salariale pour des emplois différents mais de même valeur. A l'instar de la loi sur l'équité salariale québécoise, rendons obligatoire la comparaison des emplois occupés majoritairement par les femmes et par les hommes dans les entreprises.

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Pour avancer enfin vers l’égalité salariale réelle dans l’entreprise, il ne faut pas se contenter de raisonner à poste égal. A ce rythme, on n’obtiendra jamais l’égalité salariale, sauf à attendre que tous les postes soient réellement mixtes. Et d’ailleurs pour parvenir à cette mixité, il faut passer par la revalorisation des emplois à prédominance féminine pour qu’enfin des hommes investissent ces emplois. En effet, les femmes sont concentrées dans peu d’emplois, (plus de la moitié d’entre elles étant dans une dizaine de métiers): il s’agit des emplois de la santé, de l’éducation, de l’assistanat, de l’aide à la personne, du nettoyage et de la vente. Du fait de la construction historique de ces emplois, de la faible syndicalisation dans ces secteurs, la reconnaissance des qualifications dans ces services ne sait pas faite comme dans les secteurs industriels. On a bien souvent considéré que ces emplois ne nécessitaient pas de réelle qualification, pas ou peu de formation, puisqu’ils reflétaient les activités domestiques des femmes dans la sphère dite privée: éduquer, soigner, nettoyer, conseiller, écouter… que des «compétences présumées innées», si naturelles quand on est femme...

En réalité, ces métiers font appel à des vraies compétences et requièrent des connaissances, des capacités et des technicités, des responsabilités, des charges physique ou nerveuse… Il s’agit de reconnaître tout cela.

La loi sur l’égalité professionnelle de 1983 définit la notion de valeur égale et précise que «sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou un pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse». Mais ce cadre légal est peu mobilisé. Il y a seulement quelques cas de jurisprudence où des femmes ont eu gain de cause. L’une des premières décisions importantes concerne une entreprise de champignons, où des femmes manutentionnaires classées au même coefficient que des hommes manutentionnaires n’avaient pas la même rémunération, au prétexte qu’elles n’effectuaient pas de travail de forces. Ces femmes ont réussi à démontrer, attestation médicales à l’appui, que leur activité était également pénible, du fait de gestes répétitifs. En 2010, une autre décision est venue également rappeler l’application de ce principe. Il s’agissait de comparer la valeur des fonctions d’une femme responsable des ressources humaines, avec celles d’autres cadres masculins (directeur financier, directeur commercial). La cour de cassation lui a également donné raison, en démontrant qu’une responsable RH contribuait tout au temps à l’activité de l’entreprise qu’un cadre commercial. Cet arrêt, très important dans la jurisprudence française, affirme la possibilité de comparer des emplois différents pour établir l’égalité salariale. Mais en dehors de ces cas limités peu connus, d’ailleurs, on n’applique pas ce principe dans les entreprises aujourd’hui.

Pour généraliser cette démarche, il faut passer par l’échelon de la branche, où sont élaborées les classifications professionnelles. En effet, la valeur et la hiérarchie des emplois est élaborée dans ces classifications. Mais la prise en compte de l‘égalité y est lente, les résistances des négociateurs importantes et d’ailleurs la plupart de nos classifications sont totalement désuètes.

C’est pourquoi nous proposons ici d’aller au plus près du contenu du travail et de pouvoir comparer et revaloriser les emplois au niveau de l’entreprise et  pas seulement au niveau des branches professionnelles. Par exemple, et cela a été déjà appliquée dans une entreprise industrielle, des assistantes de direction (BTS tertiaire) ont réussi à être reclassées au même niveau que des techniciens (BTS électrotechnique). Des infirmières ont également démontré que la reconnaissance de leur diplôme était loin d’être complète et que leur positionnement en catégorie B (non cadre) était injustifié au regard de leur diplôme, des responsabilités, de leur technicité, et de leurs conditions de travail. Autre exemple, les sages-femmes n’ont pas les mêmes reconnaissances que les ingénieurs hospitaliers, notamment en termes de primes, alors que le contenu de leur travail peut être largement comparé à celui des ingénieurs. Cette démarche permettra alors d’apporter une véritable connaissance des métiers au niveau de la branche et de redynamiser la négociation de classifications professionnelles non discriminantes.

A l’instar du Québec, l’idée est de rendre obligatoire, à l’échelle de l’entreprise, la comparaison d’emplois à prédominance féminine et masculine, en analysant le contenu du travail effectué, ses responsabilités, sa technicité et ses conditions de travail, par l’intermédiaire d’une commission d’évaluation paritaire, dans le cadre de la négociation des accords égalité professionnelle qui devront intégrer cette dimension et, si le compte n’y est pas, de revaloriser les emplois à prédominance féminine.

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