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Vous aimez le whisky mais pas ce qu’il devient? Alors il est temps de passer à l’armagnac

Cinq bonnes raisons de se convertir quand on est fan de single malts. Si, si.

Les Créations de Delord. (photos ChL)
Les Créations de Delord. (photos ChL)

Temps de lecture: 3 minutes

Ces dernières années, j’ai bien entendu vos griefs et couinements, amis amoureux du malt –et pour tout dire je les partage. Trop de whiskies sans âme, sans âge, plus pasteurisés que le lait en brique, trop d’embouteillages industriel sans surprise, à des prix mon-ennemi-c’est-mes-finances, trop de marketing dans le flacon.

Oui, mais où chercher l’issue de secours, quand on n’apprécie ni le rhum (trop sucré), ni le cognac (chichi pompon), encore moins la vodka (un antiseptique qu’on trouve pour moins cher à la pharmacie)? Ne vous pochez plus la rate au court-bouillon: il est temps de passer à l’armagnac. J’en vois qui ricanent au fond près du radiateur. Alors laissez-moi expliquer en deux mots –y en a un peu plus, je vous les mets quand même.

1.Sur le plan aromatique, vous vous y retrouverez

 

L’amateur de whisky va en général naturellement vers des goûts plutôt secs. Or, si l’on sait où fouiner, on peut retrouver cette sécheresse et des arômes pas très éloignés dans bon nombre d’armagnacs. Allez piocher chez Dartigalongue. Ou dans la série des Créations de Delord (foncez sur la N°6, une tuerie de 25 à 30 ans qui démarre en furie sur le raisin mais se calme aussitôt sur des notes cacaotées, miel épicé, un peu poivré) ou optez pour L’Authentique, un assemblage de vieilles gnôles qui vous tirera des feulements de plaisir.

Testez l’exigence du Domaine d’Espérance, avec le blend de 20 ans 100% cépage baco, tranchant et affûté, d’un équilibre de funambule. Chez Tariquet, dans la gamme «Single Folle blanche» destinée à appâter sans vergogne les fondus du malt, goûtez le 8 ans, un fruité floral pimenté embouteillé à 50,5%: à l’aveugle, on peut s’imaginer siroter un malt.  Chez Laballe, le jeune 3 ans (47,3%) flirte avec le bourbon overproof.

2.C’est craft et small comme vous aimez

Small is franchement not toujours beautiful en matière de spiritueux, mais si vous ne jurez que par l’artisanal où le patron colle les mains dans le pâton, l’armagnac ne vous décevra pas. Les plus gros producteurs, tel Delord (200.000 bouteilles par an), font figure de lilliputiens à côté de la moindre micro-distilleries d’Écosse.

Si vous raffolez des whiskies élaborés «du grain à la bouteille», allez voir par exemple du côté du Château de Laubade, qui travaille en single estate, de la culture de ces vignes à l’embouteillage sur site.

3.Du brut de fût, du single cask, du millésime 

Tous les gimmicks favoris des whisky geeks se retrouvent dans l’armagnac. À commencer par les millésimes, très ancienne tradition gasconne –là où les Cognaçais travaillaient l’art de l’assemblage. Recherchez les vintages de Dartigalongue (on en a parlé ici), de la Collection unique de Darroze, les vieux (j’insiste) millésimes de Jean Cavé, de Pellehaut, du Domaine d’Espérance (le 1990 au fruité élégant et au boisé précieux, la Folle Blanche 2000 embouteillée à 49%, avec son attaque fumée audacieuse), du Château de Lacquy (le millésime 2000 Comte G. de Boisseron, sur des notes de noix, cuir, caramel épicé, oranges confites)…

Vous chouinez devant quarante petits degrés, service minimum auquel le whisky se cantonne trop souvent? De plus en plus, les producteurs gascons jouent les bruts de fût (ou quasi). Jonglez avec Laballe (je sors, je sors, laissez-moi juste finir ce papier), avec Castarède,  avec les millésimes du Château de Bordeneuve, les Créations de Delord, les Single Folle Blanche de Tariquet…

Et attendez les essais d’affinage en fûts de vin blanc sec du Bordelais qui se mitonnent chez Laubade. Et les single casks de Dartigalongue, qui expérimente des maturations sous différents types de chêne pour en exprimer les singularités.

4.Plein de pépites inconnues à découvrir

Plus rien de ce qui se lance sur le marché en matière de whisky ne vous échappe –en réalité, bien des choses vous passent au-dessus de la frange, mais c’est pour votre bien. En revanche, même en sillonnant en râteau durant toute une vie le Gers et les arpents des Landes et du Lot-et-Garonne de l’appellation Armagnac, vous passerez forcément à côté de moult pépites tant elles sont nombreuses, inconnues, planquées dans les replis des terres gasconnes.

Alors planifiez dès cet été votre chasse au trésor. Les Domaine Séailles, Domaine d’Espérance, Domaine de Charron, Château de Lacquy et quelques autres recèlent des trésors qui ne demandent qu’à être découverts. Euh… lecteurs parisiens, prévoyez deux fois plus de temps pour descendre sur les routes d’Armagnac qu’il n’en faudrait pour tracer vers les Highlands.

5.On range les sels au moment de passer en caisse

Vous prévoyez toujours les sels de réanimation au moment de taper votre code de CB en caisse avec une quille d’Islay? Rangez-les pour choisir un armagnac. La plupart des somptueux flacons, souvent âgés, que je vous ai cités s’abandonnent à moins de 80 euros. Dans le très haut de gamme, un millésime 1960 (55 ans) de Jean Cavé vous coûtera 370 euros, le vintage 1959 (45 ans) Dartigalongue, 650 euros, le Pellehaut 40 ans… 88 euros. Trois bouteilles d’exception, croyez-moi (je fournis les notes de dégustation sur demande ici).



En single malt, ces petites choses vous aspireraient allègrement le montant du déficit budgétaire du Togo (ou l’équivalent d’une dizaine de piges pour La Revue des Deux Mondes). Elles ont d’ailleurs pratiquement disparu. En terres d’Armagnac, elles se laissent caresser des lèvres. Les Gascons n’ont rien à apprendre de la distillation, de l’assemblage et de l’élevage, mais ce sont des billes question marketing. Grâce leur soit rendue. Tous leurs efforts se concentrent dans le produit. Et se retrouvent dans la bouteille.

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