France

Présidentielle: tout devient possible

La nette victoire de Benoît Hamon à la primaire de gauche bouscule l'offre électorale. Le candidat de la gauche socialiste va concurrencer Jean-Luc Mélenchon dans un jeu d'autant plus ouvert qu'Emmanuel Macron peut profiter de ce nouveau contexte comme de l'affaiblissement de François Fillon.

AFP | Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, François Fillon et Marine Le Pen par Joel Saget /  Emmanuel Macron (au centre) par Fred Dufour
AFP | Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, François Fillon et Marine Le Pen par Joel Saget / Emmanuel Macron (au centre) par Fred Dufour

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Tout devient possible. A trois mois du premier tour de l'élection présidentielle, le paysage apparaît moins saisissable et plus mouvant qu'il ne l'a jamais été lors des précédents scrutins de ce type. La très profonde crise politique dans laquelle se débat le pays bouscule violemment les partis et accouche d'une offre électorale pour le moins inédite.

La spectaculaire victoire de Benoît Hamon sonne comme un profond désaveu, par l'électorat pourtant le plus proche du Parti socialiste, de la politique impulsée par François Hollande, et appliquée par Manuel Valls dans ces dernières années. Or cette toute nouvelle donne, à gauche, intervient au moment même où la droite républicaine est ébranlée par les scandales qui affaiblissent sérieusement François Fillon.

L'inconnue Hamon

La seconde primaire organisée par le PS, à laquelle ont participé près de deux millions d'électeurs, n'a pas rencontré le succès de celle de 2011, galvanisée par la perspective d'une alternance. Elle a encore rassemblé moins de deux fois mois d'électeurs que la récente primaire de la droite et du centre. Mais ces «primaires citoyennes» ont tout de même permis à la gauche socialiste d'arbitrer ses rivalités internes mais aussi et surtout de donner à son vainqueur une précieuse légitimité populaire.

L'aile gauche du Parti socialiste, de très longue date habituée à la condition minoritaire au sein de ce parti, se trouve subitement et nettement majoritaire par la grâce de ce scrutin du 29 janvier. Le rejet d'une personnalité incarnant l'aile droite du PS explique, pour une part, ce résultat. Mais il ne fait guère de doute que Hamon, qui a frôlé les 60% de votes, est parvenu à susciter un enthousiasme dans l'électorat de gauche qui s'est déplacé.

Cette dynamique et ce succès devraient lui permettre d'installer une candidature socialiste dans l'élection présidentielle avec un potentiel moins ridicule que ne l'indiquaient les intentions de vote antérieures. D'ores et déjà, et avant même que les résultats de cette primaire de gauche ne soient connus, une enquête Kantar-Sofres attribue à Hamon de 13 à 15% des intentions de vote, au-dessus de Jean-Luc Mélenchon crédité de 10%.

Une compétition cruciale s'engage désormais entre le candidat d'un PS brutalement réorienté à gauche, et celui des «insoumis». Mélenchon a, sans attendre, sèchement refusé la main que s'apprête à lui tendre Hamon. La candidat de la gauche radicale, qui lui n'a pas été ministre sous la présidence Hollande, peut se prévaloir de sa cohérence politique. Mais son sectarisme risque d'ouvrir un espace à un candidat socialiste qui cherchera à réactiver l'aspiration unitaire demeurée très présente dans l'électorat de gauche.

Pour autant, Hamon se trouve désormais aux prises avec une équation politique particulièrement délicate à résoudre. Ses références, dimanche soir, à Michel Rocard et à François Mitterrand, trahissaient une volonté de rassemblement qui s'annonce pour le moins acrobatique. Il lui faudra simultanément reconquérir l'électorat de gauche séduit par Jean-Luc Mélenchon et éviter l'hémorragie de l'électorat socialiste modéré vers Emmanuel Macron.

Les angles assez aigus de son propre programme de primaire ne faciliteront pas cet exercice. Plus encore que ce ne fut le cas pour François Fillon, le passage du statut de candidat victorieux d'une primaire à celui de candidat de plein exercice dans l'élection présidentielle s'annonce périlleux.

Deux candidats fragiles

La fragilité semble néanmoins être le lot de la plupart des candidats du cru 2017 des présidentielles

La fragilité semble néanmoins être le lot de la plupart des candidats du cru 2017 des présidentielles. Fillon en a donné une illustration éclatante en passant subitement, l'exagération médiatique aidant, du statut de vainqueur annoncé de cette compétition après son sacre électoral de novembre 2016 à celui de potentiel empêché de se présenter pour cause d'ennuis judiciaires.

Avant même ces déboires, le candidat de la droite avait du répondre, devant le pays, des inquiétudes portées par un programme radical qui avait séduit l'électorat très particulier de la primaire de ce camp. La conjugaison de ces difficultés plombent les intentions de vote en faveur de Fillon (21% selon l'enquête précitée) qui tutoient désormais celles qui se portent sur Macron (20%).

Le candidat «En Marche» s'affirme, dés lors, comme un compétiteur possible du second tour de la présidentielle. Mais, là encore, les incertitudes sont grandes quant à son devenir. Macron demeure aussi séduisant dans son style que vague sur le fond de son projet. Il devra bien, un jour, le dévoiler. Or cette épreuve de vérité risque de lui coûter cher. La France rêvée par le libéral Jean Pisany-Ferry, l'homme qui a la haute main sur son programme, n'est pas forcément immensément populaire.

Au final, c'est encore Marine Le Pen qui semble, à ce stade, occuper le pôle électoral le plus stable. Malgré les réelles turbulences qui secouent le Front national, sa présidente poursuit tranquillement sa course en tête (25% des intentions de vote). Sa qualification au second tour de la présidentielle, portée par les fondamentaux de la période, demeure affectée d'une forte probabilité.

Pour le reste, rien n'est écrit, comme le disait excellement Valls. La manière dont les gauches, parties bien en fond de cour, sauront se réarticuler et éventuellement se rassembler, est totalement imprévisible. Tout comme il est difficile de savoir comment la droite et le centre, où François Bayrou tente une fois de plus de retrouver un rôle, sauront tirer partie d'un contexte qui devait, en toute logique, leur promettre la victoire.

Sur fond d'affaiblissement des affiliations partisanes, que le système des primaires a puissamment contribué à renforcer, l'offre électorale très particulière de 2017 est génératrice de surprises. L'électeur français n'a ainsi jamais eu à choisir entre un candidat de la gauche libérale, de la gauche socialiste et de la gauche radicale. En espérant que cela ne lui tourne pas la tête.

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