France

Qui va tuer la campagne de François Fillon?

Dans ce jeu de massacre politique, cela tire de tous les côtés, plus ou moins franchement. Et même parfois contre son camp.

Montage Slate.fr
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La révélation par le Canard Enchaîné de l'emploi de Penelope Fillon pendant plusieurs années comme assistante parlementaire de son mari, ainsi que, dans des conditions étranges, par la Revue des deux mondes, a ouvert un nouveau front dans la campagne présidentielle. Si le FN s'est montré relativement discret sur la question (la faute à ses propres affaires concernant l'emploi indu d'assistants parlementaires), de nombreux acteurs participent à l'affaiblissement de celui que certains voyaient encore, il y a deux mois, élu à l'Élysée dans un fauteuil. Petite revue d'effectif des suspects de ce jeu de massacre politique.

Le pouvoir à la manœuvre?

Si le PS, occupé par sa propre primaire, est finalement resté lui aussi plutôt discret sur l'affaire, cela n'empêche pas certains proches de François Fillon de soupçonner le pouvoir d'en être à l'origine. La preuve, selon eux: l'ouverture très rapide d'une enquête par le Parquet national financier. Petite ironie du destin: ces deux dernières années, François Fillon a été débouté à deux reprises d'une plainte en diffamation contre les journalistes du Monde Fabrice Lhomme et Gérard Davet, accusés d'avoir écrit qu'il avait fait pression sur Jean-Pierre Jouyet pour que le pouvoir accélère les procédures contre Nicolas Sarkozy.

Les faux amis sarkozystes?

Officiellement, chez les proches de Nicolas Sarkozy, le soutien à François Fillon est total. Mais l'affaire tombe à pic pour confirmer l'inquiétude de ceux qui jugeaient déjà la campagne du candidat trop brutale et trop libérale économiquement, et n'avaient pas digéré son «Qui imagine le général de Gaulle mis en examen?» lancé pendant la primaire. Au point d'alimenter la paranoïa de l'équipe Fillon: «Vu le climat du moment, je ne serais pas surpris que le crime soit signé des sarkozystes, ils reprochent toujours à François de mal les traiter dans cette campagne», lâche ainsi anonymement un député au Parisien. Ajoutons à cela la grosse colère de Rachida Dati contre le candidat, à qui elle reproche de lui avoir préféré Nathalie Kosciusko-Morizet comme héritière de sa circonscription législative, et on aura compris que les larmes de certains sarkozystes sont de crocodile.

Les juppéistes en marche?

Si le maire de Bordeaux a coupé court à la tentation du recours en affirmant qu'il n'envisageait absolument pas de jouer les candidats de secours, ses soutiens pourraient trouver dans les révélations du Canard enchaîné une raison supplémentaire de ne pas soutenir Fillon, qui avait lancé à leur poulain, lors du débat de l'entre-deux-tours, qu'«on ne peut pas diriger la France si on n’est pas irréprochable». Libération consacrait d'ailleurs, le mercredi de parution de l'hebdomadaire satirique, une intéressante enquête à la façon dont des militants juppéistes, petites mains de sa campagne, ont déjà amorcé plus ou moins franchement un ralliement à Macron.

Macron, l'homme sans mandat?

Si l'investiture de François Fillon a ouvert un espace politique au centre droit au candidat du mouvement En Marche!, les deux hommes risquent aussi de se retrouver concurrents pour une place au second tour au cas où Marine Le Pen réaliserait un très bon score au premier. Lui-même objet d'accusations sur une possible utilisation de frais de représentation de Bercy pour faire campagne, Macron a pris soin, sur France Culture, de dénoncer une «manœuvre» qui n'a «rien à voir» avec les accusations qui ciblent son concurrent. Et de rappeler au passage que lui, contrairement à la plupart de ses rivaux dont Fillon, ne fait pas campagne en profitant d'un mandat électif...

Les opposants sarthois?

Les anciens adversaires locaux de François Fillon, député de la Sarthe de 1981 à 2012, n'ont pas manqué de souligner qu'ils n'avaient jamais vu Penelope Fillon exercer une activité de collaboratrice parlementaire. Interrogé par l'AFP, Gérard Fretellière (Front de gauche) ne se rappelle ainsi pas qu’elle «ait tenu des permanences comme collaboratrice de député». «Nous, les élus, nous avions en face de nous un organigramme très clair… dont Penelope Fillon n’a jamais fait partie. On pouvait la croiser sur certains événements locaux. Mais elle était présente en tant qu’épouse du maire et rien d’autre», a expliqué à LCI Bruno Louatron, un autre opposant local.

Le lobby des assistants parlementaires?

La révélation des sommes perçues par Penelope Fillon (jusqu'à 7.900 euros mensuels en tant que collaboratrice de Marc Joulaud, le suppléant de celui qui était alors député de la Sarthe) a poussé certains membres de cette catégorie à s'exprimer dans les médias. Et à rappeler, au passage, que leur salaire mensuel moyen se situe entre 2.200 euros et 2.600 euros...

Les pigistes lésés de la Revue des deux mondes?

L'annonce des sommes versées à Penelope Fillon par la prestigieuse revue (5.000 euros mensuels pendant un an et demi, pour au total... deux courts textes publiés) ne risque pas non plus de lui attirer la sympathie d'un monde de la presse en crise. Évincé de la direction de la Revue des deux mondes fin 2014, le journaliste Michel Crépu a souligné n'avoir eu aucun contact avec sa pigiste de luxe... dont les tarifs ne reflètent pas vraiment ceux habituellement pratiqués par la publication, propriété d'un proche de François Fillon, l'homme d'affaires Marc Ladreit de Lacharrière.

Les archives de Penelope Fillon?

Toute la communication passée de l'épouse de l'ancien Premier ministre menace les éléments de langage fournis après les révélations du Canard enchaîné. Il y a trois mois, dans le Bien Public, elle expliquait ainsi ne s'être jusqu'à présent «jamais impliquée dans la vie politique de son mari». Dans un portrait publié en 2007 par le quotidien britannique The Telegraph à l'occasion de la nomination de son mari à Matignon, le seul travail auquel elle faisait allusion était... la reprise d'études en littérature anglaise. La journaliste Christine Kelly, qui a été la première à écrire une biographie de Fillon et s'était entretenue avec son épouse, a elle expliqué n'avoir à l'époque rien vu qui accréditait l'idée d'un emploi d'assistant parlementaire.

François Fillon lui-même?

Mis au pied du mur, le candidat a réagi sur TF1 en défendant son épouse... au risque d'ouvrir un nouveau front anticipé: il a déclaré avoir aussi salarié deux de ses enfants avocats à l'époque où il siégeait au Sénat (septembre 2005-juin 2007), mais à l'époque, aucun des deux enfants en question n'avait encore prêté serment.

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