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Si vous suivez la politique française et internationale sur Twitter, il y a des chances, ces dernières semaines, que vous ayez vu régulièrement exhumés, et retweetés, de vieux tweets de deux personnalités. Arrivé en tête du premier tour de la primaire de gauche, le 22 janvier, Benoît Hamon reste celui qui, en 2009, postait des tweets de papa gaga, laissait sa fille lui piquer son mobile, commentait les dernières sorties hip-hop ou blaguait avec autodérision sur sa dernière déconvenue électorale.
suis archi gaga de la petite créature de 70 cm qui me regarde en rigolant
— Benoît Hamon (@benoithamon) 14 septembre 2008
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— Benoît Hamon (@benoithamon) 15 avril 2009
6699** ceci est le message de ma fille
Dernier album de Kool Shen bien. Mais préfère le précédent "dernier round".
— Benoît Hamon (@benoithamon) 9 novembre 2009
Au PS on avance sur le non cumul des mandats. Moi j'expérimente le stade ultime du non cumul : plus de mandat du tout
— Benoît Hamon (@benoithamon) 29 août 2009
Investi 45e président des États-Unis le 20 janvier, Donald Trump reste celui qui, en 2012, prodiguait des conseils conjugaux à Robert Pattinson, rectifiait Cher sur sa chevelure et nous faisait part de ses conseils régime. Ou menaçait le président réélu Barack Obama d'une marche sur Washington, sans se douter que, quatre ans plus tard, une marche du même genre viendrait contester son pouvoir.
.@cher--I don’t wear a “rug”—it’s mine. And I promise not to talk about your massive plastic surgeries that didn’t work.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 13 novembre 2012
«Cher, je ne porte pas une “perruque”, ce sont les miens. Et je promets de ne pas parler de vos énormes opérations de chirurgie esthétique qui ne fonctionnent pas»
Robert I'm getting a lot of heat for saying you should dump Kristen- but I'm right. If you saw the Miss Universe girls you would reconsider.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 18 octobre 2012
«Robert, on me harcèle parce que je dis que tu devrais larguer Kristen, mais j'ai raison. Si tu voyais les candidates à Miss Univers, tu y réfléchirais à deux fois»
I have never seen a thin person drinking Diet Coke.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 14 octobre 2012
«Je n'ai jamais vu une personne mince boire du Coca Light»
We can't let this happen. We should march on Washington and stop this travesty. Our nation is totally divided!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 7 novembre 2012
«Nous ne pouvons pas laisser cela se produire. Nous devons marcher sur Washington et faire cesser cette mascarade. Notre nation est totalement divisée!»
À eux deux, Hamon et Trump nous racontent deux histoires parallèles du Twitter politique –et donc de Twitter tout court, cette entreprise en crise mais qui se dit capable, à son corps défendant, d'aider à faire élire un président (et donc, un vainqueur de la primaire, on ne vous dit même pas...).
Hamon, c'était le Twitter des pionniers, celui des années 2007-2010. Ce twitter sans badge vérifié, celui où une personnalité pouvait encore libeller son premier tweet «À la découverte de Twitter» (équivalent poli du lapidaire «test») sans se faire vanner dans la seconde par des centaines de personnes, celui où papotaient quelques militants, une poignée de journalistes et des internautes curieux. Après avoir créé un compte assez classique, consistant essentiellement en des annonces de déplacements et de passages médias, le porte-parole du PS s'est mis, au bout de quelques mois, à le personnaliser davantage. «Je ne sais pas pourquoi, depuis la fin de la campagne [européenne de 2009] j'y vais plus facilement», expliquait-il, en 2009, à 20 Minutes. Une attitude encore rare à l'époque chez les politiques, comme le racontait Libération en 2011: «[Le] porte-parole du PS, Benoît Hamon, [...] utilise Twitter aussi bien pour commenter les dernières mesures gouvernementales que pour manifester son agacement lorsqu’il est pris dans les embouteillages.»
On l'oublie parfois, mais Donald Trump a eu lui aussi, à un moment, un compte Twitter assez classique, créé sur les conseils du consultant Peter Costanzo, qui lui pitcha en sept minutes l'idée d'utiliser ce nouveau média pour vendre sa marque sous l'alias @RealDonaldTrump. Les premiers messages du magnat, à l'été 2009, sont ainsi écrits à la troisième personne et publiés par son service de relations publiques.
Be sure to tune in and watch Donald Trump on Late Night with David Letterman as he presents the Top Ten List tonight!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 4 mai 2009
Ce n'est qu'après, au fil de son investissement en politique, que son compte devient progressivement beaucoup plus personnel, à l'image du tweet célèbre accusant Barack Obama d'avoir produit un faux certificat de naissance. Cette évolution signe la naissance du twittos Trump que l'on connaît: un type qui explose de rage devant sa télévision, tweete tout ce qui lui passe par la tête dès le réveil, s'en sert comme outil privilégié de critique des médias... Bref, une célébrité qui tweete comme en 2009 sur le Twitter surpeuplé et surpuissant de 2017, et qui refuse l'institutionnalisation du Twitter politique: le président Trump continue d'utiliser le compte du candidat Trump... et n'hésite pas à se retwitter avec le compte de la Maison-Blanche.
«Je rencontrerai à 9 heures les hauts dirigeants du secteur automobile pour discuter de l'emploi aux États-Unis. Je veux que des nouvelles usines soient bâties ici pour construire les voitures vendues ici!»
Benoît Hamon a changé de ton, mais pas vraiment de position –une petite décennie et une sortie de gouvernement plus tard, il est toujours une des têtes d'affiche de la gauche du PS et, possiblement, un des futurs dirigeants de l'opposition. Donald Trump, lui, a changé de position, mais pas du tout de ton. Retweeter aujourd'hui de vieux tweets de Hamon, c'est une manifestation de nostalgie, un peu aristocratique –regardez comment c'était léger et sans conséquence, Twitter, quand on était entre nous, les premiers arrivés! Retweeter aujourd'hui de vieux tweets de Trump, c'est une manifestation de regret et de stupéfaction –comment un type en roue libre depuis tellement d'années a-t-il pu accéder à la tête de la première puissance mondiale?
Twitter a parfois pu être vendu comme un outil d'aplanissement des hiérarchies, de rapprochement (plus ou moins sincère) entre les politiques et le public, entre les politiques et «nous». Sauf que ce «nous» a bien changé en dix ans (il suffit de voir comment a évolué la position des journaux sur les commentaires en ligne) et avec, le comportement de beaucoup de politiques. Un candidat à la présidence ne peut plus tweeter ça? Un président ne devrait pas tweeter ça.