France / Économie

Pourquoi Paris ne risque pas de coupure d'électricité en cas de vague de froid

Même si elle produit relativement peu d'énergie et en consomme beaucoup, l'Île-de-France serait une des dernières affectées par un black-out.

ALAIN JULIEN / AFP
ALAIN JULIEN / AFP

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Même si les basses températures en Île-de-France ne permettent pas encore de patiner sur les étangs du Bois de Boulogne ou de Ville d’Avray comme ce fut le cas certaines années, Paris subit comme tout le territoire les effets de la météorologie hivernale. Certes, Ségolène Royale, ministre en charge de l’Énergie, a tenu à rassurer les ménages français en affirmant le 18 janvier qu’ils ne connaîtraient pas de coupures d’électricité, à Paris ou ailleurs. Malgré tout, au niveau national, ce risque existe au cas où les températures descendraient de 6 ou 8°C au-dessous des moyennes saisonnières, estiment les météorologistes.

En fait, c’est toute l’Europe qui scrute le thermomètre. Mais les Français, qui sont dans leur globalité les plus gros consommateurs d’électricité en Europe (la consommation domestique a doublé en une trentaine d’années), se trouvent particulièrement concernés. Il est vrai que pour la première fois, grâce aux mesures d’efficacité énergétique, les prévisions de consommation d’électricité sont plutôt orientées à la baisse, notamment à partir de 2020. Néanmoins, il y aura toujours des pics de consommation qu’il faudra surmonter, surtout en début de soirée où ils sont les plus marqués.

Des dispositions sont prises pour opérer des délestages (coupures temporaires et volontaires de l’alimentation d’une partie du réseau pour éviter l’effondrement de la totalité) ou d’effacement (réduction de consommation de certains gros consommateurs). Et ces mesures peuvent en théorie s’appliquer à tout le territoire. Toutefois, on s’inquiète moins en Île-de-France que dans l’ouest, le nord ou l’est du pays. La capitale serait-elle mieux lotie que les autres régions françaises?

L’Île-de-France dépend à 90% des autres régions

L’Ile-de-France absorbe à elle seule 16% de la consommation française. En volume, cette consommation est plutôt cohérente avec sa population, qui représente environ 20% de la population nationale. Mais côté production, la région assure moins de 10% de ses besoins. La cogénération au gaz et l’incinération des déchets, qui interviennent pour une grande part dans le chauffage urbain, constituent environ 60% de la production d’électricité francilienne, le reste étant surtout constitué d’électricité d’origine thermique; la méthanisation, l’hydraulique et les énergies renouvelables interviennent également. Les nouvelles formes de production progressent: au total, 15% de cette production assurée par la région provient de sources renouvelables ou de récupération.

Avec la création du Grand Paris, RTE anticipe une hausse des besoins qui correspondront en 2030 à l’équivalent de deux centrales nucléaires

Reste que, malgré tout, l’Île-de-France continue d’importer plus de 90% de ses besoins des autres régions, dont elle est fort dépendante. Et avec la création du Grand Paris, RTE, la filiale d’EDF en charge du réseau français de transport d’électricité, anticipe une hausse des besoins qui correspondront en 2030 à l’équivalent de deux centrales nucléaires pour faire face aux pointes de consommation.

Le nucléaire en première ligne

Ce sont bien sûr les centrales nucléaires exploitées par EDF qui assurent la plus grosse partie de l’alimentation de la région capitale en électricité. Sur les 58 réacteurs répartis en 19 centrales sur le territoire national, les sites de Nogent-sur-Seine au sud est, de Paluel et Penly au nord ouest, de Dampierre en Burly, de Saint-Laurent-des-Eaux et de Belleville sur Loire plus au sud, sont les plus proches de la capitale.

Le problème cette année pour EDF provient de l’indisponibilité d’un certain nombre de réacteurs pour cause de maintenance. Pas moins de douze réacteurs étaient ainsi à l’arrêt pour vérifier que les conditions de sécurité étaient bien assurées malgré une anomalie relevée sur les générateurs de vapeur. L’ASN, autorité de sûreté nucléaire, a finalement autorisé le 12 janvier le redémarrage de neuf de ces réacteurs et validé le report de certains contrôles par EDF afin que l’électricien puisse faire face à la hausse de la demande liée à la vague de froid.

Car à cause du développement du chauffage électrique en France à des niveaux qu’aucun autre pays n’a connu (un logement sur trois est aujourd’hui équipé d’un mode de chauffage électrique!), les pics de consommation par grand froid atteignent des amplitudes qu’il est difficile d’absorber. À Paris comme ailleurs.

Importation

Certes, EDF n’est plus dans le cas de figure d’octobre dernier où 21 réacteurs étaient à l’arrêt, mais six ne sont toujours pas opérationnels en ce mois de janvier. Malgré tout, avec le renfort des parcs éoliens qui tournent actuellement à plein régime et dont la production avec celle des systèmes solaires équivaut selon Ségolène Royal à «huit réacteurs nucléaires», les besoins en électricité devraient être assurés.

RTE utilise pour acheminer l’électricité dans l’agglomération parisienne un périphérique à très haute tension (400.000 volts) relié au réseau national

Et donc, la capitale devrait être pourvue à hauteur de ses besoins grâce à la possibilité de RTE d’utiliser les différentes sources de production pour alimenter le réseau. Le gestionnaire du réseau peut aussi importer de l’énergie de pays voisins grâce aux interconnexions qui ont été développées. Mais la vague de froid touchant toute l’Europe, les opportunités pourraient toutefois être limitées.

Une boucle électrique à très haute tension autour de Paris

Reste que l’alimentation de Paris est complexe. Pour absorber toute l’énergie qui converge vers la capitale, une structure unique de réseau a été mise en place. Tout comme les flux de véhicules sont canalisés par la Francilienne qui traverse les départements qui entourent Paris et par le boulevard périphérique qui ceinture la capitale, RTE utilise pour acheminer l’électricité dans l’agglomération parisienne un périphérique à très haute tension (400.000 volts) relié au réseau national. Et donc aux centrales nucléaires réparties sur le territoire et qui fournissent 80% de l’électricité consommée en France.

Cette boucle capte l’énergie du réseau fournie par les régions. Elle alimente elle-même un réseau de lignes à 225.000 volts qui pénètrent jusqu’en grande et proche banlieue et fournissent, après transformation en courant de 20.000 volts, des secteurs comprenant environ 100.000 habitants qui recevront chez eux du courant en 220 volts. Le tout grâce à un réseau de câbles souterrains et de postes électriques à chacune de ces étapes chargés d’abaisser progressivement la tension pour diffuser l’énergie intra-muros jusqu’aux compteurs des particuliers et des entreprises. Ainsi que du métro qui, alimenté en courant continu à une tension de 750 volts, absorbe chaque année l’équivalent de la consommation électrique de 80.000 foyers français.  

Câbles doublés

On voit, tant pour les transports publics que l’activité du secteur tertiaire et le chauffage domestique, la régularité de l’approvisionnement est stratégique pour la région capitale. Pour gérer au mieux la répartition de l’approvisionnement et éviter les coupures, RTE peut jouer notamment sur les possibilités que lui procure la boucle à très haute tension, en cas de défaillance d’une source de production dans une région. Les câbles sont doublés pour l’alimentation des postes à 20.000 volts, pour permettre des solutions de secours en cas de défaillance.

Cette sécurité énergétique est aussi une condition nécessaire pour le développement des nouvelles technologies toutes consommatrices d’électricité. C’est la raison pour laquelle, notamment pour les investisseurs internationaux, la région Île-de-France serait l’une des dernières affectées par un black-out s’il devait survenir. Mais grâce notamment aux interconnexions et aux dispositifs automatiques de gestion du réseau, cette éventualité n’est pas retenue aujourd’hui, pas plus pour l’Île-de-France que pour d’autres régions. Et surtout pas aux niveaux de température que connaît la France aujourd’hui, qui sont loin des records de 1985 à -41°C dans le Doubs ou -22°C en Champagne, et même en 2012 où la température était descendue à -18°C en Île-de-France dans les Yvelines.

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