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La droite pro-Trump est devenue fan de Julian Assange

Donald Trump, Sarah Palin et Fox News détestaient WikiLeaks en 2010, mais depuis la publication par le site des e-mails privés de leaders démocrates, Assange s'est fait de nouveaux amis.

Julian Assange lors d'une conférence de presse vidéo retransmise à Berlin le 4 octobre 2016 I STEFFI LOOS/AFP.
Julian Assange lors d'une conférence de presse vidéo retransmise à Berlin le 4 octobre 2016 I STEFFI LOOS/AFP.

Temps de lecture: 3 minutes

En 2010, le présentateur de Fox News Sean Hannity avait appelé à l'arrestation de Julian Assange, dont l'organisation WikiLeaks venait de diffuser des secrets militaires américains fuités par Chelsea Manning. Hannity avait alors accusé Assange «d'être en guerre contre les États-Unis» et se demandait pourquoi l'administration Obama n'avait rien fait contre lui:

«Pourquoi n'ont-ils pas poursuivi ce type et pourquoi ne l'ont-ils pas arrêté. [...] Obama ne peut-il rien faire contre WikiLeaks?»

Mais depuis que WikiLeaks a publié les e-mails de plusieurs membres du parti démocrate et de John Podesta, le chef de campagne d'Hillary Clinton, Hannity a complètement changé d'avis. En septembre sur Fox, il a souhaité à Assange d'être bientôt libéré et l'a remercié d'avoir montré «à quel point notre gouvernement est corrompu, malhonnête et faux». Plus récemment, il s'est déplacé à l'ambassade d'Équateur à Londres pour une longue interview diffusée le 3 janvier sur la chaîne conservatrice. 

Revirement

Après avoir vu l'entretien, l'ex-gouverneure d'Alaska Sarah Palin s'est aussi déclarée fan d'Assange. Sur Twitter, elle s'est même excusée de l'avoir critiqué par le passé.

«Julian Assange: Je m'excuse».

En effet, en 2010, l'ancienne candidate à la vice-présidence l'avait accusé d'avoir «du sang sur les mains» et dit qu'il devrait être traqué comme «al-Qaïda et les leaders talibans».

Donald Trump a opéré un revirement similaire. Il y a six ans, il avait qualifié WikiLeaks de «honteux» et dit que les responsables des fuites de secrets militaires méritaient la peine de mort, mais pendant sa campagne présidentielle, il a déclaré qu'il adorait WikiLeaks. 

Trump et ses alliés ont beaucoup exagéré le caractère négatif des révélations inclues dans les e-mails des démocrates publiés par WikiLeaks, mais l'organisation d'Assange n'a jamais rien fait pour rectifier le tir, au contraire. Le compte Twitter de l'organisation a diffusé des théories du complot sur Clinton, comme celle selon laquelle un lanceur d'alertes démocrate aurait été assassiné car il en savait trop sur la candidate.

Pendant l'entretien diffusé sur Fox le 3 janvier, Assange a répété que la source des e-mails fuités n'était «pas le gouvernement russe», une déclaration qui va à l'encontre des conclusions des agences de renseignements américains. Selon le FBI, la CIA et le département de Sécurité intérieure (ainsi que plusieurs chercheurs indépendants), les services secrets russes ont commandité les cyberattaques contre Podesta et le Comité national démocrate avec le soutien du Kremlin

Qui faut-il croire?

Mais étant donné que l'affirmation d'Assange correspond à la position de Trump, qui s'est toujours montré sceptique vis-à-vis des accusations de hacking russe, Hannity ne l'a pas remise en question. Pourtant, comme le souligne le New York Times, Assange a souvent admis qu'il ne connaissait pas toujours l'identité de ses sources:

«Il est fort peu probable que quelqu'un qui approcherait WikiLeaks avec des e-mails obtenus par du hacking commandité par le gouvernement russe mentionnerait quelle est sa source. Il est donc probable que M. Assange ne puisse être certain de l'origine de ces e-mails.».

Ces huit dernières années, Hannity s'est distingué par ses émissions insinuant que le président américain était un musulman né au Kenya, et il a été ravi d'entendre Assange le critiquer. Pour le fondateur de WikiLeaks, l'actuel gouvernement est en train «d'essayer de délégitimer l'administration Trump avant son arrivée à la Maison-Blanche». 

Après la diffusion de l'interview, Hannity a tweeté une question rhétorique:

«Question du jour: Qui croyez-vous? Julian Assange ou Président Obama et Hillary Clinton?»

Méfiance dans les rangs

Il a posé la question le 3 janvier à 22h59 et le 4 janvier à 6h22 du matin, Donald Trump a semblé y répondre sur Twitter, en choisissant Assange:

«Julian Assange a dit "un jeune de 14 ans aurait pu hacker Podesta" –pourquoi le Comité national démocrate a-t-il été si négligent? Il a aussi dit que les Russes ne lui avaient pas donné l'info!»

Sur la Russie, Trump semble donc faire plus confiance à Assange qu'aux renseignements américains.

Comme l'a noté le journaliste Neil King sur Twitter, l'élection de Trump et les accusations de hacking russe ont créé un étrange renversement: les démocrates soutiennent les conclusions de la CIA alors que la future administration républicaine préfère Assange, jadis célébré par la gauche et l'extrême gauche.

Ceci dit, tous les Républicains ne suivent pas la ligne pro-russe et pro-Assange de Trump. Peu après le tweet de Trump, le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, a qualifié Assange de «courtisan de la Russie», et le sénateur Lindsey Graham a dit que le commentaire de Trump sur Assange était «très inquiétant».

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