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Les succès en trompe l’œil de Vladimir Poutine

La puissance militaire et économique russe est très surévaluée.

Vladimir Poutine monte un cheval lors d’une sortie en Sibérie, le 3 août 2009. RIA NOVOSTI / REUTERS
Vladimir Poutine monte un cheval lors d’une sortie en Sibérie, le 3 août 2009. RIA NOVOSTI / REUTERS

Temps de lecture: 3 minutes - Repéré sur Deutsche Welle, Huffington Post

A première vue, l’année 2016 a été extrêmement favorable au Président russe Vladimir Poutine. Il a même multiplié les succès. En  Syrie, en permettant à son allié Bachar el Assad de se maintenir au pouvoir et de s’imposer militairement avec la prise d’Alep. En contraignant la Turquie d’Erdogan à se rapprocher de Moscou. Le Brexit qui affaibli l’Union Européenne, ennemi désigné de la Russie, est aussi une victoire saluée par le Kremlin tout comme l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis qui n’a cessé de faire part de son admiration pour Poutine. Il faut dire que les hackers russes lui ont facilité la tâche. Enfin, se profile en France en 2017 l’arrivée au pouvoir de François Fillon adepte lui-aussi d’un «rééquilibrage» des relations avec Moscou. Même le prix du pétrole, la source essentielle de devise et d’exportation pour la Russie, a commencé doucement à remonter

L’autocrate du Kremlin, qui a fait disparaître par l’intimidation, les arrestations arbitraires, les assassinats et le contrôle des médias toute opposition intérieure semble irrésistible. Mais pour la Deutsche Welle la radio et télévision publique allemande, cette analyse est sommaire et trompeuse. La puissance réelle de la Russie géopolitique, économique, militaire et technologique est très exagérée. Voilà pourquoi.

Faiblesse économique, limites militaires

Si la Russie est apparue aussi forte militairement en Syrie, c’est avant tout parce que l’occident et plus particulièrement les Etats-Unis ne sont pas intervenus comme ils avaient déclaré qu’ils le feraient. Le recul de Barack Obama à l’été 2013, après des attaques à l’arme chimique menées par Bachar el Assad, a montré au monde entier que les Etats-Unis n’avaient plus la volonté de mener une intervention militaire extérieure. C’est seulement à la lumière de cette soudaine impuissance que quelques mois plus tard, la Russie annexait la Crimée puis semait le désordre à l’est de l’Ukraine et enfin intervenait directement militairement dans le guerre civile syrienne.

Si l’aide militaire russe a été décisive pour permettre à Bachar el Assad de conserver son pouvoir, elle a été presque exclusivement aérienne. La capacité de projection de l’armée russe n’a rien à voir avec celle de l’armée américaine, notamment au sol et en mer. Le seul porte-avion russe envoyé au large de la Syrie a connu de multiples avaries au point d’envoyer ces avions au sol. L’aviation russe semble exténuée. La victoire obtenue notamment à Alep n’a été possible que par l’engagement massif au sol de troupes iraniennes et des affidés de Téhéran, le Hezbollah libanais et des milices chiites regroupant divers nationalités. Et il reste encore à voir si la coalition russo-iranienne est capable d’infliger de réels revers à l’Etat islamique, qui était, dans les discours en tout cas, la principale cible de l’intervention militaire russe.

Par ailleurs, la Deutsche Welle souligne que la Russie «n’a pas la capacité économique de reconstruire la Syrie… La Russie n’a pas le pouvoir économique et politique pour imposer un ordre stable et durable dans les «zones d’influence» qu’elle vient de conquérir».

La rente pétrolière

La grande faiblesse de la Russie est économique. Selon le FMI, elle représente selon les parités de pouvoir d’achat moins de 3% de l’économie mondiale. Si Moscou s’est félicité du Brexit et de la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine, les conséquences économiques de ces scrutins pourraient être négatives pour Vladimir Poutine. Si Donald Trump réalise son programme économique protectionniste, il provoquera sans doute une récession mondiale et l’économie russe déjà mal en point va beaucoup en pâtir. C’est en tout cas ce que pense le Prix Nobel d’économie Paul Krugman.

L’économie russe est en récession depuis plusieurs années et n’a toujours pas connu de croissance en 2016. La corruption est massive. Les salaires baissent et les inégalités ne cessent de croitre entre la masse de la population et les oligarques. L’économie russe dépend exclusivement des exportations de matières premières et plus particulièrement de pétrole et de gaz qui représentent près des deux-tiers de ses ventes à l’étranger. Son industrie manque à la fois de capacité d’innovation et de capital et comme toujours, les capitaux sont transférés massivement par les oligarques à l’étranger. Toutes les tentatives de modernisation ont échoué. Le seul espoir est que les cours du pétrole remontent rapidement et fortement ce qui est peu vraisemblable surtout en cas de récession.

Le Kremlin fait donc fonctionner à plein régime et avec succès sa machine de propagande qui exalte le nationalisme et explique que les difficultés russes sont le fait d’un complot occidental. La prochaine élection présidentielle aura lieu en mars 2018. Pour l’instant, la population russe est apathique ce qu’a montré la très faible participation en septembre aux élections législatives. Cela convient parfaitement à Vladimir Poutine. Mais il est aussi à la merci d’un coup d’état ou d’un complot interne et s’en méfie comme le montre les divers limogeages de dirigeants intervenus au cours des derniers mois.

Le régime de Poutine, cité en exemple par les populistes et l’extrême-droite, est comme tous les pouvoirs construits sur la force, condamné à prouver sans cesse qu’il est inflexible et invulnérable et condamné à entretenir la crainte parmi les opposants. Tout signe de faiblesse serait extrêmement dangereux.

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