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En 2016, pas de miracle. L’annus horribilis, reconnue comme universellement pourrie (quoique) n’est pas non plus un grand cru pour la rigolade française au cinéma. C’est la sixième année consécutive que je regarde la quasi totalité des comédies que produit notre beau pays. C’est la grosse déconfiture pour à peu près toutes les grandes «sagas de l’humour» qui trustent le meilleur du pire de ce classement annuel. Mais sur les 25 films à afficher le plus d’entrées en 2016, les 6 films français sont tous des comédies.
Pour faire ce top, il faut faire des choix et écrémer au moins la moitié de la production nationale. Exit donc Amis Public, alias le Tchao Pantin de Kev Adams. Il s’agit d’une comédie sociale sur une victime d’un cancer provoqué par une explosion d’usine simili-AZF qui va grâce à Kev, exaucer son souhait: braquer des banques. Désolé aussi Marseille. Le film de Kad Merad, hein, pas la série de Netflix. Vrai-faux Bienvenue chez les Ch’tis inversé et véritable film sur la déprime de se voir mourir dans une ville qui n’est pas la sienne.
Kad Merad qu’on voyait un peu partout ces dernières années s’est fait discret. Dans le concours «ma binette est partout», c'est plutôt Sylvie Testud qui l'emporte haut la main: quatre films, quatre comédies. A égalité avec Philippe Katerine, qui alterne le soporifique Gaz de France avec la meilleure scène de La Tour 2 Contrôle Infernale à savoir un zoom sur son nez. Pardon aussi à C’est quoi cette famille?!, énième tentative autour des familles recomposées et ses gamins tous équipés de bons mots d’adultes horripilants. Les bons films sur l’enfance, genre très bien représenté ces dernières années, ont un peu disparu en 2016. Les YouTubeurs n’ont pas encore réussi à s’imposer, à l’image du Correspondant, avec le pourtant pas dénué de talent Jimmy Labeeu, qui comptabilise seulement 60.000 entrées. Autre portée disparue, la comédie romantique. Même à la Saint-Valentin, il n’y a guère eu que Joséphine s’arrondit.
Signalons aussi l’après Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu? avec Débarquement immédiat de Philippe de Chauvron. Sorti le 13 juillet, ce buddy movie un peu tendax d’un flic qui expulse un Algérien qu’on prend pour un Afghan est, quoiqu’il arrive, un bon prélude à A bras ouverts. D’abord connu sous le nom de Sivouplééé, Christian Clavier y incarne avec tout son panache un imbuvable BHL obligé d'accueillir des Roms chez lui. Ça sort à deux semaines du premier tour de l'élection présidentielle 2017. Allez, vivement l’année prochaine!
Après un an, voici donc le bilan, il se lit du meilleur film au pire (et pour relire les tops des années précédents, voici ceux de 2011, 2012, 2013, 2014, 2015).
25.La Loi de la jungleFluide Glacial contre la bureaucratie
C’est l’histoire d’un fonctionnaire stagiaire incapable qui part en Guyane pour veiller à la mise aux normes européennes de «Guyaneige», une piste de ski d'intérieur en pleine Amazonie. Ce que le pitch ne dit presque pas, c’est que le nouveau film d’Antonin Peretjatko est une fable burlesque sur fond de musique de Goldorak. Elle se moque de l’administration, de la France, avec une énergie parfois brouillonne mais percutante. C’est hilarant et sensuel, sans doute la meilleure comédie de Vincent Macaigne avec la formidable Vimala Pons, régulièrement haut placée dans ce classement annuel. La Loi de la jungle est sans doute la comédie à l’humour le plus proche de celui, parodique et sophistiqué, du très regretté Gotlib, entre Fluide Glacial et L’Echo des Savanes.
24.VictoriaVirginie Efira, toujours dans les bons coups
C’est une évidence, en 2016, personne ne sait jouer aussi bien le bourbier sentimental d’une avocate working girl mieux que Virginie Efira. Victoria embauche l'un de ses anciens clients, un petit trafiquant joué par un Vincent Lacoste complètement lunaire, comme jeune homme au pair. En même temps, elle accepte une affaire en dépit de toute déontologie. Ajoutez à ça un ex qui blogue sa vie intime, un client mis en examen pour tentative de meurtre. Et rien, mais vraiment rien, ne laisse imaginer qu’un chien puis un singe viennent témoigner à la barre. Dans l’Omaha beach qu’est la comédie de moeurs mettant en scène une femme désemparée, Victoria est une perle bien trop rare.
23.Un petit boulotLa meilleure tentative de frères Coen à la française
Les comédies sociales sont aussi très souvent une hécatombe, sans doute parce qu’on tombe très facilement dans les bons sentiments. Comme pour le café, ça ne fonctionne que s’il est très très noir et, visiblement, peu de films osent embrasser cette noirceur. Cet anti-polar humoristique fonctionne justement à merveille grâce à ses personnages atypiques et cassés, de vraies gueules de cinéma servies par des dialogues bien chaloupés. Les seconds rôles sont tous savoureux. Film posthume de Pascal Chaumeil (L’Arnacoeur), adapté du roman de Iain Levinson par Michel Blanc, Un petit boulot est la proposition la plus proche d’un film des frères Coen à la française. Rien que de l’écrire donne un peu la mesure du travail investi dans ce film.
22.Adopte un veufL'héritage du stand-up
Si la greffe des YouTubeurs au cinéma n’a pas encore fonctionné, celle des comédiens du stand-up prend largement mieux. Adopte un veuf est sans doute un véhicule pour propulser Bérengère Krief au rang des «actrices qui comptent». Mais elle amène indéniablement une véritable énergie à l’écran, et sa complicité avec les autres comédiens –André Dussolier en tête– est palpable. L’histoire d’une colocation à la suite d’un quiproquo est un des prétextes de comédies les plus vieux du monde, mais parfois la simplicité fonctionne. C’est presque comme si les personnages se racontaient eux-mêmes. On devine dans Adopte un veuf l’ambition modeste de faire une comédie populaire sans cynisme avec une vraie volonté de faire d’un huis-clos un film joli à regarder.
21.Radin !Quand Dany Boon rencontre la noirceur de Fred Cavayé
On peut être surpris par le parti-pris de la réalisation de Radin !: ses tons très sombres, le cadrage, comme si chaque plan évoque la claustrophobie et la maladie de son personnage principal. Plus habitué des polars nerveux, Fred Cavayé s’essaye avec réussite à sa première comédie. Continuant ici son étude des petites afflictions humaines après Supercondriaque, Dany Boon trouve ici un de ses meilleurs rôles. On pense un peu à de Funès dans la recherche de la veulerie humaine. Il n’hésite pas à forcer le trait dans l’antipathie, carrément fou mais touchant à la fois. C’est sans doute cela la réussite de Radin !: il ne cherche jamais à mettre son anti-héros sur le piédestal des victimes. Jusqu’au bout, il est atteint. La morale, s’il y en a une, c’est que la guérison est un chemin doux-amer.
20.PattayaLes Kaïra hors-série
Si une comédie devait se juger sur ses quinze premières minutes, Pattaya serait sans aucun doute possible LA comédie de l’année. Le pic de ce départ en fanfare est atteint avec l'apparition de Gad Elmaleh, prof de muay-thaï pour nains en Thaïlande. A partir de là, il est devenu évident que l'on ne pourrait que redescendre. Suite non-officielle des Kaïra, la bonne surprise de 2012, Franck Gastambide reprend les mêmes éléments qui ont fait son succès. Mais, passée cette intro à se tordre de rire qui implique un nain pêché dans les filets d’une cage de but (!), l’histoire se transporte à Pattaya où la comédie se fait franchement médiocre. C’est comme les suites où l’on déplace l’intrigue aux USA, on finit par ne plus se sentir concerné. Je ne devrais pas sûrement pas classer si haut un film sur la base de sa première partie. Mais, si vous avez un fétichisme pour les nains ou le caca, bon sang, vous êtes dans le cœur de cible, foncez.
19.La Vache / Good luck Algeria / Bienvenue à Marly-GomontFeel good movies en stock
Il n'y pas assez de place pour parler de toutes les comédies, mais on ne peut pas nier l’existence d’un style de comédie en 2016, celui du conte de fées, hymne à l’acceptation de l’autre, à la différence. Il s’agit systématiquement de feel good movies parfois basés sur de faits réels mais au déroulement souvent improbable. La réussite de ces entreprises dépend complètement du charisme et de l’affinité de ses acteurs respectifs. Le plus mémorable est sans doute ce vieux fermier algérien qui se rend à Paris avec sa vache pour la présenter au Salon de l’agriculture. Je crois que je pourrais l’écouter chanter «Joe le taxi» et «Macumba» tous les jours tellement il me donne la pêche.
18.Papa ou Maman 2Le cap difficile du deuxième album
Comédie féroce et tordante du début de 2015, Papa ou Maman fonctionnait grâce à la méchanceté inouïe de Marina Foïs et Laurent Laffite envers leurs enfants. La suite commence un peu sur ces bases en ajoutant deux personnages, les nouveaux compagnons de chacun. Jonathan Cohen, qui joue exactement comme dans «Serge le mytho», ajoute une touche surréaliste à un concours de bite œnologique. L’histoire se débarrasse assez vite de ce couple d’intro, et la fin nous téléporte carrément à La Réunion où l’on commence vraiment à s’ennuyer. En fait, le problème vient des enfants qui ont trop grandi. Le concept de Papa ou Maman fonctionnait lorsque les parents étaient de véritables peaux de vaches avec leurs enfants. Dans cette suite, les gamins réagissent, sont trop présents et on finit par se retrouver devant une comédie de divorce comme tant d’autres, avec des gamins qui ont des bons mots d’adulte.
17.FiveLe film de potes irritant
Five, c’est le danger du film de potes qui se filme en se disant «Putain, qu’est-ce qu’on est des potes et qu’est ce qu’on est bons». Alors que la bande-annonce prédisait une histoire rigolote autour de Pierre Niney et de sa bande, on tombe vite dans le film de riches dealers. On n'a rapidement plus aucune envie de voir ces gars et ce n’est pas le caméo ubuesque de Fanny Ardant et les rebondissements fatigants enfournés au chausse-pied qui y changent quelque chose. Seul personnage qui surnage dans ce film: le génial Hedi Bouchenafa, la révélation de l’année (meilleur comédien dans Marseille sur Netflix).
16.Les Têtes de l'emploiLa tentation d’un Dark Franck Dubosc
Souvenez-vous de Boule & Bill, le film. Dans Les Têtes de l’emploi, l’équipe de Boule & Bill continue, avec plus de succès, son exploration du marasme de la banlieue. Cette fois-ci, en plus des HLM, on ajoute le chômage qui frappe les employés d’une agence Pôle Emploi. Menacés de fermer à cause de sa trop grande efficacité, ses employés décident d’engager les pires des candidats possibles pour se saborder. Des manchots, des travestis, tout ce qui fait mauvais genre, choisis par un Franck Dubosc aussi moustachu que raciste. Malheureusement, cette idée de départ assez intéressante pour le malaise qu’elle provoque est littéralement écartée en quelques minutes. Encore une fois la bande-annonce nous pipeaute. A la place, on assiste à la descente en vrille de Franck Dubosc et Elsa Zylberstein dans la dépression durant une heure et demie. Reste une hypothèse, une proposition intrigante: celle d’un Dark Franck Dubosc plutôt convaincant.
15.Saint AmourLe bon sens paysan des gars de Canal+
On se demandait où en était l'équipe de «Groland» après toutes ces années. Bah, comme d’habitude, ils son en plein coma éthylique. Saint Amour offre quelques moments géniaux de franche camaraderie entre un père et son fils. Conduit par un Vincent Lacoste confinant au génie devant ses deux partenaires maousses, Depardieu et Poelvoorde partent ensemble faire la route des vins. Sans rire. L’absence totale d’ambition de cinéma laisse la place à une forme de sincérité gaga, celle des bons vivants qui aiment picoler, baiser. Comme dans tous les films de Delépine et Kervern, on ne peut s’empêcher de se laisser aller à de la poésie prolo douce amère. Par moment réjouissante, l’aventure finit souvent par gêner, surtout quand on se rend compte que tout tourne autour de l’angoisse existentielle de vieux bonshommes qui s’inquiètent de la qualité de leur sperme. J’invente rien, c’est dit texto dans le film.
14.Tout schuss / A fondLa José Garçiaxploitation
Je ne me suis pas attardé sur ce que l'on pourrait appeler le «film José Garcia», alors je me rattrape cette année. Toujours agité, pas vraiment drôle. On l’oublie trop souvent, mais José Garcia est toujours là. De janvier à décembre, son année passe à la vitesse de l’éclair avec deux films rythmés, mais pas foncièrement drôles. Si Tout schuss peut être oublié tant il s’évapore au soleil, A fond est une sorte de reprise comique de Speed avec une voiture coincée à 130km à l’heure sur l’autoroute. Dussolier, capable du meilleur, donne ici la pire de ses prestations. Il réussit à faire passer José Garcia pour un mec calme, posé et très concentré sur ce qu’il fait. En vrai, la meilleure comédie de l’année de José Garcia, c’est Bastille Day. Il y joue le ministre de l’Intérieur qui instrumentalise des militants de Nuit debout face à Idris Elba. Bien entendu, c’est involontaire mais là, putain, il est hilarant.
13.La folle histoire de Max et LéonToujours meilleurs sur YouTube
Héritiers presque par défaut de l’esprit des Inconnus et des Nuls à la la télé, le Palmashow, duo qui cartonne sur internet et sur C8, s’essaye au cinéma avec moins de réussite. Max et Léon, deux baltringues désertent l’armée alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage et vont se balader partout. Des tranchées à la zone libérée, de Londres au Maghreb, ils jouent aux cons et prennent à chaque fois la fuite. Jouant sur les clichés des collabos et des résistants, La Folle Histoire montre sa limite assez vite. N’étant ni Gérard Oury ni Paul Verhoeven, ils alignent les situations molles. Un espoir fugace survient quand les deux lâches s’engagent dans l’agence de propagande de Vichy, le meilleur moment du film, situé dans le dernier tiers. Là, il y avait une vraie idée. Peine perdue: juste après, des résistants se font exécuter presque au détour d’un mouvement de caméra, comme le malaise de jouer avec des concepts historiques qui les dépassent. La dernière scène, montrant les deux compères sur le point d’aller mourir lors du Débarquement comme si c’était une blague, illustre parfaitement le malaise des situations forcées. Même si on a du talent, certains sujets méritent vraiment plus de travail pour faire rire.
12.Ils sont partoutYvan dans tous ses états
Une comédie sur l’antisémitisme? Pourquoi pas. La férocité et l’autodérision de l’humour juif sont vraiment parfaits pour cela. Le premier problème se pose dès le début de Ils sont partout, avec le narrateur Yvan, joué par Yvan Attal, également scénariste et réalisateur du film. Voix off, visite chez le psy, le ton pas très drôle est donné. Il s’agit d’un des segments qui fait le lien dans ce film à sketchs. De fait, ils sont tous très différents et forcément inégaux. On ne va pas se raconter d’histoires, c’est pas toujours très drôle ni aussi fin que ça devrait l’être. La palme de l’angoisse revient à Charlotte Gainsbourg agressée (et violée? on ne saura pas, c’est la fin de son histoire). Le plus épatant dans tout ça, à la surprise générale, c’est Gilles Lellouche qui utilise une machine à remonter le temps et qui va finir par prendre la place de Jésus. A défaut d’être cette comédie qui met tout le monde d’accord, Ils sont partout devient avec ces quinze minutes hallucinantes la meilleure adaptation d’Assassin’s Creed au cinéma.
11.Ma famille t'adore déjàLa comédie de gendre tourne à vide
Classico absolu, la comédie de gendre ne se renouvelle plus vraiment, aux États-Unis comme en France. Le héros absolument improbable et transparent se voit confronté à une belle-famille difficile à encadrer. Tous les rôles féminins sans aucune exception sont atroces. Jérôme Commandeur co-réalise, lui qui se coltine depuis 10 ans des rôles d’idiot des familles (remember BarbecUMP il y a deux ans). Il s’est donc en toute logique gardé le rôle du beau-frère con de cette famille bourge qui passe ses vacances à l’Île de Ré, pulls portés sur les épaules. Mais le plus gros problème se situe, pour une fois, tout aussi bien dans l’écriture que de la réalisation. On se demande parfois si on ne rigole pas par absence de gags ou à cause d’un mauvais mixage. Par moment, le film ressemble à une copie de travail pas terminée, comme si on avait cherché à rendre inaudible les punchline parce qu’elles ne sont pas suffisamment drôles.
10.Encore heureuxLa comédie des années Hollande de fin de règne
S’il y a un film dans cette liste qui incarne le mieux les années Hollande, c’est celui-là. Ce n’est pas fondamentalement un compliment. Dans Encore heureux, il est étonnant de voir à quel point Sandrine Kiberlain et Edouard Baer abusent des bons mots de gens de gauche désabusés. «Je vais me barrer avec un autre, un riche, un sarkoziste» ou encore «On est la risée du quartier, même Hollande, on le regarde avec plus de respect» sont les répliques molles d’une comédie sociale qui essaye de capter l’air du temps mais qui n’y arrive pas. D’ailleurs, cette comédie n’a pas un an qu’elle est déjà complètement datée à namedropper des politiciens retraités. Malgré des comédiens au top, le film se résume en une phrase: Un couple en détresse profite de la mort de leur voisine, il se passe pas grand chose et à la fin ils la remplacent par leur propre mère. Ça aurait pu fonctionner, avec des gags, une tension et pas simplement des bonnes répliques.
9.Un homme à la hauteurFifty Shades of Jean Dujardin
Je vais économiser du temps car je n’ai pas envie de parler du piteux Brice de Nice 3, véritable show suicidaire de la carrière comique de Jean Dujardin. Pourquoi s’obstine-t-il à ressusciter un concept comme Brice plutôt que de faire un nouvel épisode d’OSS 117 ? La facilité et la flemme sont les réponses les plus probables. Passons plutôt à Un homme à la hauteur.
Les premières images et les bande-annonces flirtaient avec le malaise: Jean Dujardin petit. Dans ce remake d’un film argentin, pas un seul plan ne fonctionne. Tous les stratagèmes d’acteurs à genoux tombent à plat comme des images de synthèse essayant de ramener des acteurs morts à la vie. Jean Dujardin reste le hobbit de lui-même durant les deux heures de cette romcom interminable où la pauvre Virginie Efira essaye d’y croire. Va-t-elle tomber amoureuse de cet homme d’à peine 1m40? Heureusement, c’est un architecte plein aux as qui va lui rappeler que la beauté, c’est intérieur. Et la seule chose que l'on comprend, c’est que la séduction se fait grâce à une richesse décomplexée. Au point que l'on pourrait rebaptiser le film Fifty Shades of Dujardin.
8.Rupture pour tousPas de miracle pour un concept pourri
Mathias, incarné par une espèce de Fred Testot avec des cheveux, dirige une société qui gère les ruptures des gens. C’est une idée stupide qui semble tout droit sortie d’un mauvais article sociétal de magazine. Le pire pour une comédie qui essaie d’être dans l’air du temps, c’est quand elle se force. Plus poussif que ce pitch, c’est le couple de protagonistes qui n’ont absolument aucune alchimie mais qui finissent ensemble parce que bon, c’est quand même une comédie romantique et que le personnage d’Aïssa Maïga est écarté à mi-parcours. Un signe qui ne trompe pas: ça se termine par un morceau de danse sorti de nulle part, le degré zéro du film qui ne sait pas comment s’arrêter. Rupture pour tous, désolant pour tout le monde.
7.Les Tuche 2: le rêve américainLa calamité numéro 1
Les Tuche sont de retour avec toujours cette même débilité crasse. Sauf que maintenant, ils sont bel et bien riches, c’est gravé dans le marbre. Attention, riches mais toujours aussi flemmards, après des années à avoir profité des allocs. Alors qu’est-ce qu’il leur reste à raconter? Absolument rien. Pendant une heure et demie. Du coup, hop, déplaçons l’intrigue aux États-Unis, cette fameuse combine dont nous parlions plus haut.
En plus d’être des abrutis qui ont brimé leur gamin parce qu’il est intelligent, le gag principal de cette suite, comme Hollywoo et Astérix et Obélix: au service de Sa Majesté, c’est qu’ils parlent mal anglais. Et. C’est. Tout. Il faut voir les arcs narratifs pathétiques de chacun des membres, que ce soit Tuche Daddy qui fait son coming-out ou Claire Nadeau qui bredouille pendant tout le film. Il a pourtant été numéro 2 du box-office avec 4,6 millions de spectateurs juste derrière Zootopie, meilleur film d'animation de l'année, comme s’il s’agissait d’un malentendu. On a peine à croire qu’ils se sont mis à cinq scénaristes pour produire quelque chose d’aussi indigent, sans même se donner la peine de construire des sketchs, rien. C’est rare de voir un film qui offre autant de satisfaction qu’une endive moite et pourtant, c’est un peu ça, le rêve américain des Tuche.
6.VickyLa famille melon
On a trouvé pire que les acteurs enfants de stars qui se la jouent «Non non, je me suis fait tout seul, je ne dois rien à personne». C’est la comédie qui nous rappelle à tout moment «Hé m’oubliez pas, je suis un enfant de star». C’est le cas de Vicky, film égotrip écrit par Victoria Bedos. Son message, c’est que «ohlalala c’est si dur de vivre au milieu de tous ces ego». Trop dur. C’est si dur que Vicky a tout refoulé. La voilà à 30 piges découvrant la musique, l’alcool et –moment de gêne– l’orgasme. Difficile de toucher avec une histoire aussi légère, une sphère bourgeoise qui se mini-rebelle pour chanter sur scène dans les petits clubs parisiens. Pourtant, il y avait quelques atouts dans cette comédie, comme Benjamin Biolay qui n’a pas son pareil pour jouer la star-connard lubrique ou encore Chantal Lauby, toujours cool. Mais celui qui surnage là-dedans, c’est l’incroyable Jonathan Cohen (encore lui), plus vrai que nature en simili-Nicolas Bedos qui accoste les filles en offrant de les sodomiser. Le problème, c’est que ça sent la thérapie sur péloche. Dans l’absolu, on a rien contre ça, c’est un processus créatif comme un autre. Prince, au lieu de faire une thérapie, il accouchait d’un double album anthologique. Eh bien croyez-moi sur parole, les chansons de Vicky, c’est pas du Prince.
5.Arrête ton cinémaLe cinéma n’a jamais eu aussi peu envie de lui-même
S’il y a un film qui incarne le cauchemar du cinéma français dans toute sa caricature, c’est celui-là. Accrochez-vous: Sylvie Testud, alias Sybille, écrit son film et le propose à un couple de productrices cocaïnées. Ce qu’il faut savoir, c’est que Diane Kurys adapte ici un roman de Sylvie Testud où l’actrice racontait déjà son incapacité à en adapter un autre en film. Boum, la mise en abîme. Zabou et Balasko jouent ces fameuses productrices qu’on imagine inspirées de personnes réelles. A elles deux, elles repoussent très loin le concept de jeu en roue libre qui n’est pas sans rappeler les années Belphégor de Sophie Marceau.
Ne cherchez pas plus loin, Arrête ton cinéma décroche la palme tant enviée du cinéma de l’entre-soi. C’est inouï qu’un film qui parle autant de cinéma soit aussi mal réalisé. Plusieurs des scènes les plus moches de l’année se trouvent dans ce film. Et si vous êtes courageux, ma préférée est celle du fauteuil roulant qui part en sucette dans un cimetière, la caméra ne sachant plus comment suivre. Entre le jeu peu concerné –pour ne pas dire consternant– des acteurs et la réalisation à la ramasse complète, Arrête ton cinéma est le sacre des comédies que, heureusement, personne ne va voir.
4.Les naufragésLe Koh-Lanta de Daniel Auteuil que personne n’a demandé
Qui a envie de voir un Koh-Lanta où Daniel Auteuil est coincé sur une île déserte avec Laurent Stocker? Réponse: personne. Avec son budget de 14 millions d’euros pour 99.263 entrées sur 264 salles, ça nous fait 141 euros la place. C’est un des plus gros gadins de l’année du cinéma français. Après l’atroce Nos Femmes (voir l’année dernière) et Entre Amis où il jouait déjà le quinqua richissime qui finit en pleine mer, Daniel Auteuil continue son calvaire, essayer de donner envie aux gens de venir rigoler dans les salles de cinéma.
Le twist, c’est qu’en fait, ils ne sont pas sur une île déserte et Laurent Stocker va se la couler douce de l’autre côté, à la plage, pendant que Daniel Auteuil, en méta-Bolloré hirsute, devient littéralement un homme sauvage. Nul de bout en bout, Les Naufragés est illuminé à un moment, quand Auteuil doit affronter une bête féroce, une scène si nulle qu’elle en devient absolument sublime. Allez, voilà où sont passés les 14 millions:
Les Naufragés est un de ces cas précis où l’on se dit: bon sang, c'eût été mieux avec Christian Clavier.
3.Ma LoutePhysiquement insoutenable
C’est la seule comédie de l’année qu’il m’a été physiquement impossible de voir jusqu'à son terme, je suis sorti de la salle à quelques minutes de la fin. Mon incompréhension est totale. «Tu vas voir, c’est génial. J’ai jamais autant rigolé»; «va voir le Bruno Dumont, c’est une comédie», me disaient mes amis de bon goût. Le film est adoubé par la presse qui le qualifie de «chef d’oeuvre». J'étais donc entré sans préjugé dans le monde de Ma Loute. Mais j'en suis sorti en position latérale de sécurité.
Ma Loute est une comédie réalisée par quelqu’un qui visiblement déteste la comédie, ses personnages et aussi les gens qui y vont. Il est possible que le mépris soit un moteur comique. A la fois film d’époque, film expérimental, mélancolique, débile, les personnages semblent sortir d’une fête foraine du début du siècle où l’on exposait les monstres pour s’en moquer. C’est peut-être là, la seule pointe de lumière de ce film, c’est que tout le monde est traité de la même manière, riches comme pauvres, avec le même dédain. Le cabotinage maniéré si caractéristique des comédiens est la marque des réalisateurs qui demandent autre chose. Du coup, Luchini donne exactement ça, autre chose. Le résultat est comme le projet, terrifiant. Au moins, c’est cohérent. Au moment où tout son petit univers s’agite pour littéralement sauver ses héros de la noyade, j’avais pris l’eau. Au. Secours.
2.Les Visiteurs 3: la RévolutionLa catastrophe 18 years in the making
De tous les films de cette liste, Les Visiteurs 3 est certainement le plus laid. A côté, Les Visiteurs 2, c’est La Grande Vadrouille. Dans ce troisième volet, tout le monde y joue mal, sans aucune exception. Reno, Clavier, Chazel, Dubosc, Abittan, Alex Lutz, Karin Viard, Sylvie Testud… tous ont l’air de ne pas savoir ce qu’ils font dans cette galère. A tel point que Pascal N’Zonzi doit être bien content finalement de ne pas être sur l’affiche. Même les placements produits farfelus et anachroniques sont gênés d’exister là-dedans. Plus agité que jamais, Jean-Marie Poiré s’évertue à prendre ce qu’il y a de pire de chaque acteur, chaque figurant, comme s’il s’agissait d’un baroud d’honneur. C’est le dernier Les Visiteurs, alors il relève le défi: il sera le plus merdique.
Un moment qui aurait pu faire basculer cette troisième aventure dans le génie: Jean Reno, croyant être revenu à son époque ne reconnaît pas l’étendard au dessus de son château. C’est une croix gammée! Ils sont arrivés pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’en est fallu de peu pour que Les Visiteurs fassent un improbable crossover avec Papy fait de la résistance. Et là, on avait un film génial. Mais ça, c’est une réalité alternative. En vérité, aucun gag des Visiteurs 3 n’a de sens. Aucun. Mais ils n’en sont pas moins traumatisants.
A un moment, il est question de servir du lait à Robespierre. Ça découle sur le gag le plus long et le plus incompréhensible de ce film. Christian Clavier hurle: «Y’a plus de lait!» à tous les autres convives, avant de sortir dans les rues de Paris pour aller chercher du lait. On se dit: Houla, c’est un gag sur le long terme, Clavier prépare un truc de fou. Et puis rien. Il va revenir bredouille. La vache, elle dort. Le voir fait du mal. Y repenser traumatise.
J’ai demandé à Stéphane Bouley, mon compagnon de podcast ciné, de m’en faire une vidéo. C’est un peu notre thérapie et notre vengeance sur ce film.
1.Camping 3L'ultime frisson de la honte
Parfois ce n’est pas le plus mauvais film dont on se souvient. C’est souvent celui qui fait naître en nous le frisson de la honte d’être là. Et bon sang, Camping 3 coche toutes les cases de la liste, sous-exploitant à chaque instant le génie comique de Franck Dubosc. Ultra-crépusculaire, le film n’a de cesse de répéter que tous ses protagonistes sont usés, finis, dépassés et ringards. Et quand ce n’est pas répété jusqu’à l’usure, c’est carrément Claude Brasseur qui va feindre d’être atteint d'Alzheimer. Quelle éclate. Cette idée de rendre Camping 3 doux amer n’est pas stupide mais il aurait fallu faire table rase de la débilité collatérale propre à la série. Le problème, ce n’est pas de faire des gags sympathiquement racistes. Au début du film, Patrick Chirac en fait un, absolument désopilant. Mais il va aussi faire au jeune noir du film «Ouh pardon, je t’ai pas vu dans le noir». Ouais, ouais, mais admettons. Le pote de Patrick Chirac a peur d’être homo. Alors, pour lui prouver que c’est bien un bouffeur de minous, il va demander à une femme, incarnée par Christina Réali de le séduire. Jusque-là, admettons. Elle est malheureusement handicapée et porte une prothèse à la jambe et d’ailleurs elle manque de renverser un verre d’eau sur Patrick. Bon bon, admettons encore. Ignorant tout du rendez-vous arrangé, le pote soupçonné d’homosexualité lui fait du pied. Toc toc fait la jambe. Avouons que c’est un peu poussif là, mais hé tout le monde a le droit de rire de tout, pourvu que cela soit bien fait. Alors pourquoi pas un chewing gum qui vient se coller entre la jambe artificielle et la chaussure dudit gars? Tout en même temps? Ok. Le problème de Camping 3, c’est qu’il n’a aucune pitié.
A la surprise générale, ils couchent ensemble. Entendant l’union à travers tout le camping, Patrick Chirac ouvre les bras. Il est heureux, son pote a été «détapéttisé». Peut-être que pris indépendamment ou mieux amenés, ces gags fonctionnent. Qui sait. Ce n’est peut-être même pas le pire film, mais c'est celui qui donne le plus la honte d’être là, dans la salle. Même au sommet de son art, Dubosc ne peut pas inverser le sens du torrent de malaise que provoque Camping 3.