France

Attention Alicia Aylies, voici le côté obscur de la vie de Miss France

Les Miss qui sanglotent et se désespèrent d’avoir perdu leur écharpe, on a déjà vécu ça mille fois. Celles qui prennent conscience une fois élues des contraintes et des responsabilités qui les attend, au point de vouloir se débarrasser de leur couronne, c’est plutôt rare mais ça existe.

Alicia Aylies, la Miss France 2017 I PASCAL GUYOT / AFP
Alicia Aylies, la Miss France 2017 I PASCAL GUYOT / AFP

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Pour Alicia Aylies, la Miss Guyane élue ce samedi 17 décembre Miss France 2017, c'est une drôle d'année qui commence. Du moins si elle tient jusqu'au bout, ce qui au regard des dernières années n'a rien d'une évidence. Distinguons deux cas. Il ne faut pas confondre une Miss qui perd sa couronne, et une Miss qui rend sa couronne. Les Miss France destituées, c’est somme toute assez classique… Une fesse par-ci, un sein par-là, il n’en faut pas plus pour déchoir une reine de beauté. Pas de photo dénudée, ni de prosélytisme religieux ou politique, ce sont les deux commandements que nulle Miss n’est censée ignorer. Depuis la création du concours en 1920, seule Isabelle Turpault a été réellement dépossédée de son titre en 1983. Valérie Bègue s’en tire en 2008 grâce au soutien des Réunionnais et de Christian Estrosi, alors secrétaire d’État chargé de l’Outre-Mer. Laetitia Bléger, elle, est seulement mise à l’écart pour six mois en 2004.

Plus insolite dans l’histoire de l’élection de la «plus belle femme de France» (ancien intitulé du sacre jusqu’en 1927), celles qui ont abdiqué de leur plein gré, renonçant à traîner leur couronne comme un boulet. On en compte une petite dizaine, sans compter les Miss régionales qui abandonnent au pied du podium, à savoir: Sandrine Aipar, Miss Réunion 1997, fait un malaise le jour J, elle jette l’éponge; Pauline Darles, Miss Île-de-France 2010, plante le reste de la troupe en pleine répétition aux Maldives, s’estimant «traitée comme du bétail».

«Clairement, ces voyages de “test”, ce ne sont pas des vacances, on checke le moindre détail, on examine jusqu’à leurs caries et maintenant on leur demande aussi d’avoir du répondant», analyse Muriel Truéba, directrice d’un comité concurrent en procès avec Endemol, propriétaire de la marque et actuel organisateur de l’émission sur TF1.

Des raisons géopolitiques aux raisons médicales

Ces Miss qui déclarent forfait ont-elles une bonne raison? En 1935, c’était ça ou la crise diplomatique: Élisabeth Pitz, Miss Sarrebruck, se retire après seulement deux heures de règne, la Sarre étant redevenue allemande quelques mois auparavant. Une Miss allemande, ça faisait mauvais genre, évidemment. Plus mélodramatique, le parcours d’Irène Tunc, future épouse du réalisateur Alain Cavalier et sacrée à 19 ans en 1954: la Lyonnaise préfère les plateaux de cinéma aux galas de bienfaisance. Il faut dire qu’à peine élue Miss Côte d’Azur l’année précédente, elle est déjà sollicitée, elle tournera avec Melville, Lelouch, Resnais et Truffaut, avant de mourir dans un accident de voiture à 37 ans. Dans le cas de Chantal Bouvier de Lamotte, Miss France 1972, c’est une chute de cheval et de graves blessures qui mettent cette aristocrate passionnée d’équitation sur la touche. La cavalière malheureuse passe le relais à sa première dauphine.

Autre motif recensé: la mal du pays. Deux Miss ultra-marines ont préféré retrouver leur douceur insulaire, plantant là les honneurs et la grisaille de l’Hexagone. En 1978, Pascale Taurua, Miss Nouvelle-Calédonie devenue peintre, laisse le trône vacant, tout comme sa première dauphine, la Miss Réunion Kelly Hoarau. Finalement, la gagnante fut Miss Paris, alias Brigitte Konjovic, plus habituée aux hivers rigoureux. Même combat en 1980 pour Thilda Fuller, qui refile son prix à la première dauphine au bout de trois jours et rentre aussi sec à Tahiti pour y mener une carrière politique.

Certaines ne sont pas prêtes à tout donc: un diadème de princesse c’est bien, un prince en chair et en os dans son lit, c’est mieux. Problème: on ne rigole pas avec les mœurs d’une Miss! Le règlement de l’élection nationale de Miss France 2017 impose aux candidates d’«être célibataire[s], non mariée[s], non divorcée[s], non pacsée[s], sans enfant». Entre les lignes, on pourrait presque lire: «vierge serait un plus!» Sylvie Tellier, directrice générale de la société Miss France, répond simplement:

«Dans la mesure où Miss France sera extrêmement sollicitée pendant toutes son année et participera à de nombreux déplacements, nous lui demandons d'être dégagée de toutes obligations familiales. De plus, notre règlement est en phase avec celui des concours internationaux sur ce point.»

Être irréprochable

Face à pareil pensum, Rolande Cozien se dégonfle assez vite: donnée favorite pour l’élection de 1969, la Miss Bretagne refuse d’annuler son mariage en mars. Contrainte d’honorer ses engagements et de défiler sur scène, elle avertit tout de même que si on la désigne, elle démissionnera immédiatement. Le jury opte pour la simplicité: il couronne par défaut Suzanne Angly et cantonne la belle Rolande au rang de première dauphine.

Une Miss doit être irréprochable, les postulantes savent à quoi s’en tenir assure Sylvie Tellier:

«La préparation du concours est de quatre semaines. Pendant cette période, l'aspect du rôle de Miss France est largement présenté. La cérémonie est une émission de divertissement, mais le rôle constitue une vraie mission d'ambassadrice qu'il ne faut pas prendre à la légère.»

Hinarani De Longeaux, 2012 | PIERRE ANDRIEU / AFP

 

Il est défendu aux jeunes filles de fumer, consommer de l’alcool, faire de l’ironie ou du placement de produit, dire du mal d’autres concours de beauté et «d’une manière générale, d’avoir un comportement contraire aux bonnes mœurs, à l’ordre public ou à l’esprit du concours basé sur des valeurs d’élégance». La Miss Brive 2010 a posté sur Facebook des photos d’elle en train d’embrasser sur la bouche deux de ses amies: destituée! Un tel acte serait effectivement jugé «contraire aux bonnes mœurs» en Iran ou en Arabie saoudite, mais en France, l’homosexualité ou les comportements assimilés sont dépénalisés depuis 1982. À noter d’ailleurs, ce sympathique loupé: une photo de Hinarani de Longeaux, Miss Tahiti 2012 et première dauphine en 2013, avait fait polémique… On l’y découvrait galochant une femme au front ceint d’une couronne de fleurs: la femme en question n’était autre que sa mère.

Les raisons personnelles

Dernier motif, plus trouble: la «démission pour raisons personnelles», en réalité une destitution déguisée. Le cas le plus récent, celui d’une Miss régionale, date d’octobre: Miss Centre-Val de Loire 2016 a été poussée vers la sortie pour cause de photos non réglementaires. La version officielle –«Je mets fin à mon aventure pour des raisons qui me sont personnelles» s’est grosso modo transformée en «Sylvie m’a dit de lâcher l’affaire et n’a plus donné signe de vie». Cinquante ans plus tôt, Michèle Boule, élue Miss France 1966, a fini par céder sa place, là aussi pour des raisons personnelles, avec le sentiment d’avoir été «une bête de foire [qui n’a] jamais vu la couleur de l’argent qu’[on] lui promettait».

Aujourd’hui, le show Miss France s’est professionnalisé. Sylvie Tellier, nounou de ces demoiselles, ainsi que la Miss élue, sont des salariées d’Endemol, touchant entre trois et quatre mille euros par mois, sans compter les «dotations» et autres cadeaux de sponsors promis par le règlement. «Avant, on ne gagnait rien», rappelle Christiane Lillio, Miss France 1968 et désormais présidente du comité rival Miss Prestige national, «on touchait des cachets de temps en temps pour les galas, mais c’était trois fois rien. Moi, j’ai eu de la chance, j’ai eu de très beaux cadeaux mais en ce temps-là, Miss France, c’était honorifique et féérique, aujourd’hui c’est du business!» On ne peut plus devenir Miss France sur un coup de tête, avec un joli minois et du charisme, il faut une vocation chevillée au corps, l’argent à la clé vous engage: «Actuellement, Miss France reçoit environ 100.000 euros de cadeaux et jusqu’à 5.000 euros par mois», souffle Geneviève de Fontenay, dame au chapeau et au mythique franc-parler, au service des Miss pendant plus d’un demi-siècle, «désormais, une Miss France ne peut pas se permettre de se désister au bout de trois jours, avec son nom publié partout dans la presse et des cadeaux plein les poches, il y aurait un préjudice, elle serait obligée de rembourser… C’est ce que j’ai toujours dit, les Miss ont tout à gagner et rien à perdre!» On l’aura compris: Miss France est devenu un job comme un autre.

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