Tech & internet

Les meilleures (et les pires) histoires d’internet de 2016

Comme tous les ans, le continent web s'est montré aussi fascinant que terrifiant.

Montage Slate.fr (images via <a href="https://www.facebook.com/candaceSpayne/videos/10209653193067040/">Facebook</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=j0_5L9euMhs">YouTube</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FqhFUbtpiB4">YouTube</a>)
Montage Slate.fr (images via Facebook, YouTube et YouTube)

Temps de lecture: 8 minutes

Quand on navigue sur internet (quoique le verbe «errer» est souvent plus adapté), il arrive régulièrement que l’on tombe par hasard sur un nom ou un hashtag que l'on ne connaît pas. En cherchant à en savoir plus sur ce qui semble être un microphénomène du web, on plonge alors, souvent malgré nous, dans une partie d’internet où ce nom, ce hashtag, est devenu une obsession pour des milliers d’internautes. C’est ainsi que s’écrivent sous nos yeux les premières lignes d’une histoire d’internet, alimentée de clics en clics et de tweets en retweets, au gré de ce vent numérique que l’on appelle la sérendipité

À ce titre, l’année 2016 est un énorme recueil d’histoire du web, étrange mélange de belles découvertes et de terribles aveux, d’horrifiants récits et de frénésies complotistes. Slate.fr a donc décidé de revenir sur quelques-unes de ces histoires que seul internet pouvait nous offrir.

1.La flaque
La fascination pour le vide

La compétition pour la meilleure histoire de l’année a été lancée début janvier par une agence de marketing anglaise, Drummond Central, qui ne s’attendait pas à ce que le phénomène prenne une telle ampleur. Depuis plusieurs jours déjà, Beth Hazon et son équipe observent depuis leurs bureaux les passants tenter de traverser une énorme flaque dans la rue, le jeu consiste à déterminer qui s'en sortira ou non. Etonnés par leur propre fascination pour cette flaque inerte, les employés de Drummond ont décidé le 6 janvier de filmer la scène et de la diffuser en direct sur l’application Periscope. Immédiatement, les gens affluent pour observer les passants traverser la flaque (ou se vautrer magistralement dans celle-ci). Plus de 20.000 personnes étaient présentes au pic du phénomène, au point que le hashtag #DrummondPuddleWatch est apparu. Dans les jours qui ont suivi, des gens ont même vendu sur EBay des bouteilles d’eau provenant de la sainte flaque.

2.#MathPodcastPlagiatLe vol de contenus

Math Podcast, jeune YouTubeur âgé de 18 ans, a une certaine notoriété sur la plateforme de vidéos. Sans atteindre le niveau de Cyprien et Norman, il réussissait à vivre de sa passion grâce à ses 430.000 abonnés et ses 25 millions de vues. Mais un soir de février, sur le forum 18-25 ans de jeuxvideo.com, certains internautes ont commencé à déceler des similitudes entre les vidéos de Math et plusieurs vidéos de YouTubeurs américains. Après une nuit d’enquête et une vidéo réalisée par un membre du forum, impossible de nier l’évidence: Math Podcast a plagié de nombreuses vidéos, parfois même en reprenant directement des plans dans les vidéos de ses sources. Le tollé a été important, les internautes se sont moqués et le nom du YouTubeur s’étale partout dans la presse internet. Dans une interview accordée à Slate.fr quelques mois plus tard, le jeune homme tente de positiver: «Que je sois pardonné ou non, je continuerai sans cesse à croire en mes rêves.» Espérons que l'année 2017 soit meilleure pour lui.  

 

3.Le caca et le sac à mainL'intimité à l'épreuve du retweet

Peut-être l’histoire la plus drôle et la plus tragique de l’année. Makela, étudiante de 19 ans à Toronto, adore raconter sa vie sur Twitter. Qu’il s’agisse de son amour pour ses chiens ou ses mésaventures amoureuses. Le 22 mars, elle est allée un peu plus loin, beaucoup plus loin à vrai dire. «J’ai une histoire à raconter. C’est à propos de mon caca.» Puis elle explique que, lors d’un rendez-vous chez un garçon, elle n’a pas pu éviter la grosse commission. Tout se passait bien, jusqu’au moment où elle réalise que la chasse d’eau ne marche plus. Comment se débarrasser alors de l’indésirable et éviter que son rencard ne tombe dessus, ruinant ainsi tout le rendez-vous? Après une intense réflexion, elle décide d’envelopper l’excrément dans du papier toilette, de le cacher dans son sac à main, et de retourner embrasser le garçon. L’histoire finit bien puisqu’elle a pu, lors d’une absence du jeune homme, faire disparaître ce qui aurait pu devenir la pire honte de sa vie. Pour lire l’incroyable récit en entier, c’est par ici.

«Ok, donc maintenant je fais quoi? Nous sommes assis dans son canapé et la seule chose à laquelle je peux penser c'est la merde que j'ai dans mon sac.»

 

4.Le pirate de l'air et le «selfie»Le paroxysme du n'importe quoi

Le 29 mars, on est passé tout près d'un drame. Seif Eldin Mustafa, Egyptien de 58 ans, prend un vol EgyptAir au départ d'Alexandrie et en direction du Caire. Très vite, il explique à l'équipage porter sur lui une ceinture explosive et énonce ses exigences: il veut que le pilote détourne l'avion vers Chypre, pour qu'il puisse revoir son ex-femme. Une demande étonnante et surréaliste, mais qui prendra fin quelques heures plus tard sur le sol chypriote lorsque l'homme a libéré les otages et que les autorités ont réalisé que la bombe était factice. Le plus improbable dans l'histoire est survenu quand un passager britannique a demandé à prendre une photo (le mot «selfie» a largement été employé à tort) avec le pirate de l'air. Cliché qui a évidemment été partagé et détourné sur internet, où les moqueries et l'indignation ont duré pendant plusieurs jours. Ben Innes, c'est son nom, a expliqué par la suite:

«Je me suis dit: “Pourquoi pas?” S’il nous fait exploser, ça ne changera rien. Je voulais également voir si c’était une vraie bombe. [...] Je n’avais rien à perdre de toute façon, donc j’ai saisi ma chance pour voir de plus près.»

5.Caroline et SafiaLa fin d'une amitié en direct

Comment rester insensible au drame qui a frappé les internets ce 5 avril 2016? Dans une vidéo intitulée «Besoin de vous parler...», la YouTubeuse beauté Caroline explique son amie et collègue Safia, avec qui elle réalisait ses vidéos jusque-là, a décidé de voler de ses propres ailes. Face à cette réappropriation de leur chaîne commune, Safia s’insurge sur leur compte Twitter commun. «Croyez bien que les derniers vlogs que vous avez vus, où on était ensemble à Paris, c’était que du faux. Je m’en suis rendue compte deux jours après.» Suit alors un échange sur Snapchat sur le même compte, et les snaps sont tous plus violents les uns que les autres. Nous assistons alors, impuissants mais fascinés, à la destruction d’une amitié qui, jusque-là, avait été le fond de commerce des deux YouTubeuses. Aujourd’hui, après la promotion forcée de leur livre publié au même moment, Caroline et Safia poursuivent leur carrière, chacune de leur côté. Chez Slate.fr, on espère encore voir un jour une vidéo de la réconciliation, ne serait-ce que pour croire à nouveau à l’amitié en ligne. 

 

6.Eva Lion et ses cupcakes nazisLe trolling n'est pas une excuse

Fin mai, le YouTubeur Matthieu Sommet (à l’origine de l’émission «Salut les Geeks») relaie les activités en ligne d’une certaine Eva Lion. Âgée de 18 ans à peine, la Canadienne publie sur ses comptes YouTube et Twitter des vidéos et des messages antisémites, nazis, racistes, homophobes et misogynes. «Les meilleurs cupcakes jamais faits. HEIL HITLER!», écrit-elle un jour dans un tweet accompagné d’une photo où l’on distingue des cupcakes surmontés d’une croix gammée. Ses propos étaient si surréalistes que certains se demandent si la jeune femme ne faisait pas que «troller» son monde pour tester les limites de la liberté d’expression. Mais peut-on affirmer que l’on trolle avec des messages aussi extrêmes que «l’inceste est halal dans l’islam» ou que la «culture du viol est un mythe»? Le pire dans tout ça, c’est que les internautes indignés avaient beau la signaler, son message était dupliqué et diffusé à l’infini.

 

7.Chewbacca MomL'art de profiter de sa gloire éphémère  

Un peu comme pour la flaque, il y a des «buzz» qu’il est parfois impossible d’expliquer.  La vidéo de cette mère en pleine crise lors d’un essayage d’un masque de Chewbacca est sûrement le meilleur exemple de l’année 2016. La vidéo, issue d’un live Facebook de Candace Payne daté du 19 mai, compte 164 millions de vues (un record) sans que l’on ne comprenne très bien d’où vient ce succès, si ce n’est grâce au rire communicatif de son auteure. Depuis, la mère de famille a reçu des centaines de milliers de dollars de cadeaux, de bons de réductions, et même de frais de scolarité pour toute sa famille dans un collège chrétien de Floride. Elle a également eu droit à sa propre figurine et Disney, évidemment, a connu un pic des ventes de masques de Chewbacca. Aujourd’hui, Candace Payne ne compte pas s’arrêter là et espère bien rentabiliser au maximum sa gloire éphémère.

 

8.La fausse disparition de Marina JoyceLa paranoïa d'internet

Personne ou presque ne connaissait Marina Joyce, YouTubeuse mode et beauté anglaise, avant juillet 2016. Puis, dans une vidéo de conseils vestimentaires, certains internautes ont décelé des signaux de détresse. Un «help» chuchoté, un regard terrorisé, une respiration étrange… Une vidéo inquiétante d’autant plus que Marina Joyce ne répond plus sur internet, ou alors de manière pour le moins cryptique. Très vite, les internautes se persuadent que la jeune femme est en danger, qu’un homme (ou Daech) la retient en otage et la force à faire des vidéos. Des indices toujours plus aberrants sont collectés pour valider la théorie conspirationniste construite de toute pièce, provoquant même une intervention de la police. Le live vidéo de la jeune de femme, réalisé dans la foulée, ne suffira pas non plus à calmer les ardeurs d’internet, qui mettra plusieurs semaines à comprendre que non, Daech ne la retenait pas prisonnière. Un terrible et fascinant exemple de peur collective et de désinformation sur internet. 

9.Michael Kittrell et Claire KittrellOu les deux facettes de la célébrité 

Stupéfaction début août quand Michael Kittrell, jeune américain connu dans le monde des mèmes internet, annonce son changement de sexe. Celle qui s’appelle désormais Claire Kittrell s’est faite connaître en 2010 avec une vidéo intitulée «GINGER DO HAVE SOULS!!», où Michael criait avec maladresse sa colère contre ceux qui le martyrisent parce qu’il est roux. Parodié des centaines de fois, y compris par la série South Park, il avait pourtant continué à alimenter sa chaîne YouTube de façon sporadique, mais jamais avec le même écho que pour cette vidéo maudite. Après cinq mois d’absence, Claire apparaît dans une vidéo confession intitulée «I’m done prentending» («J’arrête de faire semblant») où elle explique son mal-être et avoir entrepris un traitement pour changer de sexe. Beaucoup d’internautes l’ont accusé de troller et de mentir, mais Claire Kittrell a également reçu un large soutien de milliers d’internautes, à des années-lumières de la vidéo qui l’avait rendue célèbre. 

10.#PizzaGate
Le jour où l'on a perdu l'Amérique

On va parler ici d’Hillary Clinton, de pédophilie et donc de pizza. C'est sûrement l'histoire d'internet la plus complexe et la plus incroyable de l'année. Alors reprenons au début. Tout est parti d'e-mails rendus publics par Wikileaks, où l’on peut lire que l’ancien manager de campagne d’Hillary Clinton et un patron de pizzeria de Washington, James Alefantis, se connaissaient et étaient liés par des intérêts politiques mutuels. Les e-mails étaient terriblement banals mais des internautes, principalement des trolls pro-Trump, ont créé des liens et des indices qui n’existent pas pour en déduire que la pizzeria en question, Comet Ping Pong, héberge un réseau pédophile dans un sous-sol. Certains ont expliqué que «CP», les initiales du restaurant, signifient «child pornography», «pornographie infantile». D’autres ont noté que beaucoup d’enfants apparaissaient sur les photos Instagram du Comet Ping Pong. Certains sont même allés jusqu’à dire que le nom James Alefantis ressemblait étrangement à «J’aime les enfants» en français. Les éléments, toujours sans fondements, se sont accumulés. L’apogée terrible du #Pizzagate est survenue quand un homme a ouvert le feu dans le restaurant, déterminé à découvrir la vérité. Pour tout savoir du #Pizzagate, nous vous conseillons d'écouter cet épisode de l'excellent podcast américain Reply All

Vivement 2017. Ou pas. 

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