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Lorena Ochoa, la sainte de Guadalajara

Lorena Ochoa est la meilleure golfeuse actuelle.

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La saison du LPGA Tour, le circuit professionnel du golf féminin, touche à sa fin au terme d'une année chaotique marquée par de graves difficultés financières évoquées en juillet sur Slate. La crise économique a durement affecté, en effet, la santé des tournois et eu raison de Carolyn Bivens, la patronne du LPGA Tour, congédiée puis remplacée, il y a quelques jours, par Michael Whan.

Dans ce marasme, l'année sportive est presque passée au second plan. Les résultats ont d'ailleurs été à l'image de cette sale météo venue de Wall Street, c'est-à-dire plutôt tourmentés. Les quatre tournois du Grand Chelem ont été ainsi remportés par quatre joueuses différentes dont aucune n'avait jamais gagné le moindre «majeur»: Britanny Lincicome (Kraft Nabisco Championship), Anna Nordqvist (LPGA Championship), Eun-Hee Ji (US Open) et Catriona Matthew (British Open). Seul gage de stabilité, la place de n°1 mondiale est restée la propriété de la Mexicaine Lorena Ochoa, reine du LPGA Tour depuis la retraite, il y a deux ans, de la Suédoise Annika Sörenstam.

Cette semaine, Lorena Ochoa, victorieuse de trois épreuves du LPGA Tour en 2009, joue à domicile à l'occasion, s'il vous plaît, du Lorena Ochoa Invitational, qui se termine le 15 novembre sur les fairways du Guadalajara Country Club, à quelques mètres seulement de la maison de son enfance. Donner son nom à un tournoi du circuit professionnel est une particularité du golf, mais une rareté autant chez les hommes que chez les femmes. Sur le circuit masculin du PGA Tour, le légendaire Arnold Palmer est ainsi honoré de la sorte, mais en tant qu'ancien champion, à l'occasion du Arnold Palmer Invitational organisé, chaque saison, sur le parcours de Bay Hill, en Floride, et remporté, cette année, par Tiger Woods.

Mais au Mexique, où ont lieu deux autres tournois du LPGA Tour qui n'existent que depuis son accession au sommet de sa discipline, Lorena Ochoa est une idole classée parmi les dix personnalités les plus importantes du pays. Et tous les sponsors se sont jetés à ses pieds pour permettre la tenue, depuis 2008, d'un tel événement doté de 1.100.000 dollars et géré par toute sa famille que l'on retrouve à tous les postes stratégiques de l'organisation. «C'est bien simple, chaque année, j'ai l'impression d'avoir sept tournois du Grand Chelem à disputer, avoue-t-elle. Les quatre vrais tournois majeurs plus les trois tournois joués au Mexique où je suis tellement attendue. Et ce Lorena Ochoa Invitational est un moyen pour moi de rendre un peu de ce que je dois à la communauté de Guadalajara.»

Une idole vénérée dans un Mexique pourtant peu golfique (moins de 30.000 joueurs pour une population de plus de 100 millions d'habitants) mais où les sportives de niveau mondial se comptent sur les doigts de la moitié d'une main. Pour expliquer cette passion, Lorena Ochoa, qui a déjà amassé près de 15 millions de dollars sur l'ensemble de sa jeune carrière (elle a 28 ans ce dimanche), a cette volonté récurrente de mettre son pays au cœur de sa réussite. Sa participation bénévole à une récente campagne pour la promotion du tourisme au Mexique, dramatiquement boudé ce printemps en raison des conséquences du développement de la grippe H1N1, en a été l'une des nombreuses illustrations.

Toujours impeccable dans ses tenues Lacoste, l'un de ses partenaires principaux totalement en adéquation avec son classicisme bon chic bon genre, Lorena Ochoa ne se laisse jamais dominer par son statut de star. Elle est restée simple et accessible quand certaines de ses consoeurs, glorifiées comme l'Américaine Michelle Wie, sont carrément inabordables en dépit de palmarès nettement moins dorés que celui de la Mexicaine.

«Elle est de loin la personne la plus douce, la plus gentille, la plus généreuse qui marche sur terre, a dit d'elle Christina Kim, une joueuse du LPGA Tour littéralement subjuguée et même complètement mystique lors d'une interview à l'hebdomadaire américain Sports Illustrated. Elle a une lumière intérieure. Je crois qu'elle a été touchée par la main de Dieu. Je suis surprise qu'elle n'a pas encore été canonisée - et je n'exagère pas. Elle est la plus belle chose qui existe. Un croisement entre Tiger Woods et Mère Teresa.»

Et Sainte Lorena, pratiquante catholique fervente qui se signe avant chaque départ, le prouve par le biais de sa fondation créée pour venir en aide aux enfants défavorisés et malades du Mexique ou, au jour le jour, sur le circuit professionnel où elle a toujours un mot et un sourire gentils pour le personnel qu'elle aime venir remercier.

Ochoa est pourtant étrangère aux affres de la pauvreté. Son père était un promoteur immobilier aisé et sa mère une artiste peintre et sculpteur. Et c'est dans une grande maison très confortable aux abords du Guadalajara Country Club qu'elle a donc grandi, découvrant le golf à l'âge de cinq ans avant de tout gagner chez les jeunes au point d'être sacrée championne du monde juniors cinq années de suite, soit une de mieux que le jeune Tiger Woods.

Ses débuts sur le LPGA Tour furent cependant difficiles, à cause d'une certaine nervosité qui lui valut notamment un quadruple bogey sur le dernier trou de l'US Open 2005 qu'elle avait attaqué en tête avec un coup d'avance sur sa poursuivante. Mais son jeu, alliage de technicité épurée et de puissance naturelle, a fini par porter cette golfeuse d'1,69m pour 58kg qui drive en moyenne à 247m jusqu'à une première victoire majeure, en 2007, lors du British Open joué pour la première fois, pour les femmes, dans le saint des saints du Old Course de Saint-Andrews, en Ecosse. En 2008, elle a ensuite doublé la mise lors du Kraft Nabisco Championship, à Rancho Mirage, en Californie.

2009 n'a pas été exactement répondu aux attentes que l'on plaçait en elle — pas mieux que 12e en Grand Chelem. La faute, paraît-il, à... l'amour, et aux distractions de la préparation de son mariage, puisque Lorena Ochoa doit épouser, en décembre, Andres Conesa, de 12 ans son aîné, déjà père de trois enfants et Directeur général de la compagnie aérienne AeroMexico, l'un de ses nombreux sponsors. En début d'année, on l'a surprise, par exemple, à jeter ses clubs par terre et - ô sacrilège - à s'injurier en des termes peu chrétiens. «C'est vrai que cela n'a pas été ma meilleure année, mais je l'ai contrebalancé en m'équilibrant davantage sur un plan personnel, analyse-t-elle. Je suis heureuse».

Car chassez le naturel et la gentille jeune femme revient au triple galop, débitant des discours souvent lisses et ennuyeux au grand dam des journalistes qui ne peuvent que louer son amabilité, mais regretter aussi son absence de prises de risques devant les micros. Ce week-end, à Guadalajara, sur un parcours qu'elle pourrait jouer les yeux fermés tant elle l'a joué à maintes reprises, tout un pays attend d'elle qu'elle soit à nouveau elle-même: c'est-à-dire impeccable, avec un trophée dans ses mains.

Yannick Cochennec

Image de une: British open de golf, août 2008. REUTERS/Darren Staples

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