Santé

«Il n'est pas une semaine sans qu'il me reproche de ne pas épiler les zones intimes de mon anatomie»

Cette semaine, Lucile conseille Marie, une femme en couple avec un homme plus âgé qui a une vision très «normée» du corps féminin.

<a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e7/Alfred_Stevens_Le_Bain.jpg">Le Bain</a> | par Alfred Stevens via Wikimedia CC <a href="cr%C3%A9dit%20photo">License by</a>
Le Bain | par Alfred Stevens via Wikimedia CC License by

Temps de lecture: 3 minutes

«C’est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c’est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes.
Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse:[email protected].

Pour retrouver les chroniques précédentes, c’est ici.

Je vis depuis deux ans en couple avec un homme de douze ans mon aîné. Nous vivons une existence heureuse, épanouie, indépendante: nous partageons les mêmes centres d'intérêt, les mêmes amis, les mêmes petits bonheurs simples. 

Tout irait bien si n'étaient deux problèmes: mon compagnon a une vision très «normée» de ce que doit être le corps féminin. Il n'est pas une semaine sans qu'il me reproche de ne pas épiler les zones intimes de mon anatomie, de ne pas correspondre à son idéal physique, de ne pas l'aimer assez puisque je ne suis pas capable de maigrir pour lui (je fais du 40, il lui est arrivé de me traiter de grosse). Or, j'aime mon corps. Je ne suis pas le moins du monde complexée et ne transigerai ni sur ma masse corporelle, ni sur mon épilation.

De plus, il ne cesse d'avoir des conversations déplacées avec d'autres filles. J'ai pris la (mauvaise) habitude de fouiller dans son téléphone et d'y trouver toujours de nouveaux messages, photos, etc. 

Comment lui faire comprendre que ses dérives don juanesques et adipo-pilo-totalitaires sont inacceptables?

Encore une fois, à l'exception de ces deux (gros) problèmes, tout va bien. Notre quotidien est très harmonieux et nous avons de nombreux projets communs. 

Je sais qu'il m'aime profondément –à chacune de ces découvertes, j'ai été sur le point de le quitter et me suis ravisée en voyant à quel point cela le bouleversait– et suis, globalement, très heureuse avec lui. Mais comment lui faire comprendre que ses dérives don juanesques et adipo-pilo-totalitaires sont inacceptables? 

Marie

Chère Marie,

C’est l’heure de l’ultimatum. Avec ce comportement tout à fait détestable, vous êtes en droit de penser qu’il ne désire que partager sa vie avec une autre femme que vous. Si votre corps ne lui convient pas, s’il est «en chasse» perpétuelle, le doute vous est permis. Il croit peut-être tout au fond de lui que l’attend quelque part une femme «mieux».

Il est possible que ce soit une affaire de génération, et donc de mauvaise éducation. Peut-être aussi que personne ne lui a jamais dit qu’aucune critique gratuite sur le physique n’était permise, ou que depuis un moment déjà, les femmes ne sont plus obligées de se plier aux injonctions concernant l’épilation et le poids (ou n’importe quelle injonction à vrai dire). Probablement que cette attitude d’un autre temps, cette image de la femme des années 1950, ce sont juste de mauvaises habitudes jamais démenties.

Je comprendrais que vous ne vous sentiez pas le courage de reprendre son éducation depuis le départ. Mais c’est pourtant ce qui doit se passer. Votre compagnon doit prendre conscience de la souffrance que provoque ses réflexes machistes. Il doit déconstruire ce tas d’immondices qui corrompt sa personnalité et ses sentiments.

Votre compagnon doit prendre conscience de la souffrance que provoque ses réflexes machistes. Il doit déconstruire ce tas d’immondices qui corrompt sa personnalité et ses sentiments

Il est bien beau d’être bouleversé au moment de se faire quitter. Mais pourquoi alors est-il incapable d’accepter les critiques et de modifier son comportement? Ne serait-ce que faire un effort au lieu de consacrer son temps libre à vous humilier au quotidien?

De votre côté, à terme, si vous n’agissez pas, vous deviendrez complice. C’est peut-être dur mais vous n’avez pas à accepter l’inacceptable sous prétexte de projets communs ou d’une bonne entente en général. Vous savez qu’il dépasse les bornes. Qu’on ne traite pas de «grosse» la femme qu’on aime, qu’elle fasse un 40 ou un 52 dans le but de la motiver à maigrir. Maigrir pourquoi en plus? Non pas pour hypothétiquement préserver votre santé, mais pour lui plaire. Juste être comme il vous imagine, la femme idéale selon son petit imaginaire étriqué.

Ce n’est pas mignon, ce n’est pas un petit défaut sur lequel on peut passer, c’est un gros problème, une vision de la femme et de l’homme (et donc de la société) complètement biaisée et dangereuse. C’est ce genre de type qu’on laisse sévir parce que ce n’est pas si grave et qui perpétuent l’oppression de générations en générations.

D’une réflexion banale à un geste déplacé, au sein du domicile conjugal ou dans le cadre du travail, c’est une mentalité qui étouffe les femmes, qui n’est pas acceptable et contre laquelle il convient, pour toutes les femmes, de se révolter. C’est une question d’ego aussi. La solitude lui semble plus insupportable que de faire souffrir la femme qu’il aime. Mais qui fait souffrir la femme qu’il aime volontairement? Probablement quelqu’un qui ne mérite pas qu’on l’aime en retour.

Vous l’aimez et souhaitez construire avec lui. Vous avez conscience de ces problèmes alors pour votre bonheur à vous, pour ne pas éteindre peu à peu dans un couple toxique, vous devez prendre le sujet à bras le corps. Ne plus rien laisser passer. Que chaque réflexion génère un conflit, qu’il prenne conscience que ça vous touche.

Dans le couple, dans la construction en général, je crois aux concessions. Mais je crois aussi qu’il a des sujets sur lesquels on ne peut pas transiger. Le respect de l’autre en fait partie.

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