France

Thomas Legrand: Pourquoi la méthode Sarkozy ne fonctionne plus

Le Président de la République est victime de la confusion entretenue entre le rythme médiatique et le rythme politique.

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C'est la méthode même du sarkozysme qui semble se gripper. On a déjà beaucoup décrit et commenté cette méthode fondée sur le rythme et l'intensité des réformes. Certain l'ont appelée «la technique du tapis de bombes». Si l'on veut filer une métaphore plus positive, on retiendra «théorie des architectes». Nicolas Sarkozy expliquait volontiers, au début de son quinquennat, que pour réformer notre pays, il fallait faire face à une très grande pression sociale, une pression dite des conservatismes. Cette pression est toujours la même quoi que l'on fasse. Alors plutôt que de faire les réformes, l'une après l'autre et subir, à chaque fois, la totalité de la pression, l'idée du Président était de faire toutes les réformes quasiment en même temps pour que cette fameuse pression soit répartie. Un peu comme un architecte qui répartirait le poids de sa structure sur de multiples petits piliers plutôt que de la faire reposer sur trois ou quatre gros piliers.

La réalité est un peu différente car plutôt que de parler du rythme des réformes, l'on devrait parler du rythme des annonces de réformes. Ces annonces quasi quotidiennes sont le fait du Président. Elles ne sont pas exprimées de façon particulièrement apaisée et créent immanquablement des débats. Seulement le débat n'est pas tant politique que polémique parce qu'il ne s'adresse pas au monde politique, il s'adresse directement à la population via les médias. Nicolas Sarkozy gouverne au rythme accéléré et quotidien de la production d'infos par les médias. Il ne gouverne pas au rythme politique classique, fait d'évaluations, d'avis du Conseil d'Etat, d'allers et retours entre les chambres parlementaires. Ce rythme politique, qui est celui de la fabrication du droit, est forcément long. Du coup, la confrontation des deux rythmes, médiatique et politique, aboutit à un point de blocage. On y est.

Les parlementaires en ont assez de voir trop de projets discutés avec la procédure d'urgence. Ils acceptent mal ce décalage entre les sujets qui agitent les médias et la réalité de leur débat. Ces derniers temps, l'exécutif a lancé un débat sur l'identité nationale (qui n'a pas vocation à trouver une traduction législative), plus tard il est question de couvre feu pour les mineurs.

Ce qui était efficace, pour donner l'impression que le Président agissait et réformait avec énergie contre vents et marées, ne marche plus. L'impression maintenant, c'est que tous les grands discours aboutissent à de petits résultats et à de grandes polémiques. Le grand discours sur le grand Paris devient un simple projet de ligne de métro (petit résultat) et l'impression que l'Etat veut préempter des dizaines d'hectares autour des gares au détriment des villes (grande polémique). Nicolas Sarkozy, lui-même, ne peut plus suivre le rythme fou.

L'affaire des copier-coller de ses discours devant le monde agricole, et, (on s'en est aperçu depuis) de biens d'autres discours, en est la preuve. Il y avait un truc pratique avec la cinquième république, c'était quand il y avait un Premier ministre. Souvenez-vous: c'est lui qui conduisait, au jour le jour, la politique du pays. Il était responsable devant l'assemblée et pouvait juger en permanence, par le biais des représentants de la nation, de la pertinence, de l'efficacité de sa politique; il pouvait savoir si oui ou non elle était acceptée. Il pouvait même parfois tenter de passer en force, quitte à prendre le risque de se faire renverser par les députés ou renvoyé par le Président.

Mais aujourd'hui, si le Président décidait de changer de Premier ministre, ça n'aurait pas beaucoup plus de répercutions sur sa politique que s'il décidait de porter un nœud papillon plutôt qu'une cravate. C'est sans doute d'avoir confondu rythme médiatique et rythme politique et de ne pas avoir voulu distinguer gouverner et présider, ou bien - pour synthétiser - de ne pas distinguer la méthode utile à la conquête du pouvoir de celle de l'exercice du pouvoir, que souffre le sarkozysme aujourd'hui.

Thomas Legrand

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Image de Une: Nicolas Sarkozy présentant le plan Cancer Reuters

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