Culture

Léonard Cohen est mort

Le dernier album de Leonard Cohen, «You Want It Darker» sonnait comme les adieux du patriarche. Entre récit biblique et supplique amoureuse.

Flickr/Takairo Kyono-King's Garden, Odense, Denmark
Flickr/Takairo Kyono-King's Garden, Odense, Denmark

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Le chanteur et écrivain canadien Leonard Cohen est décédé à l'âge de 82 ans jeudi 10 novembre.

«C'est avec une profonde tristesse que nous informons du décès du poète, compositeur et artiste légendaire Leonard Cohen», a écrit son agent sur la page Facebook du musicien... Nous avons perdu l'un des visionnaires les plus prolifiques et respectés du monde de la musique. Une cérémonie sera organisée à Los Angeles, en Californie, où il résidait, à une date ultérieure».

Sa voix grave et ses thèmes aussi noirs que puissants manqueront à tous les amoureux de la musique folk. Nous republions à cette occasion un article sur son dernier album, le sublime et crépusculaire «You Want It Darker». Il y chantait notamment son Requiem, annonçant sa disparition prochaine. Voir également: Léonard Cohen, le plus grand parolier du monde.

***

Le dernier prix Nobel de littérature, Bob Dylan, a dit des chansons de Leonard Cohen qu'elles étaient toutes des prières. Il ne se trompait pas. C'est encore plus évident dans son dernier album, You Want It Darker, où toutes les compositions de Cohen sont autant de chants inspirés de la liturgie juive que de l’exégèse biblique.

D'ailleurs sur deux chansons («Treaty»; «It Seemed the Better Way»), le chœur de la plus ancienne synagogue de tradition ashkénaze du Canada a été convoqué afin d'apporter à l'album cette touche de sacré qui rend son écoute aussi troublante et pénétrante que la récitation d'un psaume portée haut et grave dans les travées du Temple à l'heure où retentissent les prières du Rabbi.

Dans You Want It Darker, la voix profonde, sépulcrale, crépusculaire de Cohen le Patriarche est ourlée comme les franges d'un talit sur lequel se serait posées les mains d'un Dieu aimant, son chant égrène une à une des paroles qui sonnent, semblables à des versets antiques écrits par des sages des temps anciens, ses refrains montent dans la splendeur de compositions musicales sobres mais toujours chaleureuses, les chœurs resplendissent au beau milieu de chansons intemporelles où coulent le lait et le miel d'une musique dédiée encore et toujours à la femme, cet autre Éden qui se donne autant qu'il se dérobe.


Ce n'est pas un disque, c'est un coffret biblique retrouvé dans une Babylone splendide, c'est la psalmodie même des Hébreux traversant le désert du Sinaï, c'est l'ode d'un vieil homme qui a tout vu, tout entendu, tout connu, et qui désire, une dernière fois, redire son amour de l'amour, déposer à l'autel de ses illusions perdues le poids de ses regrets et de ses chagrins, de ses conquêtes et de ses abandons, confier à celui qui voudra bien l'entendre ses supplications à redonner au monde son unité première.

C'est déchirant et c'est sublime, c'est beau et émouvant comme le poème même de l'homme qui, depuis la nuit des temps, s'adresse à un Dieu qui ne veut ou ne peut lui répondre, c'est l'adresse à jamais recommencée envers la femme sanctifiée qui console de tout et guérit de tous les maux, et c'est aussi et c'est surtout un adieu à un monde dont au final, malgré les souffrances, les deuils, les ruptures, on n'aura cessé de louer la cruelle beauté.

Amen.

Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici: Facebook-Un Juif en cavale

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