Culture

«Danse avec les stars», la téléréalité de première utilité

La saison 7 de «Danse avec les stars» reprend ce samedi 15 octobre au soir avec Julien Lepers, Valérie Damidot ou Karine Ferri mais surtout d'impressionnants danseurs devenus les vraies vedettes du programme.

Capture TF1
Capture TF1

Temps de lecture: 4 minutes

Les champions du monde de la division professionnelle de cette discipline sportive, Marioara Cheptene et Steeve Gaudet sont français, mais vous ne connaissez sans doute pas plus leurs noms que ceux de Elena Salikhova et Charles-Guillaume Schmitt, couple d’athlètes français d’exception, triples champions du monde de «showdanse» et finalistes de toutes les grandes compétitions internationales.

En revanche, depuis quelques années, ce sont les visages d’autres champions de la danse sportive qui s’affichent en couverture de magazines grand public. Fauve Hautot, Maxime Dereymez, Katrina Patchett ou Grégoire Lyonnet, tous anciens sportifs de haut niveau, ont dû attendre d’apparaître le samedi soir sur TF1, dans l’émission «Danse avec les stars» pour sortir de l’ombre et gagner une reconnaissance médiatique. Marie Denigot-Hamon, nouvelle recrue de la prochaine saison, suscite ainsi depuis l’annonce de son arrivée dans l’émission un intérêt qu’elle n’éveilla jamais en devenant Championne de France Espoir 10 danses en 2010.

Starification

Désormais, la presse à sensation et les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête, bruissent des spéculations sur la vie privée de ces athlètes et actent de leurs partenariats publicitaires (Fauve Hautot devint ainsi ambassadrice Reebok en 2014). Les fans les traquent au quotidien, les suivent sur les tournées, se structurent dans des groupes Facebook, se pressent dans les stages qu’organisent pour eux les écoles de danse et alimentent des pages Wikipédia où le parcours sportif est rapidement expédié au profit des péripéties et anecdotes du programme télévisuel.

De «Fort Boyard» à «Tout est permis», ils sont invités à participer à d’autres émissions. Les forums de téléspectateurs discutent de leurs mérites et valident souvent qu’entre une ancienne Miss France, un sportif retraité (un vrai, qui a fait un vrai sport viril de sportif, du foot, du tennis ou du rugby) ou une chanteuse en manque de publicité, ils sont finalement devenus les véritables stars du programme.

«Danse avec les stars», version française d’une émission américaine elle-même adaptée d’un format britannique, aurait-elle ainsi peu à peu installé la danse sportive dans un paysage audiovisuel plus que réticent et des médias initialement indifférents?

Un sport véritable

La danse sportive, version compétitive des danses de salon, comprend dix danses: cinq latines et cinq standards. Sport très populaire dans d’autres pays, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Russie, elle reste confidentielle en France où elle n’est pratiquée que par quelques centaines de compétiteurs tout en rencontrant un certain succès dans sa version loisirs.


Historiquement, alors que les sports dits artistiques ont réussi à imposer leur légitimité en se présentant comme la branche artistique d’une discipline sportive déjà reconnue (patinage artistique, ski artistique, gymnastique artistique…), la danse a toujours peiné à faire reconnaître sa nature éminemment sportive.

Sa fédération relève du ministère de la Culture et de la Communication et non de celui en charge des Sports et elle aura dû attendre 1997 pour être reconnue par le CIO, le Comité international olympique, sans toutefois être admise dans le cénacle des sports médaillés. L’un des arguments le plus souvent opposé à sa présence aux Jeux olympiques est l’importance accordée à l’apparence des athlètes lors des compétitions, comme si la dimension spectaculaire de la danse sportive, où un soin extrême est porté à l’allure, faux-cils et paillettes, dépréciait la qualité athlétique.

Sport et spectacle

Alors que certains sports ont dû se théâtraliser pour devenir télégéniques –maillots moulants et mises en scène dénudées et sexualisées dans des calendriers pour le rugby, érotisation des angles de prise de vue et tenues dénudées pour le beach-volley…– il semblait que la danse sportive avait à faire le chemin inverse pour trouver une légitimité.

Exit le strass et les plumes des costumes, il fallait voir de la sueur, de la douleur et du suspens pour gagner une reconnaissance. Les fédérations ont donc initié un long travail de communication avec des clips illustrant avec plus ou moins de bonheur ces valeurs sportives. Le dernier en date œuvre directement pour la présence de la danse sportive aux JO de 2020 de Tokyo en convoquant les topos de l’imaginaire sportif: échauffement de corps en survêtement, foule de supporters en délire, suspens du résultat et jubilation de la victoire…


Pourtant, selon Peter Pover, l’un des Présidents de la Fédération américaine de danse sportive, une présence de ce sport aux Jeux olympiques sera moins liée aux efforts développés par les représentants de la discipline (réglementation plus stricte pour les tenues des enfants, remaniement du système de jugement pour plus de partialité…) qu’au succès de «Danse avec les stars».

Compromis et reconnaissance

Les puristes de la discipline reprocheront au programme d’avoir bradé l’exigence esthétique et technique qui la caractérise. Le choix des musiques semble souvent dicté par une logique plus commerciale qu’artistique. Les portés et acrobaties, interdits en danse sportive, sont devenus inhérents aux chorégraphies de l’émission. Et des danses plus exotiques, comme le classique ou le Bollywood, sont parfois convoquées avec une maîtrise approximative des danseurs, aussi à l’aise dans l’exercice que des footballeurs jouant au handball.

Néanmoins, les détracteurs qui fustigeaient l’émission à son démarrage s’accordent aujourd’hui à dire que le travail de médiatisation bénéficie à tous, des écoles qui accueillent un public renouvelé aux sportifs eux-mêmes, dont l’activité est désormais mieux identifiée par le grand public. L’imaginaire de ce spectacle, entre célébrités et paillettes, se substitue progressivement à celui des thés dansants auquel étaient souvent associées les danses de salon.

Pour les compétiteurs eux-mêmes, la valorisation est effective. Quand David Ginola, ancien international de football, s’effondre de fatigue face à son inépuisable partenaire dans la première saison ou quand le comédien humoriste Anthony Kavanagh intègre à son spectacle la narration de ses entraînements éreintants, la dimension athlétique est publiquement renforcée.

Par ailleurs, si les sportifs continuent à concourir dans l’ombre, les plus charismatiques d’entre eux peuvent, à terme, espérer à leur tour briller sous des projecteurs moins confidentiels une fois leur carrière achevée.

Si l’objectif de la fédération internationale –la présence de la danse aux JO–, est atteint, c’est une émission entre téléréalité et télécrochet qui aura paradoxalement eu raison des réserves «sportives» des comités olympiques. Entre stars et strass, elle lui aura dans tous les cas permis de prétendre à une reconnaissance jusqu’ici plus que contestée, dans un singulier rapport de force entre sport et spectacle qui conforte le pouvoir médiatique.

Cet article a été initialement publié sur le site de The Conversation

The Conversation

En savoir plus
cover
-
/
cover

Liste de lecture