France

Pourquoi Sarkozy fonce dans le mur

Cette fois-ci, comme il le confesse lui-même, ça sent vraiment le roussi pour l'ancien président. Sa baisse dans tous les baromètres d'intentions de vote est la conséquence d'une campagne anxiogène où sa parole s'est fortement décrédibilisée.

En dédicace à Olonne-sur-mer le 1er octobre 2016 I JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
En dédicace à Olonne-sur-mer le 1er octobre 2016 I JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

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«Ça sent le roussi, il faut que je retrouve la martingale», aurait confié Nicolas Sarkozy à l'un de ses anciens ministres. «Si vous regardez l'électorat de droite, c'est plié, c'est moi», raconte pourtant le même aux journalistes. La réalité est que l'ancien président de la République se trouve, à un mois et demi de la primaire de son camp, en bien périlleuse posture. Les sondages d'intentions de vote pour ce type de scrutin sont assurément très fragiles. En ressortent néanmoins trois indications convergentes très inquiétantes pour Sarkozy.

La première concerne la dynamique de campagne de cette primaire. Sa progression consécutive à sa déclaration de candidature en août aura été de très courte durée. L'ancien président recule, face à Alain Juppé, dans toutes les enquêtes récentes. L'écart en faveur de l'ancien Premier ministre, au premier tour, passe même de 7 à 14 points dans le baromètre Kantar Sofres One Point.

Plus ennuyeux encore pour Sarkozy, le voici devancé par son principal rival y compris dans l'hypothèse d'une participation réduite strictement à l'électorat de la droite et du centre. Et même chez les sympathisants LR, son audience s'est fortement réduite. Le calcul d'un salut assuré par un noyau électoral se présente d'autant plus mal que le second tour s'annonce comme devant fédérer ses adversaires autour de Juppé, ce qui assurerait à ce dernier une nette victoire.

Parole discréditée

La contre-performance sarkozyenne est de nature à étonner tous ceux qui croyaient que son énergie légendaire allait emporter le trop placide maire de Bordeaux. L'activisme vibrionnant du personnage, qui se demande tous les matins en se rasant ce qu'il peut bien trouver pour provoquer la polémique, impressionne visiblement plus le microcosme qu'il prétend honnir que l'homme de la rue.

Le discrédit de la parole de l'ancien chef de l'État est sans doute la principale raison de cette piètre écoute. Sarkozy a beau hurler de plus en plus fort, multiplier les propositions les plus saugrenues, la majorité des électeurs –y compris à droite– ne le croient plus.

L'étrange engagement à organiser un double référendum, le jour même du second tour de l'élection législative de juin prochain, pour faire adopter deux décisions sans rapport logique entre elles –la suspension du regroupement familial et la mise en rétention administrative des personnes fichées «S»– est symptomatique de ces annonces qui suscitent des haussement d'épaules.

La faisabilité d'une telle consultation est déjà sérieusement sujette à caution. Surtout, Sarkozy agite, une fois encore, l'argument référendaire alors que les Français ont de très sérieuses raisons de douter de sa volonté de rendre la parole au peuple. «Cela fait huit fois que Nicolas Sarkozy propose des référendums», a compté Jean-Jacques Urvoas. «Président, il n'en a fait aucun», n'a pas manqué de faire remarquer le ministre de la Justice.

«Cela fait huit fois que Nicolas Sarkozy propose des référendums, a compté Jean-Jacques Urvoas. Président, il n'en a fait aucun.»

Ajoutons d'ailleurs que le sixième président de la Ve République s'est tranquillement assis sur le résultat du référendum concernant le traité constitutionnel européen en faisant adopter un Traité de Lisbonne reprenant l'essentiel des propositions rejetées par les Français en 2005.

Une ligne anxiogène

Le choix de faire campagne sur «l'identité» pouvait sembler judicieux dans une période marquée par plusieurs angoisses relevant, plus ou moins directement, de cette problématique, de la crise migratoire au terrorisme islamiste. L'ancien ministre de l'Intérieur s'estimait le mieux placé pour capter à son profit ces inquiétudes et se poser en garant de la sécurité nationale.

La surenchère identitaire à laquelle il a cédé a cependant pu provoquer de légitimes inquiétudes dans l'opinion. Sarkozy se montre tellement intraitable sur l'islam et sur l'immigration que la crainte de voir le pays soumis à de vives tensions au cas où il reviendrait aux affaires a inévitablement ressurgi.

En envisageant sérieusement d'interdire le simple voile islamique dans l'espace public, l'ancien maire de Neuilly-sur-Seine place la barre de l'assimilation tellement haut que des réactions très violentes seraient prévisibles. Or, si les Français veulent que leur mode de vie soit respecté et que les populations d'origine immigrée s'intègrent correctement, ils sont aussi très soucieux de leur tranquillité publique. Sarkozy est ici anxiogène.

Démagogie inadaptée

En panne d'imagination, n'hésitant pas à recycler des pans entiers de ses discours de campagne de 2007 et de 2012, Sarkozy rejoue pour la énième fois la carte du populisme, se présentant comme le champion de la «majorité silencieuse» contre «les élites».

Là encore, le culot éculé ne paie plus. Qui croira encore que le mari de Carla Bruni, qui n'a jamais cacher aimer l'argent et les riches, partage sincèrement les préoccupation de ceux que l'on trouve «dans les trains de banlieue»?

Au demeurant, ces flots de démagogie sont inadaptés au public de la primaire de la droite, l'étape stratégique pourtant cruciale pour son ambition de revanche présidentielle. C'est un électorat plutôt aisé et âgé qui arbitrera entre les postulants de ce camp les 20 et 27 novembre. Il est douteux qu'ils se sentent très touchés par ces paroles s'apitoyant sur une classe moyenne paupérisée qui en serait à «compter ses fins de mois».

Foncer dans le mur

Selon un processus habituel chez les hommes politiques en perdition, moins son discours convainc et plus Sarkozy le durcit. L'ex-président semble même sincèrement très étonné que les recettes de ses succès passés ne fonctionnent plus.

Ce grand amateur de sondages –à en juger par les sommes phénoménales dépensées sous son règne dans les études d'opinion– prétend maintenant les mépriser. Et se consoler en brandissant ses succès de salle. Comme si rassembler 6.000 personnes à Paris augurait d'une future victoire électorale...

Il est maintenant trop tard pour changer de pied. Un Sarkozy redevenu soudainement raisonnable susciterait stupéfaction et incrédulité. Le desperado républicain ne peut que continuer à accélérer, toujours tout droit, tant pis si le mur est au bout du chemin. Sauf événement majeur bousculant la campagne, Sarkozy semble bien fait comme un rat.

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